Enerterre : la rénovation participative et solidaire

Dans la Manche, cette association aide les foyers en situation de précarité énergétique en leur proposant de participer, avec d’autres bénévoles, à la rénovation de leurs logements.

Humidité, mauvaise isolation, inconfort général… Dans la Manche, certaines familles, résidant en zone rurale, font face au quotidien à la précarité énergétique. C’est pour les aider qu’est né Enerterre en 2011. « Au départ porté par le Parc naturel régional des Marais du Cotentin et du Bessin, le dispositif ciblait les maisons traditionnelles en terre. Il intègre désormais tous types de logement », précise Laurent Bouyer, coordinateur de la structure devenue une association en 2013, détachée du PNR depuis 2018.

« La première étape de notre travail consiste en une assistance à maîtrise d’ouvrage. Nous nous rendons dans la maison et essayons de comprendre les problèmes rencontrés. L’humidité ? Le froid ? L’idée est d’écouter les habitants, pour voir comment ils vivent, ce qu’ils ressentent. Il n’y a pas de solutions toutes faites », insiste Laurent Bouyer. La discussion s’oriente ensuite sur la pertinence, ou non, d’une auto-réhabilitation. Car l’ambition d’Enerterre, c’est de faire participer les propriétaires. « Bien sûr, ça ne convient pas à tout le monde et parfois nous ré-orientons les habitants vers des artisans et des travaux plus classiques. »

« Nous nous rendons dans la maison et essayons de comprendre les problèmes rencontrés. L’humidité ? Le froid ? L’idée est d’écouter les habitants, pour voir comment ils vivent. »

Une soixantaine de maisons rénovées

L’association regarde aussi les ressources du foyer, en se basant sur les critères nationaux fixés par l’Anah (Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat). Ainsi, les bénéficiaires sont à 80 % des foyers aux « ressources modestes » ou « très modestes ». Mais pour assurer une mixité, Enerterre ouvre aussi son dispositif aux ménages dépassant légèrement les plafonds. Une soixantaine de maisons ont ainsi été rénovées depuis le début. Une fois que tout est calé avec l’habitant, le chantier participatif se met en place. « Nous lançons un appel par mail à nos bénévoles en indiquant les dates prévues et le type de travaux. En général, nous avons besoin de 5 à 8 personnes et notre mail est un listing de 600, déjà bénévoles ou qui ont demandé à être inscrites pour participer », détaille Camille Fontenelle, facilitateur des chantiers au sein d’Enerterre.

Retraités, actifs qui s’intéressent à la rénovation, chômeurs en transition, jeunes de 18/20 ans qui cherchent une voie… Les profils des bénévoles sont très variés. « Certains viennent sur un jour de congé, d’autres sur leur temps de vacances… Il n’y a pas de pression, ils peuvent rester une semaine – c’est souvent le temps d’un chantier – ou un jour ! Je dis toujours que l’organisation des chantiers relève d’un petit miracle ! C’est en semaine et pourtant nous arrivons toujours à rassembler du monde. C’est un moment de transmission et de partage d’expériences très intéressant », sourit Camille Fontenelle. Sur place, le facilitateur distribue gants, lunettes, casques anti-bruits et masques anti-poussières tandis que l’artisan qui chapeaute le chantier explique les gestes et tâches à réaliser, à savoir exclusivement des travaux de second œuvre, principalement liés à de l’isolation thermique (enduits, joints…).

Matériaux naturels et locaux

En octobre dernier, dans le village de Trelly, c’est la maison de Françoise Milliard, une grange datant du début du siècle dernier, qui a ainsi été rénovée. « Je me sens désormais beaucoup mieux dans ma pièce de vie ! Rien que pour le moral, c’est important. Je petit-déjeune tranquillement en ne voyant pas toute l’étendue des travaux qu’il me reste à faire ! », précise l’habitante qui avait réalisé elle-même une grosse partie des réhabilitations mais avait dû arrêter pour raisons de santé. Les travaux réalisés ? Des joints et des enduits en terre, chaux et sable, avec l’objectif d’assainir les murs humides.

Dans tous les cas, Enerterre fait le choix d’utiliser des matériaux naturels et locaux, et travaille d’ailleurs à la mise en place d’une filière « terre », via l’achat de machines pour broyer, tamiser… ce matériau typique de la région ! L’utilisation de ce type de ressources, en plus de l’intervention des bénévoles, permet aussi bien sûr de baisser la facture de la rénovation. Si la moyenne estimée des travaux est de 10 000 euros par logement, l’ambition d’Enerterre est bien de diminuer le plus possible le reste à charge pour le bénéficiaire. « Selon les chantiers, l’économie réalisée peut aller de 20 % à plus de 90 % », précise Laurent Bouyer. Par exemple, Françoise Milliard n’a réglé que les matériaux, sachant qu’elle s’est aussi engagée, via le dispositif, dans un Système d’échange local (SEL). Elle devra « rendre » un certain nombre d’heures (l’équivalent à peu près de la durée de son chantier) en participant à d’autres travaux. « Cela permet aux bénéficiaires d’aller voir ailleurs, et souvent de rompre leur isolement en rencontrant d’autres personnes non loin de chez eux », souligne Camille Fontenelle.

En savoir plus : www.parc-cotentin-bessin.fr

Par Claire Baudiffier, journaliste.

Un réseau national pour accélérer l’auto-réhabilitation

La réhabilitation des logements par les habitants eux-mêmes est une réalité importante et croissante. A l’échelle nationale, le RéPAAR (Réseau pluriel de l’accompagnement à l’auto-réhabilitation) vise à consolider et développer ces dynamiques locales, pour soutenir les habitants en recherche de confort, et engager les professionnels qui apportent leur savoir-faire et une plus grande qualité technique. Oïkos, acteur central de l’éco-construction, et les Compagnons Bâtisseurs, pionniers de l’accompagnement à l’auto-réhabilitation, coordonnent ce réseau qui a recensé 600 opérateurs (artisans, entreprises du bâtiment, architectes, associations, établissements publics…) et réunit aujourd’hui 140 structures. Des rencontres nationales et régionales ont lieu régulièrement afin d’échanger, mutualiser et mettre en commun leurs besoins. Depuis 2016, 200 personnes ont participé à ces rencontres. Les thématiques abordées sont variées : la formation aux métiers de l’accompagnement, les modèles économiques, les assurances, la sécurité et la santé sur chantier, la qualité des travaux, le transfert de compétences…

En savoir plus : www.compagnonsbatisseurs.eu/reseau-repaar/
Publication

Cet article est extrait de la revue Notre énergie n°122 – Solidaires ! Pas de transition énergétique sans justice sociale.

La transition énergétique ne porte pas de costume ni de cravate et ne se décide pas uniquement en haut des tours de la Défense. Elle n’a pas de couleur, pas de sexe, pas d’âge ! Inutile d’avoir un niveau de diplôme élevé pour s’en emparer et profiter de ses bienfaits. Rénover son logement, se déplacer ou manger mieux à prix abordable, redistribuer les sommes d’argent économisées grâce à des actions de sobriété, trouver un emploi qui a du sens… La transition énergétique, quand elle est menée ici et ensemble, permet aux habitant.e.s, et en particulier aux plus vulnérables, d’améliorer leur quotidien. Un idéal de solidarité et de « bien vivre » qu’incarnent les nombreux territoires visités dans ce numéro de notre revue associative : Notre énergie !
Avril 2019 – 24 pages.

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