Engager la transition énergétique : des élus racontent leur expérience

Dans les territoires ruraux, même si l'envie est là, les moyens et les connaissances manquent souvent pour lancer une dynamique à « énergie positive ». Les acteurs locaux doivent commencer par s'approprier les principaux enjeux, identifier les potentiels d'actions en matière de sobriété et de développement des énergies renouvelables, et élaborer une stratégie opérationnelle adaptée au terrain... bref : un vrai casse tête ! Pourtant, de plus en plus de territoires y parviennent. Récits de trois élus précurseurs.

Comment êtes-vous passés du papier à l’action sur votre territoire ?

Béatrice Santais (Communauté de communes Coeur de Savoie) : nous sommes plus souvent passés de l’action au papier ! A Montmélian, lorsque nous avons démarré il y a 30 ans, il n’y avait pas autant d’organisation mais une volonté de montrer des choses. Par la suite, en passant par des procédures et des labellisations comme Cit’ergie et TEPOS, nous avons organisé un peu nos idées. Il faut expérimenter, oser y aller, d’autant plus aujourd’hui qu’il y a davantage d’outils pour le faire, et qu’on peut s’appuyer sur les acteurs du territoire. Nous essayons de préparer des projets et de les présenter aux partenaires dans une dynamique de co-construction.

Michel Heinrich (Syndicat mixte du SCoT des Vosges centrales) : on ne passe pas à l’action du jour au lendemain, c’est une réflexion menée en continu. On ne décide pas un matin de construire une chaufferie, on se pose plutôt la question : quels sont les avantages de notre territoire ? Quelles sont les problématiques communes sur lesquelles nous pouvons travailler avec les industriels, les énergéticiens, les acteurs locaux ?

 

« Les rencontres de terrain sont importantes, et les élus ont plusieurs rôles dans l’animation du territoire : mettre en relation, convaincre, et agir directement »

Comment le travail de tous ces acteurs a-t-il été impulsé, articulé ?

Bernard Paineau (Communauté de communes du Thouarsais) : Dans le Thouarsais, l’écriture de notre projet de territoire est en cours de finalisation. La transition énergétique en est un axe majeur. Un portage politique fort est essentiel, mais ça ne peut pas être le projet d’un président ou d’un conseil communautaire. Ça ne peut être que le projet du territoire, de toutes les professions et de tous les citoyens. Nous essayons de sensibiliser les acteurs, y compris le personnel de la collectivité, par exemple en organisant une projection du film « Demain » ou en emmenant des agents aux rencontres TEPOS. Et tous les ans, le projet de territoire fera l’objet d’une évaluation et d’une redéfinition des actions et de la méthodologie.

Michel Heinrich : il y a des actions que nous maîtrisons entièrement, comme les réseaux de chaleur, mais de nombreux projets sur le SCOT des Vosges centrales sont partis d’initiatives d’industriels. Les rencontres de terrain sont importantes, et les élus ont plusieurs rôles dans l’animation du territoire : mettre en relation, convaincre, et agir directement. On peut aussi se doter d’outils : sur notre territoire, la SEM de développement économique Epinal Golbey soutient des projets dans le domaine de l’écoconstruction.

« Financer l’ingénierie nécessaire pour animer ces démarches est essentiel »

Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés ?

Béatrice Santais : ce n’est pas évident de rassembler tout le monde autour de ça. Il y a plusieurs voies d’entrée. Par exemple sur l’éclairage, par l’aspect économique : on peut permettre à un maire d’économiser un peu sur son budget. Il y a également parfois l’obstacle de la technique : nous ne sommes pas tous des ingénieurs ni des énergéticiens. Il faut savoir bien s’entourer, écouter des techniciens, les points de vue divergents, pour prendre la bonne décision.

Michel Heinrich : un obstacle conjoncturel est aussi le prix du pétrole. Quand le gaz ou les produits pétroliers semblent meilleur marché que les renouvelables, ça peut ralentir certains projets.

Bernard Paineau : financer l’ingénierie nécessaire pour animer ces démarches est essentiel. L’obstacle serait que l’Etat et les régions ne prennent pas leurs responsabilités. Si demain, nous n’avons plus d’aides de la région et que nous devons financer les sept « équivalents temps plein » qui travaillent sur ces questions, nous serons en difficulté.

Publication

Cet article est extrait du CLER Infos n°111 (Juin 2016)

Parce qu’elle exige un constant travail de portage, la capacité d’un territoire à être acteur dans le domaine de l’énergie n’est jamais acquise : c’est une construction fragile qui doit être entretenue et nécessite des moyens humains. Comment déclencher les actions en mobilisant les énergies humaines dans la durée ? Comment soutenir les dynamiques d’animation, les articuler, les outiller ? Un dossier à retrouver dans le CLER Infos n°111.

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