Zéro artificialisation nette : des enjeux aux actions

Parvenir à Zéro artificialisation nette en 2050, voici l’objectif assigné par la loi Climat et Résilience. Le point sur cette ambition avec Sonia Guelton, professeure d’urbanisme à l’école d’urbanisme de Paris, Université Paris Est Créteil, et l’exemple d’une commune alsacienne, Muttersholtz, qui a fait de cette contrainte un levier en faveur de la rénovation énergétique.

Réglementairement, l’ objectif de limiter la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers pour atteindre « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN) en 2050 apparaît dans le plan Biodiversité de 2018. Réaffirmé lors de la Convention Citoyenne pour le Climat, cet objectif ZAN est désormais inscrit dans la loi Climat et résilience du 22 août 2021. Son article 192 fait ainsi figurer au code de l’urbanisme la définition suivante : « L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ».

Zéro artificialisation nette : une définition à préciser

Un décret du conseil d’État attendu en janvier 2022 doit préciser quels usages et quels types de couverture constituent un sol artificialisé. « Aujourd’hui cela reste flou, nous espérons tous que le décret apporte un peu de clarté » souligne Sonia Guelton, professeure d’urbanisme  à l’école d’urbanisme de Paris, et présidente de l’association Fonciers-en-débat qui suit de près la politique du ZAN. Terrain de golf, champ d’éolienne, cimetière, jardin urbain sont-ils des espaces naturels ou artificiels ? « Il n’est pas possible de répondre à cette question de façon univoque. Si le décret ne le permettait pas, il faudra attendre que la jurisprudence s’en charge » souligne la spécialiste. 

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Un délai serré

Un portail de l’artificialisation permet déjà aux élus de suivre la trajectoire de la consommation d’espaces par commune ainsi que des outils pratiques pour mettre en œuvre cet objectif de Zéro artificialisation nette en 2050 avec une division par deux du rythme d’artificialisation d’ici 2030. 

Dès la promulgation de la loi, une circulaire du 30 août demandait aux préfets de mettre rapidement en œuvre l’objectif ZAN en le déclinant dans les documents d’urbanisme d’ici 2 ans au niveau régional, d’ici 6 ans maximum au niveau local. Ainsi l’objectif de réduction de 50% du rythme d’artificialisation des sols d’ici 2030, par rapport à la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers observés dans la décennie précédente doit désormais se décliner dans les schémas régionaux (Sraddet) et dans les documents d’urbanisme (PLU, SCoT, cartes communales). « Les réflexions sont déjà engagées, mais le délai semble difficilement tenable » souligne Sonia Guelton. À ses yeux cependant, l’objectif du ZAN fait déjà évoluer les pratiques : « L’urbanisme prend désormais davantage en compte la nature. Nous n’allons pas arrêter de construire, y compris de l’habitat individuel, mais nous allons le faire autrement : en réinvestissant les friches, les dents creuses, les centres-villes désertés… Nous avons là une nouvelle occasion de réfléchir à un cadre de vie agréable tout en restant économe en foncier ». 

Une commune exemplaire

« Initié en 2013, notre PLU a fait ressortir un taux de logement vacant de 8%. Les élus ont alors axé ce PLU vers l’arrêt pur et simple de l’étalement urbain, une décision étayée par notre Plan de prévention du risque inondation qui empêchait toute construction en zone inondable » se souvient Julien Rodrigues, secrétaire général de la mairie de Muttersholtz, dans le Grand Est. Membre du réseau des Territoires à énergie positive (TEPOS), coordonné par le CLER-Réseau pour la transition énergétique, la commune de 2 000 habitants met en œuvre un dispositif innovant pour accompagner les propriétaires de logements vacants et reconstruire ainsi la ville sur elle-même.

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Des bénéfices multiples

« Un comité d’expert constitué de notaire, architecte, d’un Espace Conseil Faire, et du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) aidait les propriétaires à se projeter dans un scénario tandis que nous apportions également une aide financière aux travaux en abondant le dispositif de l’Anah. Nous avons abouti à la création d’une vingtaine de logements. Ce résultat, au-delà de nos espérances, contribue à la fois à la lutte contre l’étalement urbain, à la création de logements locatifs conventionnés, à la valorisation du patrimoine immobilier en centre ancien ainsi qu’à la rénovation énergétique » se réjouit le secrétaire de mairie. Fort de cette expérience, Patrick Barbier, le maire de Muttersholtz, qui est aussi le président du pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) Sélestat-Alsace centrale, se charge désormais de sensibiliser les présidents des autres intercommunalités de son territoire à cet objectif ambitieux.

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