« Il faut remettre du service public dans le secteur de l’énergie »

Alors que l'Etat semble abandonner le Service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) après l'avoir inscrit dans une loi en 2015, Sandrine Buresi, coprésidente du CLER – Réseau pour la transition énergétique, rappelle les enjeux fondamentaux des missions de service public associées à la transition énergétique, qui doivent s'organiser en étroite collaboration avec les collectivités locales, garantes de l'intérêt général.

Existe-t-il un service public de l’énergie en France ?

Récemment, sur une radio du service public justement, j’ai été stupéfaite d’entendre « qu’EDF était le service public le plus apprécié des français ». Or EDF n’est pas un service public, ni même une entreprise publique… c’est une entreprise privée dont l’Etat est l’actionnaire majoritaire. Le système énergétique actuel est pour l’essentiel organisé autour de quelques grands groupes issus des monopoles historiques. Ils sont en nombre très limité et intégrés verticalement depuis la production jusqu’à la fourniture aux consommateurs en passant par l’acheminement (transport et distribution). Bien que certains de ces groupes, comme EDF, soient ainsi détenus essentiellement par l’Etat, et qu’ils possèdent des filiales chargées de missions de service public auxquelles les Français sont particulièrement attachés, il s’agit toujours d’entreprises privées cotées en bourse dont l’objectif principal est la rémunération des actionnaires. Ce qui n’est pas la meilleure garantie du respect scrupuleux de l’intérêt général…

Faut-il repenser en France le service public de l’énergie ?

Oui, car cette situation héritée du passé pose de réels problèmes de principe : un groupe aussi puissant qu’EDF exerce de fait une position dominante qui empêche, volontairement ou non, l’émergence d’acteurs plus petits et plus proches des territoires. Il existe également un risque de conflits d’intérêt, à travers par exemple des remontées excessives de dividendes au détriment des investissements dans le développement et la maintenance, notamment des réseaux.

« Ces EIE sont pour le moment financées par l’Ademe et par des collectivités, mais leur avenir est aujourd’hui très incertain. »

Enfin, il y a une confusion des rôles et des métiers : la centralisation de l’énergie perd beaucoup de son sens et surtout de son efficacité lorsqu’il s’agit – comme il est urgent de le faire pour lutter contre le réchauffement climatique – de passer d’une logique de l’offre (toujours plus) à une logique de la maîtrise de la demande (consommer moins et mieux)…

On ne peut pas vendre de l’énergie et inciter ses clients à diminuer leur consommation ?

C’est tout le problème. Le reportage de Radio France décrivait la plateforme déployée par EDF pour accompagner la rénovation énergétique des logements… Or en marge de cette offre totalement privée, il existe bel et bien en France un Service public de la rénovation énergétique : instauré par la Loi de transition énergétique votée en 2015, il ne dispose toujours pas des moyens nécessaires et risque de disparaître si un financement pérenne ne vient pas soutenir sa mission fondamentale et son déploiement. Son objectif est de mettre à disposition des particuliers « un tiers de confiance » afin de les aider à faire les bons choix pour monter leurs projets et  économiser réellement l’énergie en résolvant une situation d’inconfort, voire de précarité énergétique, tout en évitant au passage les escrocs qui se pressent au téléphone.

Des conseillers « info-énergie » présents sur tout le territoire dans des structures locales (associations ou collectivités) diffusent actuellement des informations fiables concernant la rénovation énergétique, et surtout ils le font en toute indépendance vis-à-vis des fournisseurs d’énergie et de matériaux. Ces Espaces Info Energie – ou Plateformes territoriales de la rénovation énergétique – sont pour le moment financées par l’Ademe et par des collectivités, mais leur avenir est aujourd’hui très incertain.

Comment faire pour défendre le principe du service public aujourd’hui ?

Quels autres acteurs que les collectivités locales pour défendre au mieux l’intérêt général et le principe de continuité territoriale ? Elles sont parfaitement légitimes étant au plus près des citoyens et les mieux placées pour connaître les spécificités de leur bassin de vie. Elles ont tout à gagner à accompagner les consommateurs dans leurs efforts de rénovation et d’économies d’énergie grâce aux artisans et à favoriser ainsi la création d’emplois locaux pour répondre à la demande. Or l’Etat rechigne à leur donner tous les moyens juridiques, financiers et méthodologiques pour leur permettre d’assumer pleinement leurs responsabilités – même dans un cadre clairement défini par lui garantissant la solidarité nationale.

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Contact

Sandrine Buresi

Co-présidente du CLER – Réseau pour la transition énergétique

sandrine.buresi[arobase]gefosat.org