Vers une transition écologique contributive et locale
Malgré une apparente prise en compte politique de la nécessité d’infléchir nos modes de vie et de développement pour parvenir à réduire l’empreinte environnementale de nos sociétés, les enjeux persistent, et la mobilisation collective semble ne jamais avoir été aussi incontournable. Face aux constats catastrophistes qui considèrent qu’il est déjà trop tard pour endiguer une crise globale, que sommes-nous, acteur.ice.s de la transition, en mesure de proposer qui ait une ambition plus collective que le changement de comportement à l’échelle individuelle ?
Les concours de sobriété, comme Familles à Energie Positive (FAEP), représentent un élément de réponse. Ils permettent de sensibiliser et d’accompagner les individus dans un cadre relationnel privilégié qui favorise le passage à l’acte, et, in fine, un changement de comportement durable. L’évolution des pratiques énergétiques est également déterminée par la dimension technique des usages, d’où l’importance de la transmission d’une culture de l’énergie, pour amener les particuliers à maîtriser leur environnement de vie, et par-là, leurs besoins et consommations. Le cadre d’animation de tels programmes requiert la mobilisation de ressources et de compétences, humaines et techniques, on ne le répètera jamais assez.
De plus, ces démarches s’imbriquent le plus souvent dans un cadre collectif (les groupes de familles dans le cas de FAEP) de participation, enclin à faciliter les échanges sur les représentations liées aux pratiques et aux modes de vie qui participent à l’évolution des schèmes de valeurs collectifs, et qui constituent une dimension essentielle de l’implication des participant.e.s. Comme le relève une étude de l’ADEME, « les résultats de la psychosociologie invitent à utiliser les relations interpersonnelles, les petits groupes et les réseaux de proximité pour faire évoluer les normes individuelles » (1). C’est très exactement ce qui est au centre de la méthodologie expérimentée par l’institut Négawatt avec les Conversations Carbone par exemple. Ces éléments nous rappellent que les individus, contrairement à la vision de l’homo œconomicus encore très présente dans la littérature, ne sont pas essentiellement mus par des choix rationnels à des fins personnelles, mais aussi, et peut-être surtout, par une recherche de sens commun.
A leur insu, pour leur bien
Une tendance inverse voit dans le recours à des stratégies d’incitations implicites (nudges), la possibilité de pousser les gens à s’orienter vers le bon choix (encore faut-il s’entendre dessus) sans avoir à le conscientiser, puisqu’on l’aura pensé pour eux. A leur insu, mais pour leur bien. Les incitations peuvent être explicites, il n’en reste pas moins que paradoxalement, « elle(s) ferai(en)t peser sur l’individu l’entière responsabilité du changement en oubliant les contraintes matérielles et sociales dans lesquelles ses pratiques sont imbriquées » (2).
Enfin, la diffusion des technologies numériques, semblent dessiner une société d’intelligence stigmergique, à l’image des abeilles ou des termites. L’univers des objets et des réseaux connectés et intelligents, associé à la domotique, fait miroiter l’horizon prométhéen toujours espéré, et jamais atteint. Ainsi, les potentialités qu’offre l’Internet en terme d’accès à l’information, à la connaissance, et de moyens de coopérer, se verraient coiffées au poteau par les algorithmes, chargés de composer avec la complexité à notre place.
Expérimentations locales
Pour ne céder ni aux sirènes catastrophistes, ni à celles d’une approche économique individualiste, il est plus que temps de partout commencer à poser les conditions d’une transition socio-écologique partagée, contributive, et locale. Mais encore faut-il que les acteurs publics accompagnent ces expérimentations, tant ils sont, en France en tout cas, d’incontournables moteurs de mobilisation. Malheureusement, « iI(s) n’analyse(nt) pas encore assez dans quelle mesure ces initiatives locales et citoyennes sont porteuses des germes de transformations sociétales au service de la transition » (3). C’est pourtant le pari que certains territoires ont fait.
La Région Bourgogne Franche-Comté porte depuis quelques années l’initiative, impulsée par Energy Cities en 2015, des Pionniers Ordinaires de la Transition Energétique (les POTEs). Un réseau de citoyens sur lequel la région peut s’appuyer pour identifier et repérer les projets et les acteurs locaux, et ainsi tisser un maillage territorial favorisant la “capacitation” des habitants. Et, dans une approche renouvelée de la concertation publique, Nantes métropole a organisé son Grand Débat sur une durée de 7 mois, en proposant aux habitants de participer à la construction d’une vision commune de l’environnement dans lequel ils souhaitaient habiter et vivre.
Revoir le web-séminaire : les concours de sobriété dans l’animation territoriale
Julien Camacho
Responsable du projet Défi Familles à énergie positive. Auteur de cet article.
julien.camacho[arobase]cler.org(1) – Changer les comportements, ADEME, 2016
(2) – Analyse sociologique de la consommation d’énergie dans les bâtiments résidentiels et tertiaires, Gaëtan Brisepierre , 2013
(3) – Initiatives citoyennes et transition écologique : quels enjeux pour l’action publique ? THEMA, commissariat général du développement durable, juin 2017.
Cet article est extrait du CLER Infos n°120
Pendant longtemps, l’énergie était le pré-carré des ingénieurs, et de débats, il n’y en avait point. Finie, cette confiscation des enjeux énergétiques ! Face aux menaces des changements climatiques sur notre environnement, nous sommes tous des acteurs de la transition. Pour diminuer nos consommations d’énergie et produire des énergies renouvelables, il faut « agir », le faire vite, mais surtout ensemble. En un mot : coopérer. Sensibiliser et mobiliser sont des missions qui relèvent d’une délicate science humaine et requièrent du travail sur soi et de l’humilité. Comment ça marche ? C’est LA question que nous nous posons tous ! Voici quelques pistes et expérimentations venues des territoires. Un dossier à retrouver dans le CLER Infos n°120.
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