La transition énergétique : un investissement productif dans le Thouarsais
Lancé en 2005 dans le Thouarsais, le projet TIPER est un modèle industriel de production d'énergie renouvelable qui concourt au développement économique du territoire. Treize années d'expériences locales à valoriser. Entretien avec Bernard Paineau, Président de la Communauté de Communes du Thouarsais.
Comment la production d’énergie renouvelable est-elle devenue un enjeu de développement économique pour le Thouarsais ?
Le Thouarsais est culturellement un territoire industriel. Nous sommes situés près de la Vendée où se trouvent de nombreuses usines. Rien qu’à Thouars, nous avons près de 10 000 emplois industriels ce qui en fait le troisième bassin industriel (en proportion du nombre d’actifs) de Nouvelle Aquitaine… malgré notre petite taille. Notre stratégie économique s’appuie sur cette identité entrepreneuriale forte dans des domaines variés comme l’agroalimentaire, l’emballage ou encore, la blanchisserie industrielle.
Cette volonté rejoignait l’esprit entrepreneurial du territoire, tout en y ajoutant une préoccupation fondamentale : la transition énergétique.
C’est en 2005 que la Communauté de communes a décidé de porter le développement d’un projet économique et industriel de développement des énergies renouvelables : le parc TIPER (Technologies innovantes pour la production d’énergies renouvelables) qui s’est installé sur 72 hectares de terrain militaire à dépolluer, dont nous sommes finalement devenus propriétaires. Ce terrain dont l’armée voulait se débarrasser était une contrainte importante que nous avons su transformer en opportunité grâce, au départ, à l’idée d’un simple citoyen. Il a imaginé utiliser cet espace pour fabriquer de l’énergie « multi-sources » et lancer un projet industriel structurant, avec de grosses unités de production. Cette volonté rejoignait l’esprit entrepreneurial du territoire, tout en y ajoutant une préoccupation fondamentale : la transition énergétique.
Quelle a été la « valeur locale » produite grâce à TIPER ?
Cette dynamique a eu de nombreux impacts très positifs. Le territoire n’a pas dépensé un euro mais il a accompagné – et continue de le faire – les investisseurs privés pour soutenir administrativement leur projet, notamment auprès de la préfecture, et les accueillir. C’est ainsi que les unités de production d’énergie ont émergé au fil du temps, avec des éoliennes, des parcs solaires au sol ou de la méthanisation. Avant de bénéficier de retours financiers ou de la création d’emplois, je voulais surtout que ce projet soit une vitrine, une carte de visite qui rende le territoire plus attractif. Cela a marché : lors des rencontres nationales des Territoires à énergie positive en 2015, qui ont eu lieu chez nous à Thouars, nous sommes sortis de l’ombre ! Nous avons forgé une nouvelle image du territoire. Je rêvais d’un territoire d’exception ou d’excellence dans lequel on ne pourrait plus vivre, entreprendre, habiter, enseigner, être élu… sans y inclure l’objectif d’économiser ou de produire de l’énergie.
Tous les projets imaginés au départ ne se sont pas développés, mais nous portons toujours fortement cette dynamique : en 2014, nous avons écrit un projet de territoire concerté, voté à l’unanimité, dont l’un des quatre enjeux est bien d’« être LE territoire de référence en matière de transition énergétique ». Nous ne pouvions pas nous satisfaire de tous ces mégawatts produits, il fallait aussi travailler sur les économies d’énergie, ce que nous avons ensuite entrepris.
Quels sont les projets qui n’ont pas vu le jour ?
On a développé une formation en énergies renouvelables dans notre lycée technique qui n’attire pas autant de jeunes que nous l’imaginions. Nous voulions également intéresser les universités de la région pour faire des travaux de recherches, ou encore développer le tourisme de découverte… sans trop de succès jusque là. Les élus répètent souvent que le territoire est prêt à accueillir régulièrement les entreprises de la transition énergétique, autour de la production, de la fabrication ou des services innovants mais c’est difficile : une entreprise a par exemple essayé de lancer une activité de fabrication de panneaux solaires sur cette zone TIPER, mais elle a malheureusement périclité au moment du moratoire. L’important, c’est que le territoire ne se ferme aucune porte : les documents d’urbanisme prévoient l’installation d’entreprises sur cet espace qui reste à aménager.
Je regrette également que les emplois de maintenance du parc éolien n’aient pas été localisés chez nous, et qu’ils soient rattachés à une unité de Nantes par l’installateur. Mais tout n’est pas perdu, si un jour suffisamment de machines identiques sont installées ici, il n’est pas exclu que ces emplois arrivent sur notre territoire.
En termes de retombées financières et également en termes d’emploi, quel est le bilan que vous tirez de cette politique locale ?
La valeur économique créée par ces projets se mesure en euros grâce aux revenus fiscaux, et en emplois. Demain, si nous ne disposons plus de subventions publiques qui ont été fondamentales dans l’amorçage de nos projets, pendant plus de dix ans, nous sommes armés : grâce à l’IFER, la fiscalité directe, et aux économies d’énergie réalisées, nous obtenons une recette qui garantit notre indépendance. Mais pour l’affecter à quoi ? Dans la commune où je suis maire, j’ai toujours cherché à réinjecter la moitié des bénéfices issus de ces projets de transition énergétique dans de nouveaux projets de transition énergétique. Il faut poursuivre la dynamique et bâtir cette autonomie financière et énergétique du territoire à l’échelle de la Communauté de communes, en conservant une part du budget global au budget énergie/climat. Pour cela, nous voulons maintenir les capacités de ce service qui est constitué aujourd’hui de 7,5 personnes. La pérennisation des moyens humains est essentielle pour relever tous ces défis.
Cet article est extrait du CLER Infos n°121
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