Énergie-climat : la démocratie participative à l’épreuve

Alors que la France définit sa feuille de route énergie-climat, Isabelle Barthe et Dominique Pacory, garants de la concertation publique sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie et la Stratégie Nationale Bas Carbone reviennent sur quelques-uns des défis de la démocratie environnementale. Comment garantir une information accessible, un dialogue équitable, et assurer la prise en compte effective des contributions citoyennes ?

Quelles sont les conditions nécessaires pour un débat public efficace sur les transitions ?

Isabelle Barthe : Le premier impératif est d’informer le public sur le sujet porté au débat. Il est indispensable que l’information mise à disposition soit sincère, transparente et qu’elle reflète la pluralité des avis d’experts. Le tout traduit de manière intelligible pour tous parce qu’il est important que chacun puisse entrer dans la concertation quel que soit son niveau de connaissance des enjeux.

Dominique Pacory : Ce travail sur l’information est l’une des missions principales des garants désignés par la Commission Nationale du Débat Public pour encadrer les procédures de concertation qu’elle accompagne. Notre autre grand rôle est de veiller à la qualité du dialogue public en nous assurant que tous les avis, questions et contributions des participants soient pris en compte de manière équitable.

Comment se porte la démocratie environnementale ?

D.P. : Le principe de démocratie environnementale est inscrit dans le droit européen depuis 2003 mais sa mise en œuvre varie et la CNDP fait encore figure d’exception. Elle constitue cependant un outil reconnu et de plus en plus sollicité – plus de 100 fois par an depuis 2021 – avec des sollicitations volontaires en forte augmentation.

I.B. : Il faut toutefois noter que les exigences de transparence ne sont pas toujours bien perçues par les maîtres d’ouvrages au prime abord. Certains conçoivent l’exercice de concertation comme un simple levier d’acceptabilité alors que le public a parfaitement le droit d’interroger l’opportunité du projet qui lui est soumis ! En moyenne, deux projets sur trois ressortent structurellement modifiés des consultations. Certains sont même abandonnés.

Comment la CNDP a-t-elle préparé cette concertation ?

I.B. :  La préparation a commencé dès avril. Nous avons travaillé avec la Direction générale de l’Énergie et du Climat pour finaliser le corpus d’informations qui ont été mis en ligne sur la plateforme dédiée à la concertation et une note de cadrage a été publiée dès mai pour poser les bases d’une concertation transparente sur la feuille de route énergie-climat.

D.P. :  Plusieurs outils ont été conçus pour faciliter l’appropriation des enjeux comme un simulateur de scénarios élaboré avec Carbone 4. Un kit est aussi proposé pour permettre aux citoyens d’organiser eux-mêmes leur propre débat. Globalement, nous avons le sentiment que la bibliothèque de ressources est riche, de qualité et accessible. Sur ce plan nos recommandations ont été entendues. En revanche nous trouvons la durée de la concertation trop courte pour permettre au public de prendre en mains cet abondant contenu et de s’exprimer sur la feuille de route énergie-climat.

Comment les propositions formulées dans le cadre de cette concertation seront-elles prises en compte par le gouvernement ?

I.B. : A la fin de la concertation, nous avons un mois pour produire un bilan, qui porte à la fois sur la qualité de l’information, le respect du droit à participer et bien sûr sur l’ensemble des contributions, qui auront toutes droit de cité dans notre exercice de synthèse, sans hiérarchie entre elles. Ensuite, le Gouvernement aura deux mois pour analyser les contributions et y répondre.

D.P. :  En théorie il doit apporter une réponse claire à toutes les propositions qui lui sont faites, même s’il n’envisage pas de les retenir. La CNDP analysera ensuite la qualité de ces réponses sur la forme. Toutes ces étapes feront l’objet d’une communication publique, transparence oblige !