Partager équitablement les bénéfices des projets d’énergies renouvelables
Dans un rapport publié le 29 avril 2025, le Climate Action Network (CAN) Europe dresse l’état des lieux du partage de la valeur et de la mobilisation des communautés locales autour des projets d’énergies renouvelables en Europe. Entretien avec Seda Orhan, responsable de programme énergies renouvelables au CAN Europe, et Etienne Charbit, responsable de projets Europe au réseau Cler.
Quel est le cadre européen relatif au partage de la valeur et à la mobilisation des communautés locales autour des projets d’énergies renouvelables ?
Seda Orhan : Il n’existe pas de cadre règlementaire européen, il n’y a ni standard ni définition commune, hormis pour les communautés énergétiques. Cependant un certain nombre d’initiatives et de bonnes pratiques montrent la voie à suivre. Ainsi par exemple, en Allemagne, les municipalités situées à proximité d’éoliennes perçoivent des paiements sur les kWh produits. Au Danemark, la loi prévoit que les collectivités locales soient co-propriétaire d’au moins 20% des projets éoliens… Mais certains pays, comme l’Espagne ou la Pologne, ne disposent d’aucune réglementation et le partage de la valeur repose sur la seule bonne volonté des promoteurs de projets.
Quelle est la situation en France ?
SO : La loi « Climat et résilience » de 2021 fonde des comités régionaux de l’énergie tandis que la loi de 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables donne mandat aux communes pour désigner des zones d’accélération pour les projets d’énergies renouvelables à la suite d’une consultation locale. Des labels, comme celui d’Energie Partagée, vont au-delà des exigences règlementaires, avec une quinzaine de critères répartis autour de l’intérêt territorial, la dynamique locale, la finance éthique et citoyenne, la gouvernance partagée et l’écologie. On peut aussi citer la charte approuvée par AMORCE et France Renouvelables pour garantir une meilleure synergie entre autorités locales et développeurs et/ou gestionnaires de projets. Enfin, localement, des projets d’énergie citoyenne, tels que le parc éolien d’Andilly-les-Marais, en Nouvelle Aquitaine ou le parc solaire de l’Espace du Génie, en Meurthe-et-Moselle sont de formidables exemple de mobilisation des communautés locales et de partage de la valeur.
Quelles sont les recommandations de CAN Europe ?
SO : Il est indispensable d’associer les communautés locales, les collectivités, les citoyens, les entreprises, à leur futur énergétique. Il faut que les projets leurs apportent de réels bénéfices. Dans notre rapport, nous proposons un certain nombre de recommandations et nous avons identifiés une quinzaine d’indicateurs de performance. Ces recommandations et ces indicateurs pourraient être repris dans le paquet « Energie pour les citoyens » qui devrait être publié par la Commission européenne au troisième trimestre 2025. Disposer de standards européens est sans doute un bon moyen de s’assurer d’un partage équitable de la valeur.
Le point de vue du réseau Cler
Etienne Charbit : Les objectifs de la directive RED III, à savoir au moins 42,5% de renouvelables dans la consommation d’énergie finale de l’Union Européenne d’ici 2030, obligent à une accélération du déploiement des énergies renouvelables. Pour y parvenir, il est indispensable que les projets bénéficient directement aux communautés locales. De la valeur est créée à chaque étape des projets et doit être partagée. Cette valeur peut être monétaire avec des paiements ou une énergie à coût réduit, ou en nature, avec par exemple des rénovations énergétiques. Elle peut aussi prendre la forme de participation aux projets, de création d’emploi locaux à long terme ou de bénéfices sociaux comme la réduction de la précarité énergétique… Pour favoriser l’adhésion des communautés aux projets d’énergies renouvelables, le partage équitable de la valeur est indispensable. Ainsi, il pourrait être intéressant d’en faire un critère hors-prix des appels d’offres d’énergies renouvelables.