Les scénarios de l’ADEME pour une neutralité carbone en 2050

Pour répondre à l’objectif de neutralité carbone en 2050 inscrit dans la loi Énergie-Climat, l’ADEME a mené une étude prospective « Transition(s) 2050 ». Le point avec Jean-Louis Bergey, chef de projet prospective Énergie-Ressource à l’ADEME.

“La question en creux est finalement : quels efforts sommes-nous prêts à faire ? Ils sont de toutes façons inévitables.”

Pourquoi ne pas avoir retenu, comme RTE ou négaWatt, de scénario 100% EnR ?

En 2017, nous avions fait la démonstration que le 100% EnR était réalisable et acceptable sur les plans techniques et économiques. Aujourd’hui, cette preuve n’est plus à apporter : RTE propose même cette éventualité parmi ces scénarios de mix de production « Futurs énergétiques 2050 ».

L’exercice auquel nous nous sommes livrés est différent. Nous avons d’abord regardé la demande en énergie, pour évaluer comment la satisfaire, en faisant en sorte qu’il n’y ait quasiment plus d’énergie fossile. C’est principalement le transport maritime et aérien qui empêche de s’en affranchir totalement. L’objectif est donc d’atteindre la neutralité carbone en montrant les leviers, les opportunités et les risques des différents chemins pour y parvenir.

Quel mix électrique en 2050 ?

L’ensemble des scénarios de l’ADEME anticipent une hausse de la part de l’électricité dans la consommation d’énergie finale (entre 42% et 56% en 2050 selon les scénarios).

Nous présenterons notre analyse du mix électrique à l’occasion de la première édition du Grand défi écologique, organisé à l’occasion des 30 ans de l’ADEME, qui se déroulera à Angers les 29 et 30 mars 2022.

Quelque soit le scénario retenu, nous savons qu’en 10 ans, il sera difficile de déployer massivement les EnR et de changer les comportements. Néanmoins, il est impératif d’agir rapidement.

Le scénario tendanciel indique un volume d’émissions nettes de CO2 de 131Mt en 2050, très loin de la neutralité carbone. De combien de temps disposons-nous pour inverser la tendance ?

L’ampleur des transformations socio-techniques à mener est telle que ces dernières mettront du temps à produire leurs effets. Il faut entreprendre dès cette décennie la planification et la transformation profonde des modes de consommation, de l’aménagement du territoire, des technologies et des investissements productifs.

À titre d’exemple, tous les scénarios nécessitent une augmentation des capacités de production de biométhane de plus de 3 TWh/an (soit 150 nouveaux méthaniseurs par an environ). Ainsi qu’une très forte croissance des capacités électriques des énergies renouvelables (+ 5,5 à + 8,9 GW/an en moyenne sur la période 2020-2050, selon les scénarios).

Cependant, ces efforts mettront du temps. Ainsi, les scénarios S3 et S4, qui s’appuient surtout sur les développements technologiques, présentent des émissions significativement plus élevées en 2030 que les scénarios S1 et S2 qui mobilisent davantage le levier de la sobriété et plus largement, de la régulation de la demande.

 

Comment faire de la sobriété un modèle dans une société ?

Une baisse de la demande d’énergie finale par rapport à 2015 se retrouve dans tous les scénarios, de-55% pour le plus volontaire à-23% pour le moins contraignant. Depuis 20 ans, l’ADEME travaille avec les communicants et les publicitaires pour faire évoluer les représentations. C’est compliqué. Peut-être devons-nous aussi changer d’indicateurs et ne pas regarder le seul PIB comme le propose France Stratégie.

La baisse de la demande d’énergie repose sur deux leviers : l’efficacité technique et la sobriété. On voit émerger, surtout chez les jeunes urbains diplômés, l’économie de la fonctionnalité, avec de l’auto-partage, du co-working, de la co-location, de l’achat de produits de seconde main. Changer de modèle prend du temps. Cependant nos scénarios montrent que de nouveaux modes de vie moins consuméristes et plus durables peuvent être désirables, sous certaines conditions de faisabilité.

Transition(s) 2050 va au-delà de la question des énergies en examinant également les pressions sur le vivant, les ressources, les matières premières de chacun des scénarios. Comment surmonter les résistances pour opérer ces bascules sociétales?

Nos manières de vivre sont questionnées par le changement climatique. La planète a des limites physiques. Si nous voulons éviter, ou limiter, les catastrophes, nous devons changer nos modes de consommation et nos nos pratiques en matière d’alimentation, d’agriculture, de mobilité, de logement.

Les événements climatiques extrêmes seront peut-être, hélas, les aiguillons du changement, les moteurs des transformations sociétales. C’est souvent le cas en matière d’environnement, où des réglementations sont adoptées après des événements tragiques.

Cependant, nos quatre scénarios montrent qu’il existe des chemins cohérents, nécessitant certes une prise de conscience, mais sans pour autant de crise violente.

Pourquoi envisager des technologies encore immatures de capture du carbone ?

Nos scénarios sont associés à des volumes de demande en énergie. Dans le scénario 4, la demande est telle qu’on n’y parvient pas avec les seuls puits naturels. Des technologies de captage dans l’air sont alors indispensables si on choisit ce chemin qui permet de moins changer nos habitudes. Mais c’est effectivement un pari risqué car ces technologies sont encore peu matures aujourd’hui.

Le recours massif à la biomasse est présent dans tous les scénarios mais avec des usages différents : plutôt pour la séquestration du carbone dans le scénario 1 et davantage pour la chaleur dans le scénario 4, avec le bois énergie et la méthanisation. Il va falloir arbitrer entre ces usages. C’est avant tout la maitrise de notre demande énergétique qui nous permettra de moins parier sur des technologies peu matures.

La question en creux est finalement : quels efforts sommes-nous prêts à faire ? Ils sont de toutes façons inévitables.

« Transition (s) 2050 » : 4 scénarios pour atteindre la neutralité carbone

Les 4 scénarios présentent autant de voies alternatives pour mener la transition écologique, en jouant sur différents leviers de sobriété, d’efficacité énergétique et de décarbonation

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