Tribune : comment en finir avec la précarité énergétique ?
12 millions d’individus sont en situation de précarité énergétique en France selon l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE). Pour le CLER - Réseau pour la transition énergétique, seul un grand plan de rénovation énergétique des logements pourra leur apporter plus de confort et réduire le montant de leurs factures énergétiques, tout en réduisant durablement nos consommations énergétiques dans l'habitat.
En France, 5,6 millions de ménages sont en situation de précarité énergétique et 7,4 millions de logements sont des « passoires énergétiques » – mal isolées et inchauffables à un coût abordable. La moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes (inférieurs au troisième décile). Les mauvaises performances thermiques de ces logements, combinées à la vétusté des équipements de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire, gonflent les factures d’énergie de ces citoyens et accentuent leur pauvreté.
Pourtant, la solution pour sortir durablement ces ménages de la précarité énergétique est connue : mettre en place et financer un grand plan de rénovation énergétique des logements. Durablement, cela signifie les mettre réellement à l’abri des hausses des prix de l’énergie dans les années à venir. Les rénovations doivent donc systématiquement viser le niveau de performance le plus ambitieux possible. Changer ses fenêtres ou remplacer sa chaudière, qui sont souvent les travaux qui viennent les premiers à l’esprit, ne diminue pas sensiblement les besoins en énergie d’un logement. Le risque est grand que les gains réalisés par ces opérations, certes rentables à court terme, ne soient rapidement « rattrapés » par les hausses régulières des prix de l’énergie.
Des aides nombreuses mais mal coordonnées
Par ailleurs, ces aides sont nombreuses et souvent mal coordonnées. Pour réaliser une rénovation performante, un ménage aux ressources très modestes peut parfois mobiliser entre dix et quinze financements, ce qui représente autant de dossiers à compléter. L’accompagnement pour définir le programme des travaux, mais aussi pour demander les subventions (« l’ingénierie financière »), est donc essentiel. Or aujourd’hui, ce travail est insuffisamment financé, et le nombre de rénovations performantes peine à décoller.
L’essentiel des dispositifs et des aides existantes s’adressent aux propriétaires occupants. Mais de nombreux ménages en précarité énergétique sont des locataires du parc public ou privé, qui n’ont pas la possibilité d’être très regardants sur la qualité des logements qu’ils prennent à bail. Pour ceux qui occupent des passoires énergétiques, la seule voie d’amélioration possible passe par la mise en place d’une réglementation plus contraignante pour leur bailleur : l’idée est de rendre progressivement impropre à la location les logements qui ne respectent pas un standard minimal de performance énergétique, pour encourager les travaux.
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Pour une mise en location de logements décents
Les pouvoirs publics sont très réticents à l’idée de lancer une telle mesure, arguant du risque de voir sortir du marché locatif de nombreux logements, alors même que ce marché est déjà très tendu. Les mêmes craintes avaient été formulées lors de l’adoption de la loi SRU en 2000 et de son décret d’application relatif aux caractéristiques du logement décent. Or la sortie de ce décret n’a pas réduit le nombre de logement mis en location. Il a simplement amené les bailleurs à réaliser les travaux de mise aux normes nécessaires, et la qualité des logements s’est globalement améliorée.
Au niveau national, le secteur du bâtiment représente près de 45 % de la consommation d’énergie finale et 27% des émissions de gaz à effet de serre. La rénovation énergétique des logements, à condition de l’aborder comme un investissement d’avenir et non comme une dépense « sèche », est donc sans aucun doute l’une des meilleures manières d’augmenter à la fois le confort et le pouvoir d’achat des ménages aux budgets serrés, tout en luttant contre le gaspillage d’énergie et le changement climatique.
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Voir cette tribune sur le site de L’HumanitéMarie Moisan
Auteure de la tribune : Marie Moisan, animatrice du réseau des Acteurs de la Pauvreté et de la Précarité énergétique dans le logement (RAPPEL) pour le CLER – Réseau pour la transition énergétique. Membre du comité d’administration du fonds de dotation Énergie Solidaire.
marie.moisan[arobase]cler.orgDessin : Balthaz.