Énergies renouvelables : un projet de loi à revoir

Aujourd’hui, le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables est présenté en conseil des ministres. Pour Alexis Monteil-Gutel, responsable de projets énergies renouvelables au CLER - Réseau pour la transition énergétique, il doit proposer un cadre réglementaire cohérent, en phase avec l’objectif européen de 45 % d’énergies renouvelables pour 2030, et permettre d’accroître la participation des acteurs locaux.

Un projet de loi d’accélération des énergies renouvelables est-il nécessaire ?

Alexis Monteil-Gutel : Ce projet de loi d’accélération des énergies renouvelables est nécessaire et bienvenu. La France fait face à des difficultés d’approvisionnement en énergie pour cet hiver (et les prochains) et 26 réacteurs nucléaires français sont aujourd’hui à l’arrêt. Le contexte actuel de tension énergétique est une nouvelle occasion pour réduire notre consommation d’énergie et produire plus d’énergie renouvelable, au bénéfice du climat, des consommateurs et de la solidarité européenne. Il faut accélérer !
De son côté, l’Union européenne continue de réhausser l’ambition. Le 14 septembre dernier, à une très large majorité, le Parlement européen a adopté la directive Énergies renouvelables intégrée au paquet climat « Fit for 55 », qui propose un objectif de 45 % d’énergies renouvelables pour 2030. Pour atteindre cet objectif, la France doit redoubler d’efforts et trouver des solutions rapidement pour débloquer les projets sur le terrain. Mais pas n’importe comment ! 

Comment la France peut-elle rapidement augmenter sa production d’énergies renouvelables ?

A.M.G : La loi qui va être débattue n’est pas le seul levier pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables. Un ensemble d’outils et de mesures est à disposition de l’État, mais il doit les utiliser de façon cohérente et équilibrée. Il y a déjà eu un paquet de mesures réglementaires pour faire face à l’inflation cet été. Des mesures opérationnelles facilitant la mise en œuvre de projets, adressées aux préfets, ont déjà été engagées via une récente circulaire. La prochaine Loi de finances doit donner des moyens financiers et humains nécessaires à ce déploiement, que ce soit dans les services de l’État ou au sein des collectivités locales. D’autant plus que, les énergies renouvelables sont un investissement durable.  Selon la Commission de régulation de l’énergie, les énergies éolienne et photovoltaïque françaises vont rapporter 15,45 milliards d’euros à l’État sur les exercices 2022 et 2023. En 2023, la Loi de Programmation pluriannuelle de l’énergie sera débattue. Elle devra fixer des objectifs de moyen terme pour toutes les énergies renouvelables. Cette cohérence globale et cette stabilité réglementaire sont primordiales pour articuler court terme et moyen terme. L’actuel projet de loi doit donner de nouveaux leviers pour enclencher un changement de braquet et réussir l’ambition 2030.

La lourdeur des démarches administratives est-elle la cause du retard français ?

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Le projet de loi s’appuie sur un diagnostic incomplet, faisant des procédures administratives la cause principale de notre retard dans le déploiement des énergies renouvelables. Il sous-entend que les procédures administratives sont trop complexes, et qu’il faut agir “par dérogation” face à l’urgence. Ce constat est erroné et peut donner lieu à de mauvaises solutions. En développant vite et au plus bas coût possible, on prend le risque de continuer à concentrer les parcs éoliens dans le nord de la France ou les parcs photovoltaïques dans le sud. Il faut rappeler que deux Régions (Hauts-de-France et Grand Est) concentrent la moitié de la capacité éolienne terrestre installée.  Il faut faciliter les procédures administratives mais en visant un développement équilibré et soutenable des projets. Comment ? Grâce à des mécanismes de soutien qui assurent une répartition équilibrée des lieux de production  dans le respect des enjeux de biodiversité et d’aménagement locaux, et à une territorialisation des appels d’offres.

Quelles dispositions permettraient de renforcer ce projet de loi ?

A.M.G : Celui-ci contient des dispositions intéressantes mais il faut aller beaucoup plus loin. Tout d’abord, il doit prendre en compte toutes les énergies renouvelables, et pas seulement l’éolien en mer et le photovoltaïque. Il est indispensable de faciliter  les projets de méthanisation ou de chaleur renouvelable, qui ne sont pas concernés par le projet de loi actuel, dans le respect des exigences environnementales en vigueur. Le texte propose par ailleurs de faciliter l’accès au foncier, sur routes, autoroutes et terrains dégradés pour développer l’énergie solaire. C’est très bien et il faut aller encore plus loin pour obliger progressivement et systématiser l’équipement des toitures et ombrières. Le seuil proposé à 2 500 m2 pour les parkings est très élevé, il peut être abaissé à 250 m2. Il faut être clair sur la priorité d’équiper les espaces déjà anthropisés, plutôt que les espaces naturels, agricoles ou forestiers. Dans ce sens, favoriser l’intégration territoriale des grands projets, et également équiper massivement les toitures !

Autre point : le projet de loi introduit une disposition sur le partage de la valeur, à travers la baisse de la facture des riverains et collectivités d’un parc éolien. Cette disposition, intégralement financée par l’État, introduit l’idée qu’un parc éolien est une nuisance qui nécessite d’être dédommagé. De notre point de vue, c’est tout l’inverse ! Aujourd’hui 35 % des retombées locales potentielles  d’un projet énergies renouvelables reviennent au territoire via la fiscalité et les loyers. Les énergies renouvelables sont une chance et une source de richesses pour le territoire. Elles sont aussi pourvoyeuses d’emplois locaux. Il faut donner plus de possibilités pour les collectivités et les citoyens à investir, pour accroître fortement les retombées locales. Pour les inciter à prendre part à cette transition énergétique, le projet de loi doit moduler les systèmes d’aides existants, afin que tout projet puisse trouver une viabilité économique. Les propositions du Collectif pour l’énergie citoyenne réunies au sein d’un livre blanc vont dans ce sens. 

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