Un logement décent est un logement performant

La lutte contre les passoires thermiques est au cœur des lois énergie-climat (2019) et Climat et résilience (2021). Aujourd’hui se termine la consultation publique sur le projet de décret définissant le niveau minimal de performance énergétique attendu dans la définition du logement décent. Décryptage.

Marie Gracia, directrice du Collectif Effinergie, membre du CLER-Réseau pour la transition énergétique et Grégory Lagrange, conseiller-juriste à l’Agence départementale d’information sur le logement du Morbihan (ADIL56) analysent ce que ce décret va changer.

En quoi consiste le « décret décence » ?

Grégory Lagrange : Il est la définition règlementaire du logement décent, à savoir un logement qui ne porte pas atteinte à la santé et à la sécurité de ses occupants et qui dispose de certains éléments de confort. Les premières versions de décret sur les caractéristiques d’un logement décent remontent à 2002, il y est fait état de la présence nécessaire d’une installation de chauffage, sans critères de performance.

L’augmentation du coût de l’énergie, et les situations de précarité énergétique qui en découlent ont mené petit à petit à intégrer ces critères dans le décret. La version actuelle propose de s’appuyer sur le diagnostic de performance énergétique, avec des seuils et un calendrier précis : à compter du 1er janvier 2023, pour être considéré comme décent, un logement de France métropolitaine ne doit pas consommer plus de 450kWh/m2 d’énergie finale. A partir du 1er janvier 2025, pour obéir aux conditions de décence les logements décents devront avoir une performance énergétique correspondant au minimum à un DPE de classe F, puis de classe E au 1er janvier 2028 et de classe D au 1er janvier 2034. Le projet de décret précise aussi les seuils et le calendrier pour les départements et territoires d’outre-mer.

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Le décret prévoit-il des exemptions ?

Marie Gracia : Le projet de décret précise les exemptions introduites par la loi Climat-Résilience concernant les bâtiments patrimoniaux, ou situés aux abords des monuments historiques. Cette possibilité de dérogation est une mesure de souplesse pour éviter des situations de blocage. Elle ne doit pas être vue comme une règle générale qui ferait qu’on ne toucherait pas aux bâtiments patrimoniaux. Avec le soutien du ministère de la Transition écologique, de l’ADEME et du ministère de la Culture, Effinergie a conduit trois années d’expérimentation pour évaluer sur des démonstrateurs s’il était possible d’associer réhabilitation énergétique performante et préservation des bâtiments à caractère patrimonial. La réponse est sans appel : c’est non seulement possible mais souhaitable. C’est possible si on commence par poser le double enjeu de préservation architecturale et de rénovation performante et qu’on mobilise les bons experts. C’est souhaitable, car la rénovation de ces bâtiments permet d’éviter leur abandon tout en luttant contre la précarité énergique.

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Quels sont les enjeux autour de ce décret en matière de rénovation énergétique ?

G.L. : Ce décret rend obligatoire la rénovation des passoires thermiques, avec des mesures coercitives. Au gel des loyers, effectif depuis le 24 août 2022, s’ajoutent désormais les critères de décence. Tout est fait pour rendre plus difficile la location des logements les plus énergivores. L’enjeu est double, environnemental et social. Les locataires les plus défavorisés ne doivent pas avoir à choisir entre l’alimentation et le chauffage.

M.G. : Ce décret étend au parc locatif privé les obligations de rénovation qui existaient déjà dans le tertiaire. Il s’agit maintenant de mobiliser tous les moyens pour que les logements concernés soient effectivement rénovés et non sortis du champ locatif. Il faut éviter un report des bailleurs sur le marché du meublé de tourisme, qui pour le moment échappe au décret, voire à un marché informel qui aggraverait le mal logement. Pour cela il faut absolument accompagner les propriétaires bailleurs modestes. Les collectivités peuvent jouer un rôle déterminant en identifiant les logements concernés et en allant à la rencontre de leurs propriétaires. Et les aider à engager des rénovations ambitieuses, qui ne se contentent pas de sauter deux classes de DPE.