Allier transition écologique et démocratie grâce au débat public

La Commission nationale du débat public lance un débat public sur les projets de réacteurs nucléaires. Sa présidente, Chantal Jouanno, répond à nos questions sur la participation citoyenne dans un tel processus.

L’élaboration de notre stratégie énergie-climat peut-elle, ou doit-elle, s’appuyer sur la participation citoyenne ?

La convention européenne d’Aarhus de 1998, ou plus près de nous la Charte de l’environnement adossée à notre constitution en 2005, font de l’association du public aux décisions qui ont un impact environnemental une obligation légale. Par ailleurs, l’énergie et le climat, ne sont pas simplement des sujets techniques : ils nous concernent tous. Lorsque notre stratégie énergétique prévoit une réduction de 40% de nos consommations d’énergie d’ici 2050, cela implique des changements de comportement majeurs. Il est indispensable d’impliquer le public et d’associer la population aux décisions ne serait-ce que pour savoir ce qu’elle est capable de faire. Il ne doit pas s’agir d’une simple consultation mais d’une véritable concertation, permettant à des citoyens informés d’expliquer les raisons de leurs choix afin d’éclairer la décision publique.

La participation citoyenne, efficace pour des projets locaux, peut-elle l’être, à l’échelle nationale, sur des sujets de planification tels que la programmation pluriannuelle de l’énergie ?

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On voit bien, empiriquement, que les débats publics sur des outils nationaux de planification sont peu mobilisateurs. Sur de tels sujets, il pourrait être plus pertinent de mener une concertation avec les seules parties prenantes. Pourtant associer le public sur une grande échelle présente un intérêt réel. En 2018, à l’occasion du débat public sur la PPE 2019-2028, Jacques Archimbaud, vice-président de la CNDP, avait souligné dans ses conclusions le sentiment fort d’injustice sociale devant la politique énergétique et la fiscalité environnementale. Malheureusement, cette alerte n’a pas été suffisamment entendue pour anticiper la crise de gilets jaunes. Si on souhaite vraiment associer le public à une grande échelle sur des sujets de planification nationale, il faut s’en donner les moyens, avoir des relais dans les médias, aller chercher les gens.

En quoi un débat public peut-il accélérer la transition énergétique ?

Le débat est un temps conflictuel, long à mettre en œuvre. Mais il permet, au bout du compte, de gagner du temps. Les débats publics aident à déterminer les conditions de faisabilité des différents projets, ils en facilitent l’acceptabilité à condition que les projets soient corrigés en tenant compte des points durs soulevés lors des concertations. Il n’est pas question d’atteindre un consensus, mais d’identifier ce qui oppose. Il s’agit d’un processus démocratique au terme duquel, comme lors d’un vote, il y aura toujours des mécontents. La transition énergétique, qui est aussi une transition économique et sociale, définit un nouveau modèle de société. En cela elle peut susciter de fortes oppositions et profondément diviser. Le débat public est un outil qui allie transition écologique et démocratie. 

Notre énergie – Stratégie énergie-climat : quelle place pour la démocratie ?