Énergies renouvelables : lever le verrou du raccordement

En décembre dernier, la direction générale de l’énergie et du climat lançait un groupe de travail “ raccordement”. Objectif : revoir les procédures du raccordement au réseau des installations de production d’énergie renouvelable. Éclairage avec Marc Jedliczka, directeur général d’Hespul, qui représente le CLER - Réseau pour la transition énergétique dans le cadre de ce groupe de travail.

Quels sont aujourd’hui les enjeux auxquels sont confrontés les acteurs des territoires quant au raccordement aux réseaux ?

MJ : En France, le réseau électrique est principalement partagé entre RTE et Enedis. Le premier gère le transport (haute et très haute tension) et le second la distribution (moyenne et basse tension) sur 95% du territoire. Les 5% restants relèvent d’entreprises locales de distribution à la main des collectivités locales. 

Initialement, le réseau a été conçu pour acheminer de l’électricité depuis un petit nombre de lieux de production (notamment les 19 sites nucléaires) jusqu’aux 35 millions de consommateurs répartis sur l’ensemble du territoire. Il n’a pas été pensé pour collecter la production par nature très diffuse de l’éolien et du solaire. 

Or l’injection de courant en bout de réseau conduit à des hausses de tension. Cela donne l’impression d’un fonctionnement « à l’envers » que les modes de calcul habituels de dimensionnement des ouvrages ne savent pas bien prendre en compte. Concrètement, cela se traduit par des devis de raccordement parfois dissuasifs, sans aucune recherche d’optimisation.

Les problématiques sont-elles similaires pour le raccordement au réseau de transport ou de distribution ?

MJ : Pour les installations éoliennes ou solaires de plusieurs mégawatts raccordés directement sur RTE ou sur Enedis en moyenne tension, les procédures et la répartition des coûts sont maintenant bien cadrés. Ce n’est pas le cas de la basse tension qui accueille plus de 90% des 350 000 installations aujourd’hui raccordées. 

Le retour en 2018 de la « réfaction » a permis  de réduire de 60% la facture pour le producteur. Toutefois, les méthodes de calcul des coûts de raccordement qui restent définies unilatéralement par Enedis via sa « directive technique de raccordement » ne sont pas adaptées. À tel point, qu’il arrive parfois que le devis de raccordement excède le coût de l’installation ! 

Si on ajoute des délais qui peuvent se compter en années et des procédures administratives fastidieuses, cela devient une machine à décourager la production d’électricité renouvelable.

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Quel est le but de ce groupe de travail ?

MJ : Ce groupe associe toutes les parties prenantes :  gestionnaires de réseaux nationaux et locaux, syndicats de producteurs d’énergie, collectivités locales, consommateurs d’électricité, commission de régulation de l’énergie et associations engagées pour la transition énergétique comme Hespul. C’est la première fois que tout le monde se réunit autour de la table pour discuter du raccordement. Il existe bien depuis 2004 un « comité de concertation des producteurs », animé par Enedis, mais les échanges y sont limités et les avancées plutôt rares. 

La mise en place de ce groupe de travail traduit un changement de posture bienvenu de la part de l’État. La collecte d’électricité auprès des producteurs doit être traitée au même niveau que son acheminement vers les consommateurs. Le but est de permettre à la France de tenir ses engagements. Notre pays est le seul des 27 pays de l’Union européenne à ne pas avoir atteint en 2020 les objectifs de production d’énergie renouvelable fixé en 2010. Les énergies renouvelables sont pourtant incontournables pour réussir la transition écologique, comme le reconnaissent les scénarios de RTE. La question du raccordement est donc un verrou important que ces travaux vont, espérons-le, permettre de lever.

Quelles sont les propositions portées par Hespul ?

MJ :  Faciliter l’intégration des renouvelables au réseau est une exigence européenne. À l’issue des réunions du groupe de travail, d’ici l’été 2022, nous attendons des règles claires, lisibles et transparentes. Le gestionnaire de réseau devra faire évoluer ses procédures, le cas échéant dans le cadre d’un arrêté ministériel. Nous souhaitons que soit mis en place une forfaitisation du raccordement, avec un prix fixe au mètre linéaire de câble. En Allemagne, où il existe des centaines de gestionnaires de réseau, l’injection de l’électricité dans le réseau est quasiment un droit fondamental. Le raccordement est gratuit pour le producteur et intégralement pris en charge par le gestionnaire de réseau qui a ainsi tout intérêt à optimiser les coûts. Aujourd’hui, le numérique offre la capacité de piloter par la programmation toutes les caractéristiques du courant électrique. Il n’y a pas de frein technique à l’intégration des énergies renouvelables. Il faut changer de culture et passer à la vitesse supérieure !

“En Allemagne, l’injection de l’électricité dans le réseau est quasiment un droit fondamental”