Tribune pour l’interdiction de la mise en location des passoires énergétiques
A l’initiative du CLER - Réseau pour la transition énergétique, 17 organisations de la société civile et 35 parlementaires de différentes sensibilités politiques demandent ensemble au Premier Ministre de soutenir les amendements pour accélérer la rénovation des passoires énergétiques.
« Rénover les passoires énergétiques : un enjeu crucial pour le climat et la justice sociale »
« Monsieur le Premier Ministre,
Alors que le projet de loi énergie climat, par lequel la France va se donner l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050, doit être examiné par l’Assemblée Nationale en séance plénière à partir de mardi, nous vous appelons à donner un avis favorable aux amendements qui proposent une mesure d’obligation à terme de réaliser des travaux pour les « passoires énergétiques » mises en location, ces logements mal isolés qui condamnent leurs occupants à la précarité énergétique.
C’est d’abord une question de responsabilité politique pour le gouvernement : lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était engagé, s’il était élu, à interdire la location des passoires énergétiques d’ici 2025. Le futur président avait même évoqué le besoin d’aider les propriétaires les plus modestes, en finançant « jusqu’à 100% du coût » de la rénovation.
Lors de la sortie du « grand débat », vous avez vous-même fait de la rénovation thermique des bâtiments l’un des cinq grands chantiers de la « mobilisation nationale » que vous avez sonnée. Plus récemment, dans votre discours de politique générale, vous avez reconnu « l’urgence écologique », et promis que « l’ambition écologique » serait au cœur de votre « acte II ». Vous avez aussi dit que vous seriez « ouvert » aux propositions des députés…
Mais jusqu’ici, vous n’avez pas appliqué ces principes à la question des passoires énergétiques en location, pourtant soutenue par de nombreux députés de votre majorité, ainsi que d’autres partis et groupes parlementaires, et très largement par la société civile. C’est notamment l’une des mesures phares du « pacte pour le pouvoir de vivre » soutenu par plus de 40 syndicats et associations.
Accélérer la rénovation des passoires énergétiques, c’est un enjeu crucial pour l’environnement et le climat, puisque les politiques actuelles ne permettent pas d’atteindre le rythme de 500 000 rénovations performantes par an, a fortiori dans le parc locatif privé où le taux de travaux d’amélioration des logements est à son plus bas niveau historique. Or cet objectif, inscrit dans la stratégie nationale bas carbone qui trace notre trajectoire vers la neutralité carbone, est essentiel pour que la France puisse tenir les engagements qu’elle a pris lors de la COP21 à Paris en 2015. Et si la France elle-même ne tient pas ses engagements, pourquoi les autres pays le feraient-ils ? Il en va du leadership climatique de la France et du succès de l’Accord de Paris !
Rendre obligatoire la rénovation des passoires énergétiques en location, c’est aussi une mesure de justice sociale, alors que plus de 5 millions de foyers souffrent de précarité énergétique. Le mouvement des Gilets jaunes a rappelé avec force que la transition écologique ne pourrait se faire que dans la justice sociale. De fait, vous avez vous-même reconnu aussi l’urgence sociale dans laquelle se trouve notre pays, en faisant référence aux « territoires isolés », dont les habitants subissent de plein fouet le renchérissement de l’énergie, dans le logement et bien sûr dans les transports.
Cet enjeu de justice sociale lié aux passoires thermiques trouve d’ailleurs un écho dans nos territoires, au regard de ses répercussions budgétaires pour les collectivités locales : en effet, ce sont les budgets locaux (CCAS, départements) qui, en dernier recours, prennent en charge les ménages en situation de précarité énergétique. Accélérer la rénovation des passoires thermiques, c’est donc également redonner des marges de manœuvre financières aux collectivités pour investir dans leurs projets de territoire.
Mais la norme, aussi nécessaire soit-elle, ne pourra produire les effets escomptés que si elle s’accompagne de dispositifs, y compris budgétaires, donnant aux ménages propriétaires de logements en location, et notamment aux moins fortunés, les moyens de s’engager dans la rénovation énergétique, sachant que l’on estime à environ 15 % le nombre de propriétaires bailleurs modestes.
C’est pourquoi le gouvernement doit non seulement envoyer un signal fort dès aujourd’hui, en laissant les députés acter l’obligation de rénovation des passoires thermiques mises en location, mais aussi s’engager à prévoir, dans le projet de loi de finances 2020, un surcroît de moyens budgétaires pour la rénovation des logements privés.
Monsieur le Premier Ministre, toutes les circonstances sont réunies pour prendre une mesure indispensable pour répondre à l’urgence climatique et sociale. Nous espérons pouvoir compter sur des décisions et des actes conformes à vos engagements. »
Liste complète des signataires :
17 organisations de la société civile :
- Isabelle Autissier, présidente du WWF France
- Martial Breton, membre fondateur de Youth For Climate France
- Sandrine Buresi, co-présidente du CLER – Réseau pour la transition énergétique
- Morgane Créach, directrice du Réseau Action Climat
- Xavier De Lannoy, président de la Fédération SOLIHA
- Danyel Dubreuil, coordinateur de l’initiative “Rénovons !”
- Michel Dubromel, président de France Nature Environnement
- Gilles Vincent, Président de l’association AMORCE
- Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre
- Alain Grandjean, président de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme
- Géraud Guibert, président de La Fabrique Ecologique
- Antoine Guillou, responsable énergie-climat de Terra Nova
- Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France
- Gilliane Le Gallic, présidente d’Alofa Tuvalu
- Véronique Fayet, Présidente du Secours Catholique – Caritas France
- Philippe Portier, secrétaire national en charge des questions environnementales, CFDT
- Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre
35 députés du collectif Accélérons la transition écologique et solidaire :
- Sophie Auconie, députée de l’Indre-et-Loire, UDI
- Delphine Bagarry, députée des Alpes-de-Haute-Provence, LREM
- Pierre-Yves Bournazel, député de Paris, UDI
- Jean-François Cesarini, député du Vaucluse, LREM
- Annie Chapelier, députée du Gard, LREM
- Guillaume Chiche, député des Deux-Sèvres, LREM
- Mireille Clapot, députée de la Drôme, LREM
- Frédérique Dumas, députée des Hauts-de-Seine, Libertés et Territoires
- Guillaume Garot, député de la Mayenne, PS
- Guillaume Gouffier-Cha, député du Val-de-Marne, LREM
- Sandrine Josso, députée de Loire-Atlantique, Libertés et Territoires
- Régis Juanico, député de la Loire, groupe socialistes et apparentés
- Hubert Julien-Laferrière, député du Rhône, LREM
- Anissa Khedher, députée du Rhône, LREM
- Jean-Christophe Lagarde, député de Seine-Saint-Denis, président du groupe UDI
- François-Michel Lambert, député des Bouches-du-Rhône, Libertés et Territoires
- Jean-Charles Larsonneur, député du Finistère, LREM
- Sandrine Le Feur, députée du Finistère, LREM
- Marjolaine Meynier-Millefert, députée de l’Isère, LREM
- Paul Molac, député du Morbihan, Libertés et Territoires
- Sandrine Mörch, députée de Haute-Garonne, LREM
- Sebastien Nadot, député de la Garonne, non inscrit
- Matthieu Orphelin, député du Maine-et-Loire, député écologiste non-inscrit
- Jimmy Pahun, député du Morbihan, MODEM
- Bertrand Pancher, député de la Meuse, co-président du groupe Libertés et Territoires
- Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle, PS
- Florence Provendier, députée des Hauts-de-Seine, LREM
- Cécile Rilhac, députée du Val-d’Oise, LREM
- Maina Sage, députée de Polynésie, UDI
- Elisabeth Toutut-Picard, députée de Haute-Garonne, LREM
- Laurence Vanceunebrock-Mialon, députée de l’Allier, LREM
- Laurence Vichnievsky, députée du Puy-de-Dôme, MODEM
- Patrick Vignal, député de l’Hérault, LREM
- Cedric Villani, député de l’Essonne, LREM
- Martine Wonner, députée du Bas-Rhin, LREM