Plan de rénovation énergétique : beaucoup d’idées mais peu de mesures concrètes

Après plusieurs reports, Nicolas Hulot a enfin présenté le 26 avril les orientations du gouvernement en matière de rénovation énergétique des bâtiments. Il s’était fixé deux priorités : la rénovation des logements les plus inefficaces pour lutter contre la précarité énergétique et la baisse des consommations d'énergie dans les bâtiments tertiaires publics et privés. Sur ces deux sujets, le document reste peu convaincant. Sur le reste des propositions, on relève quelques avancées (opposabilité du diagnostic de performance énergétique, financement des travaux en copropriété, amélioration et disponibilité des données...), des oublis (le parc locatif et ses 4 millions de logements inefficaces), beaucoup d’incertitudes et des bonnes intentions qui doivent se transformer rapidement en engagements fermes et en mesures effectives.

La rénovation énergétique toujours coincée entre objectifs ambitieux et retards chroniques

Le nouveau gouvernement souhaite inscrire son action dans le cadre établi en 2015 par la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) et l’Accord de Paris. Le Plan Climat présenté en Juillet 2017 reprend et renforce ces objectifs, en proposant d’atteindre la « neutralité carbone » en 2050. Introduite dans le cadre d’une concertation à l’automne 2017, le plan rénovation doit donner corps à cette ambition. La France a déjà produit plusieurs stratégies pour la rénovation, mais malgré le volontarisme affiché depuis le Grenelle de l’environnement, les gouvernements successifs peinent toujours à réduire l’écart croissant entre des objectifs ambitieux d’une part, et des réglementations et financements insuffisants d’autre part.

Résultat : un nombre de rénovations et des niveaux de performance énergétiques largement insuffisants (moins de 300 000 rénovations « performantes » par an contre un objectif de 500 000) et l’accumulation d’un stock de bâtiments inefficaces qui gonfle durablement les consommations énergétiques de la France et ses émissions de CO2 (à la hausse dans le secteur en 2015 et 2016). Le Ministre Jacques Mézard reconnaît ainsi que 14 % des français ont encore froid chez eux l’hiver.

Ce nouveau plan rénovation se donne des échéances à moyen-terme (un à deux quinquennats selon les sujets). On peut saluer cette déclinaison pragmatique des objectifs sectoriels de plus long-terme de la LTECV et de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), sous réserve toutefois d’un minimum de cohérence. Or dans les faits, l’ambition n’est pas à la hauteur, tandis que la réouverture de multiples chantiers sur les outils et les moyens renvoie la « massification » et l’ « industrialisation » de la rénovation à la conclusion d’études et de nouveaux groupes de travail qui devront être suivis de nouveaux décrets. Le risque est donc grand de trahir les engagements pris à long comme à court terme.

Le plan rénovation pose les bonnes questions mais apporte encore peu de réponses

Si le CLER‎ ne peut que se féliciter de la priorité accordée à la lutte contre la précarité énergétique, derrière les annonces, les moyens demeurent insuffisants et l’ambition concrète recule. Ainsi, tout en rappelant l’objectif d’élimination des logements les plus inefficaces en 2025 (article 5 de la LTECV), le gouvernement propose désormais « d’éradiquer d’ici dix ans » (soit 2028 désormais) 1,5 million de passoires thermiques habitées par des propriétaires aux faibles revenus et botte en touche sur l’incohérence entre le chiffre de 500 000 rénovations par an issu des précédentes lois, le retard accumulé qui impose de relever ce rythme et la réalité du parc (pour rénover les 7 millions de passoires énergétiques d’ici 2025, il faudrait 1 million de rénovations par an).

Quant aux bâtiments tertiaires, pour lesquels aucune mesure n’a été mise en place depuis près de 10 ans (suspension du décret tertiaire publié l’an dernier après des années d’attente), les propositions du gouvernement suggèrent une baisse de l’objectif d’économies d’énergie. Elles interviennent de plus en plein milieu du débat parlementaire sur la loi ELAN, qui se propose de ré-écrire le cadre législatif pour ensuite produire un nouveau décret. Les nombreuses mesures proposées, pour innovantes qu’elles soient (on note la proposition nouvelle de « start-up d’Etat » pour la rénovation des bâtiments publics) seraient déployées en parallèle d’un cadre législatif et réglementaire dont on sait qu’il sera largement dédié à la mise en place de dérogations et de modulations aux efforts attendus des différents types de bâtiments et d’activités.

Parmi les autres nouveautés et sujets à suivre, on note :

  • le rôle-clé des territoires dans la mise en œuvre du plan, qui renvoie à la mise en place et donc au financement d’un vrai service public de l’efficacité énergétique ; sur ce point on salue notamment l’annonce de continuité du financement des Points Rénovation Info Service
  • la « montée en puissance d’approches globales et performantes » de la rénovation (qui semble contredite par les dernières orientations de l’ANAH et la fin des « bouquets de travaux » pour l’octroi du CITE)
  • la « fiabilisation du DPE » dont on salue le calendrier précis bien que les nombreux échanges entre acteurs et avec l’administration n’aient pas permis d’en clarifier le contenu
  • l’urgence de générer des données sur le parc de bâtiments pour identifier et rénover les moins efficaces (4 millions de DPE seulement ont été réalisés depuis 2007, près de 90 % des logements n’ont ainsi fait l’objet d’aucun diagnostic)
  • la référence introduite à la détection et à l’accompagnement des ménages à faibles revenus, pour lesquels des solutions existent déjà et doivent être renforcées
  • la conversion du CITE en prime pour 2019, qui constitue un progrès mais s’inscrit dans une logique d’ajustement des mécanismes existants plutôt que dans une réelle simplification du système d’aides orientée vers plus de performance énergétique, d’efficacité économique et de solidarité
  • la poursuite des efforts pour accompagner la montée en compétence des professionnels (renforcement des contrôles, amélioration du label RGE).

Le document présenté aujourd’hui constitue le début et non la fin d’un processus, il s’inscrit dans les divers travaux législatifs et réglementaires prévus ou en cours, et donne un aperçu intéressant de la vision du gouvernement. Si ces propositions peuvent enclencher une dynamique, elles demeurent insuffisantes pour atteindre les objectifs. Le CLER reste mobilisé pour que le sujet de la rénovation énergétique des bâtiments soit traité à la hauteur des enjeux environnementaux, sociaux et économiques majeurs qu’il recouvre, et continuera de travailler avec l’Etat et l’ensemble des parties prenantes pour co-construire et mettre en œuvre les solutions nécessaires.

Lire aussi : nos propositions lors de la consultation sur le plan de rénovation énergétique

Contact

Romain Riollet

Responsable de projets Efficacité Energétique

romain.riollet[arobase]cler.org
Contact

Joël Vormus

Directeur

joel.vormus[arobase]cler.org