À Malaunay, l’ingénierie accélère la transition

Territoire à énergie positive emblématique, la commune de Malaunay, en Seine-Maritime, a fait de l’ingénierie territoriale un levier de sa transition écologique. Entretien avec Laurent Fussien, directeur général des services de la ville.

Pourquoi l’ingénierie est-elle la clé ?

Laurent Fussien : L’accompagnement des territoires dans leur transition est un enjeu stratégique. L’ingénierie territoriale est le meilleur investissement possible. L’été 2022 montre les effets catastrophiques du changement climatique. Les enjeux et les défis à relever pour les territoires se multiplient et exigent une transformation en profondeur et une approche systémique.

Il y a près de 20 ans que nous avons engagé cette réflexion. Nous sommes partis des questions énergétiques pour aboutir aujourd’hui à une approche plus globale qui associe élus, agents et citoyens. Nous avons bénéficié très largement du soutien de chargés de mission, sur les questions d’énergie et de climat mais aussi en matière d’implication citoyenne. À mes yeux, l’ingénierie territoriale est loin de se résumer à cela. Le recours à une expertise extérieure doit s’accompagner d’une montée en compétence interne. La transition concerne l’ensemble de la communauté de travail. Maire, élus, adjoints, direction générale des services, agents : tous doivent porter cette démarche et faire évoluer leurs métiers et leur posture.

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Comment cela s’est-il déroulé à Malaunay ?

L.F.: Aujourd’hui, nous sommes un territoire de référence, reconnu au niveau régional et national. Avant cela, nous sommes passés par 4 étapes bien distinctes. La première a été mon acculturation aux enjeux énergétiques et climatiques, suivie par celle des équipes. Assez rapidement, la culture de la transition s’est avérée insuffisante par rapport à nos ambitions. Nous avons alors bénéficié à la fois du recrutement d’une directrice des services techniques qui avait un profil d’ingénieure thermicienne et de la prise en charge par l’ADEME de notre accompagnement par un chargé de mission Air-Climat-Energie. La quatrième phase, qui est la phase actuelle, consiste, pour chaque départ ou mutation, à recruter des profils avec des compétences et des appétences pour les enjeux de transition.

Partout, nous faisons évoluer les métiers. En matière de transition, tout est lié : qualité de l’air et énergie, alimentation et santé, mobilité et cadre de vie… Notre objectif, pour nos agents comme pour les citoyens, est de donner à voir et à comprendre ces liens et montrer comment leurs bénéfices s’articulent entre eux.

Comment renforcer l’ingénierie territoriale pour accélérer la transition énergétique des territoires ?

La rénovation énergétique de notre patrimoine communal a fait diminuer sa consommation d’énergie de 40%.

Nous avons forgé le néologisme de « népenses » qui désigne les dépenses futures que la transition écologique permet d’éviter. L’inaction coûte très cher. La rénovation énergétique de notre patrimoine communal a fait diminuer sa consommation d’énergie de 40% et amortit les impacts de la flambée des prix. Mais les bénéfices sont loin d’être uniquement économiques. Comment évaluer le confort thermique, la création d’emplois et de compétences, la qualité de vie au travail, le développement du tissu associatif local, la réduction des émissions de CO2, une meilleure alimentation à la cantine, une sensibilisation des enfants aux enjeux climatiques ?

Près de deux millions d’agents territoriaux actuellement en poste peuvent devenir les nouveaux « hussards noirs » de la République écologique. Si nous les aidons à monter en compétence et leur donnons les moyens d’agir, ils peuvent faire pour la transition écologique ce que les instituteurs de la IIIe  République ont fait pour l’éducation.