Les grandes lignes du nouveau scénario négaWatt 2022-2050

Directeur de négaWatt, Stéphane Chatelin décrypte le dernier scénario de transition énergétique pour la France élaboré par l’association.

« La réduction de nos consommations énergétiques est l’occasion d’une relance industrielle vertueuse »

Quel est le propos du scénario négaWatt 2022-2050 ?

Nous avons pris l’habitude de proposer un nouveau scénario à chaque campagne électorale présidentielle pour faire monter les sujets énergie et climat dans le débat politique. Les nouveaux scénarios sont aussi l’occasion de mettre à jour les données et d’aller plus loin dans certains domaines. Ainsi par exemple, dans ce dernier scénario, nous prenons en compte les impacts de notre trajectoire 100% énergies renouvelables sur les matières premières. Nous avons aussi regardé comment ce scénario pouvait s’accompagner d’une relance industrielle vertueuse avec la relocalisation de certaines industries, comme la filière des batteries électriques…

Quelles en sont les grandes lignes ?

Nous proposons une trajectoire 100% énergies renouvelables, avec une baisse des consommations énergétiques dans tous les secteurs grâce à une plus grande sobriété et une meilleure efficacité. Cette baisse des consommations représente une division par deux pour l’énergie finale et par trois pour l’énergie primaire. Déjà présente dans nos scénarios précédents, l’électrification des usages s’accentue, notamment dans la mobilité et l’industrie. La part de l’électricité dans les énergies qui est de 25% aujourd’hui passe à 45% en 2050. Elle s’accompagne toutefois, globalement, d’une baisse des consommations électriques. La sobriété est un passage obligé, pour l’ensemble des énergies mais aussi pour les matières premières. Le changement climatique n’est pas le seul enjeu : la pollution de l’air provoque 50 000 décès chaque année, la biodiversité est en train de s’effondrer. Notre grille de lecture est multiple et s’appuie largement sur les 17 objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 de l’ONU.

La baisse des consommations d’énergie signifie-t-elle la décroissance ?

Nos scénarios ont des impacts économiques positifs, en remplaçant des énergies importées par des activités locales génératrices d’emploi. Le scénario négaWatt 2022-2050 va plus loin en montrant qu’il est possible de réduire la consommation énergétique tout en procédant à un redéploiement industriel. Un découplage est possible entre croissance économique et consommation d’énergie. En outre, la réduction de la consommation entraine aussi un allègement de la facture énergétique des ménages.
Pour autant, la croissance du PIB n’est clairement pas un objectif en soi, cet indicateur ne rendant nullement compte des désastres environnementaux ou du bien-être d’une population.

Comment votre scénario s’articule avec ceux de RTE « Futurs énergétiques 2050 » ou de l’ADEME « Energie Ressource 2050 » ?

RTE propose 6 mix de productions associés à différentes trajectoires de consommation. Si la moitié de ces scénarios envisage de nouveaux réacteurs nucléaires, les autres s’appuient massivement sur les renouvelables, l’un d’entre eux proposant le 100% énergies renouvelables. Je pense qu’il y a là une petite leçon d’humilité pour tous ceux qui prétendent depuis des années qu’un mix électrique 100% renouvelable est impossible, faisant fi de nombreux travaux existants. 

Ce qui nous distingue de ce scénario de RTE c’est principalement que notre périmètre d’étude est beaucoup plus vaste. Nous n’étudions pas que l’évolution du seul système électrique (consommation et production), nous nous intéressons à l’ensemble de notre système énergétique. Par ailleurs nous intégrons les émissions importées dans nos bilans de gaz à effet de serre (contrairement à la Stratégie Nationale Bas Carbone). Ce qui nous conduit, pour aboutir à la neutralité carbone en 2050, à une plus grande réduction des consommations d’énergie. 

L’ADEME propose aussi plusieurs scénarios, avec des trajectoires contrastées. Nous n’avons retenu pour notre part qu’une seule trajectoire, celle que nous jugeons la plus soutenable. Mais nous partageons les constats de l’ADEME et avons même travaillé avec elle sur différents sujets, en particulier ceux ayant traits aux impacts sur les matières premières.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Notre scénario va apporter des éléments d’analyse au débat public, nous verrons comment nos propositions seront ou non portées par les candidats à la présidentielle. Mais nous comptons peser sur les orientations politiques au-delà des échéances électorales. 

En parallèle, depuis 3 ans nous travaillons avec une quinzaine de partenaires à l’élaboration d’un scénario 100% énergies renouvelables européen atteignant la neutralité climatique. Il devrait paraître fin 2022. En 20 ans, ce sont surtout les leviers européens qui ont fait bouger les lignes. Mais en matière d’énergie tous les échelons sont pertinents, y compris les plus locaux.