En Europe, les énergies renouvelables sont une question de volonté politique

La révision de la directive européenne sur les énergies renouvelables (RED III) est entrée en vigueur en novembre dernier. À l’approche des élections européennes, Seda Orhan, responsable du programme énergies renouvelables du CAN Europe, apporte son décryptage.

Les objectifs fixés au niveau européen en matière d’énergies renouvelables sont-ils à la hauteur ?

Seda Orhan : La révision de la directive européenne sur le sujet fixe un objectif global et contraignant de 42,5% d’énergies renouvelables d’ici 2030 (et encourage à pousser jusqu’à 45%), chaque État membre contribuant selon ses moyens. Le CAN Europe (Climate Action Network Europe), milite pour un objectif de 50% afin d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2040. Il reste encore du chemin à parcourir puisqu’en 2022 cette part était de 22,5% en moyenne en Europe. Ce qui manque, ce ne sont ni la technologie, ni les ressources financières, ni la capacité d’innover, c’est une véritable volonté politique.

Quelle planification prévoit la directive pour les États membres ?

S.O. : Les États membres doivent soutenir l’accélération des énergies renouvelables en cartographiant les zones désignant les conditions de vent et d’ensoleillement les plus favorables d’ici mai 2025. Cela permettra par la suite de désigner des zones d’accélération d’ici février 2026 pour mettre en œuvre des projets d’énergies renouvelables et ainsi atteindre les objectifs. Au sein du CAN Europe nous appelons les États membres à s’assurer que l’impact environnemental, notamment sur la biodiversité, soit maîtrisé et que les populations soient impliquées dans la création de ces zones.

La France est le seul pays européen à ne pas avoir atteint ses objectifs en matière d’énergies renouvelables. Que risque-t-elle si elle ne rattrape pas son retard ?

S.O. : La France a tenté de détourner les négociations pour obtenir des compromis sur l’énergie nucléaire, un sujet qui n’aurait pas dû être inclus dans un débat sur la promotion des énergies renouvelables. Cela a ralenti les discussions. Comme tous les pays, la France va devoir se fixer des objectifs chiffrés concernant la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique à l’horizon 2030. Alors qu’elle s’était fixée un objectif de 23% d’énergies renouvelables dans son mix en 2022, elle n’a atteint que 19%. Si la France ne réhausse pas son ambition, elle sera soumise à de nouvelles pénalités financières.

Comment les élections européennes peuvent-elles influer sur le futur des énergies renouvelables en Europe – et en France ?

S.O. : Les énergies renouvelables ne devraient pas avoir de couleur politique. Elles génèrent des bénéfices multiples pour le climat, l’économie et les citoyens. Nous n’avons pas d’autre choix que de les développer pour assurer notre sécurité énergétique et un futur durable. Le CAN Europe surveille de très près les élections européennes et nous espérons que les résultats du vote seront en faveur du climat et des Européens.

Zoom sur la France

La France a pris de l’avance sur le calendrier européen en promulguant en mars 2023 la Loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Ce texte place les maires en première ligne en leur donnant la responsabilité de de définir des zones d’accélération pour l’installation de projets d’énergies renouvelables sur les communes. Cependant, il est aujourd’hui nécessaire de lever les freins existants : le manque d’ingénierie des communes, le manque d’outils économiques facilitant l’installation de projets, la définition floue des responsabilités en ce qui concerne les objectifs de planification énergétique, le calendrier irréaliste… La France doit donc revoir la méthode et affirmer une réelle volonté politique pour faire de ces zones une vraie planification d’accélération de projets d’énergie renouvelable et démocratique.

En savoir plus