L’écomobilité inclusive : un secteur en émergence
À l'occasion de la semaine européenne de la mobilité, nous nous intéressons à la mobilité durable et solidaire, autrement appelée écomobilité inclusive. Pierre Taillant, économiste au service Transports et Mobilité de l’ADEME et Gérard Hernja, expert auprès du Laboratoire de la Mobilité inclusive, offrent des pistes de réflexion pour repenser nos mobilités, et répondre aux enjeux de justice sociale et climatique.
Permettre à chaque citoyen de satisfaire sa mobilité quotidienne, tout en limitant l’impact écologique de ses déplacements. Tel est le grand défi du siècle. C’est justement l’objet du programme TIMS, piloté par le CLER-Réseau pour la transition énergétique, Auvergne-Rhônes-Alpes Énergie Environnement, le réseau Mob’in et le Réseau des Agences Régionales de l’Énergie. Son ambition ? Structurer ce secteur naissant pour offrir des solutions d’éco-mobilité, c’est à dire pour une mobilité durable et solidaire, à des publics empêchés et des territoires enclavés. Rural ou urbain, chaque territoire charrie son lot d’inégalités. En France, 13,3 millions de personnes sont en situation de précarité mobilité. Parmi les plus touchés, les jeunes, les travailleurs pauvres et les seniors, qui subissent de plein fouet l’absence de solutions de mobilités alternatives. « Parler d’écomobilité inclusive, c’est se préoccuper de la manière d’embarquer dans le projet d’une société plus sobre, l’ensemble des publics fragiles. Bien souvent, ils cumulent les difficultés et n’ont que très peu de choix, ou pas d’autres choix que la voiture », signale Gérard Hernja, expert au sein du Laboratoire de la mobilité inclusive. Dès lors, comment concilier mobilité inclusive et transition énergétique ? Et ancrer des pratiques nouvelles et durables ?
Du tout voiture à l’intermodalité : repenser les usages
« Transformer les mobilités implique de s’attaquer à des schémas comportementaux autour de la voiture », analyse Pierre Taillant, économiste au service transports et mobilité de l’ADEME. Si la voiture individuelle a longtemps été un objet d’émancipation, elle a aussi façonné les territoires. « Délaisser une solution de mobilité pour une autre suppose d’adapter les infrastructures, et de repenser un partage de l’espace physique disponible. » Selon l’économiste, la combinaison des modes de déplacement possibles doit être intégrée dans les plans d’aménagement locaux des villes, avec pour corollaire, la promotion des mobilités plus actives (vélo, marche à pied) et des mobilités partagées (covoiturage, transport solidaire ou d’utilité sociale).
Entre co-construction et éducation à la mobilité
Initier de nouvelles pratiques de mobilité bas carbone passe aussi par la pédagogie. « Tout le monde n’a pas la capacité financière et l’habitude de jongler entre ces différents types de transport. Il faut faire connaître ces solutions et imaginer des mesures qui vont intégrer tous les publics », soutient Pierre Taillant. « Il n’y a pas de bonne pratique, sauf celle adaptée aux particularités de chaque territoire », complète Gérard Hernja. Pour lui, la solution doit émaner du territoire et de ceux qui l’habitent : « Je crois davantage en l’association qui œuvre sur le terrain, au travail de restructuration du lien social de proximité, qu’en l’injonction et l’apport d’une solution toute faite. » C’est justement dans ce sens que le programme TIMS entend structurer deux nouveaux métiers : conseillers et référents territoriaux en écomobilité inclusive. Objectif ? Construire un accompagnement au changement dans nos territoires. « Pour que cela fonctionne, il faut une volonté politique forte et claire. Nous devons tous changer nos pratiques, l’écomobilité inclusive est une nécessité », affirme Gérard Hernja.