Logement décent : la rénovation énergétique doit profiter aux plus modestes

La pénurie de logements abordables conséquence de l’explosion des prix du marché immobilier et locatif, constitue une véritable crise du logement. La rénovation énergétique du parc, et plus généralement la transition écologique sont-ils des facteurs d’aggravation des inégalités ou au contraire une opportunité de justice sociale ?

Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de Droit Au Logement – DAL nous partage son point de vue sur le logement décent.

Quels sont les principaux obstacles à l’accès à un logement abordable et décent ?

Jean-Baptiste Eyraud : Jamais le logement n’a été aussi cher en France depuis le 19e siècle. Les classes populaires sont le plus impactées par « la crise du logement cher », comme nous la désignons, et accèdent aux logements les plus dégradés. Il y a une forme de jeu de domino : le mal logement affecte aujourd’hui un nouveau public (les étudiants, les travailleurs pauvres, voire les classes moyennes). Les plus précaires se réfugient dans une forme d’habitat de survie, de plus en plus réprimée : squats, caravanes, habitat spontané, on voit resurgir des bidonvilles depuis 25 ans… ou deviennent dépendant du 115, de la charité publique ou des marchands de sommeil.

Les critères de décence, fixés par décret, tiennent désormais compte de la performance énergétique. Depuis janvier 2025, les logements classés G sont considérés comme non décents, en 2028, ce sera au tour des logements classés F sur le diagnostic de performance énergétique (DPE). Mais en réalité, il y a beaucoup de fraude, et ces logements continuent à être loués et reloués au prix fort, au mépris des droits des locataires, quand ce ne sont pas les DPE qui font l’objet de diagnostics de complaisance pour éviter aux bailleurs un trop mauvais classement de leur bien… Un locataire peut néanmoins attaquer son bailleur en justice pour exiger des travaux et une baisse des loyers en attendant. La peur de se trouver à la rue et la longueur des procédures découragent trop souvent le recours au juge. Il faudrait un service public local en capacité de contrôler et sanctionner la fraude.

Il est essentiel de rénover les passoires énergétiques, qui sont des frigos l’hiver et des fours l’été et alourdissent encore le budget logement des ménages, mais sans hausse de loyer et en les baissant jusqu’aux travaux. On constate aussi une multiplication des malfaçons lors de la réalisation de travaux de rénovation d’immeubles. Il s’agit d’un problème structurel dans le BTP, lié à la sous-traitance en cascade. Enfin, un bailleur HLM peut imposer une hausse de loyer à l’issue d’une rénovation énergétique, c’est la troisième ligne de quittance. Dans ce contexte de baisse des APL et des revenus des locataires, ça pèse sur les ménages… La rénovation énergétique ne doit pas être une source d’exclusion.

« Il est essentiel de rénover les passoires énergétiques, qui sont des frigos l’hiver et des fours l’été et alourdissent encore le budget logement des ménages. »

Jean-Baptiste Eyraudporte-parole de Droit Au Logement – DAL

Quelles politiques publiques pourraient concilier transition écologique et justice sociale en matière de logement ?

J-B.E : Il faut réguler les loyers, à la baisse. Il faut également taxer les plus-values immobilières, pour limiter la spéculation liée aux bénéfices indus tirés des politiques d’urbanisme. Quand une ville finance des lignes de tramway ou de métro, des pistes cyclables, des centres-villes piétons, ou rénove des quartiers populaires, les prix immobiliers augmentent… L’investissement de l’argent public conduit à la spéculation et un enrichissement sans cause des propriétaires privés et chasse les plus modestes.

Outre la régulation des prix et la taxation des plus-values, il faut continuer à produire des logements sociaux et à rénover les passoires thermiques. Le parc de logement social en compte environ 300 000. Mais elles représentent près de 16% du parc locatif privé, soit 1,3 millions de logements. C’est là que tout se joue, ainsi qu’avec les propriétaires occupants modestes. Mais ces rénovations ne pourront avoir lieu qu’avec un accompagnement réel des ménages. Je veux rappeler enfin que les locataires ont des droits, dont celui de disposer d’un logement décent. Trop souvent, les difficultés de logement sont vécues comme une affaire personnelle. Or il s’agit d’un sujet politique autour duquel il est important de se mobiliser collectivement et massivement, comme l’ont fait les locataires en Espagne ou à Berlin.