Pour lutter contre la précarité énergétique, rénovons !
Spécialiste des politiques publiques énergétiques, chercheur associé à l’IDDRI, Andréas Rüdinger évalue l’efficacité des mesures prises en France face à la crise énergétique et les solutions à déployer.
Que pensez-vous des mesures prises pour protéger les ménages les plus exposés face à la crise énergétique ?
Andréas Rüdinger : D’abord, il est clair qu’il n’existe pas de mesure unique qui suffirait à protéger les plus fragiles. Pourtant, le gouvernement a choisi, pour le moment, de privilégier une seule approche : celle des prix. Le bouclier tarifaire qui a vocation à alléger les factures repose sur un principe d’égalité : la même chose pour tout le monde. Or ce qui est égalitaire n’est pas forcément équitable. Distinguer ces deux concepts, l’égalité et l’équité est indispensable pour une transition juste et des mesures efficaces.
Quelle piste privilégiez-vous ?
A.R. : Il faut s’intéresser aux besoins réels des ménages et apporter des réponses proportionnées à ces besoins. Les boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité, comme la réduction de 15 centimes sur le prix du carburant sont des mesures chères, elles coûteront 45 milliards d’euros en 2023, et largement inefficaces. Nous avons calculé que pour un ménage modeste habitant une passoire thermique de 100 m² chauffée au gaz les aides représentaient 200€ pour une hausse de facture de 700€. C’est largement insuffisant.
Notons que les ménages qui chauffent la piscine de leur résidence secondaire profitent tout autant du blocage tarifaire. Enfin, ce bouclier est une mesure ponctuelle et une dépense sèche. Pas un investissement pour l’avenir. Or la crise énergétique est là pour longtemps. Je crains que la situation ne soit pire pour les ménages fragiles quand cette mesure prendra fin.
Quelles sont les mesures concrètes à mettre en place ?
A.R. : Aider les ménages à payer les factures est essentiel. Mais il faut leur donner les moyens de consommer mieux et moins. Lorsque Elisabeth Borne a énuméré les mesures de son plan de sobriété énergétique, aucune annonce n’a été faite pour aider à la rénovation énergétique des bâtiments. L’augmentation du prix de l’énergie est un signal qui reflète sa rareté. Il faut compenser avec des aides sociales au lieu d’essayer de gommer le signal.
Aujourd’hui les aides tarifaires sont égalitaires et les aides à la rénovation équitables. Il faut faire l’inverse. Il faut que les aides au paiement soient proportionnelles aux revenus et qu’on embarque tout le monde dans la rénovation énergétique au moyen de financements massifs. De toute façon, nos objectifs nous amèneront à rénover tout le parc…
À l’IDDRI nous avons une recommandation simple : 1€=1€. Pour chaque euro dépensé dans l’aide d’urgence aux ménages, ciblée sur les plus vulnérables, un euro additionnel est investi pour accélérer la transition énergétique et en particulier la rénovation des passoires énergétiques. On multiplierait ainsi par 10 le budget consacré au financement de la rénovation énergétique avec Ma Prime Rénov’, qui est de 2,5 milliards d’euros pour 2023. On provoquerait un choc d’offre massif.
En savoir + : Réussir le pari de la rénovation énergétique de Andréas Rüdinger et Albane Gaspard (ADEME)
« Le bouclier tarifaire est une mesure ponctuelle et une dépense sèche. Pas un investissement pour l’avenir. Or la crise énergétique est là pour longtemps. »