Le CLER, promoteur des énergies renouvelables depuis 1984
EnR et CLER : une rime d’enfer. Réuni·es lors de leur rencontre annuelle en juin 2019, les adhérent·es ont remis à jour leur petite histoire des énergies renouvelables. Retour sur les origines de notre association et ses principales idées fondatrices pour la relocalisation de la production d'énergie renouvelable, et un partage local des richesses.
Nous sommes en 1984. Georges Orwell a raison, mais partiellement. Un groupe de dissidents énergétiques passe entre les mailles du filet et visite différents projets de production d’énergies renouvelables. De ce voyage initiatique, une conviction émerge : les énergies renouvelables peuvent être une source de développement local. Et de cette conviction naît un schisme au sein du CAS (le Comité d’action solaire) qui conduit à la création du Syndicat des industriels et professionnels français des énergies renouvelables (le Siprofer, ancêtre du Syndicat des énergies renouvelables), qui fait de la défense de ses adhérents son objet social. Les autres, attachés à la promotion du développement des énergies renouvelables au service de l’intérêt général, fondent alors le Comité de Liaison des Énergies Renouvelables : le CLER.
Années 1990
Au tournant des années 1990, le CLER se veut un contrepoids aux lobbies traditionnels de l’énergie. Il s’engage avec force dans des plaidoyers en faveur de la décentralisation et de l’autonomie énergétique. Dès la deuxième partie de la décennie, les premières réflexions émergent en faveur de projets par et pour les citoyen·nes et les acteurs des territoires. Certain·es diront que le CLER se marginalise et se radicalise. Force est de constater leur erreur d’analyse. Au début des années 2000, le CLER frissonne : son engagement est peu à peu récompensé. Dès 2001, les toits du CLER à Montreuil deviennent bleus. Une centrale photovoltaïque de 20 000 kWh est raccordée au réseau. Le financement de la centrale, 150 000 euros, est déjà participatif : cette idée lancée par Greenpeace et ses adhérents a fédéré l’Union européenne, la Région Ile-de-France, l’Office Public de l’Habitat de Montreuil, l’Ademe et le Département de Seine-Saint-Denis. Yves Cochet, alors Ministre de l’environnement, après avoir expérimenté le photovoltaïque raccordé au réseau sur sa propre maison en Bretagne, l’inaugure : il croit encore que l’effondrement de nos sociétés peut être endigué.
« En drainant les flux économiques hors des territoires qui les ont faits naître, certains développeurs peuvent être perçus comme des prédateurs »
Le directeur de l’époque, à l’image de l’équipe du CLER, donne de sa personne pour que l’intérêt général et celui des territoires suivent cette mise en mouvement accélérée des énergies renouvelables. Il brave l’interdit de l’Ademe et colle ainsi sur 2000 exemplaires d’un rapport obscur une phrase qui résonne encore aujourd’hui douloureusement : « En drainant les flux économiques hors des territoires qui les ont faits naître, certains développeurs peuvent être perçus comme des prédateurs »…
Années 2010
A partir de 2011, la grande accélération est lancée. La philosophie du CLER peut s’appuyer sur un travail de référence (dans sa 3ème édition) qui entre dans le débat public : le scénario négaWatt et son fameux triptyque sobriété – efficacité – renouvelables ouvre la voie à une décentralisation toujours plus marquée : c’est ainsi que le réseau Territoires à énergie positive (TEPOS) voit le jour. Pour accompagner cette évolution vers une approche plus globale qui lie indissociablement maîtrise de l’énergie et énergies renouvelables, le CLER devient « le Réseau pour la transition énergétique ». Mais comme le sigle correspondant est déjà pris par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, il conserve son nom devenu entretemps sa véritable identité.
Dans la folie qui gagne parfois le développement des renouvelables, le CLER maintient le cap et poursuit son rôle de vigie : cette massification doit être accompagnée et pensée encore et toujours au service de l’intérêt général. C’est ce qui l’amène à produire un guide pour des projets photovoltaïques au sol de qualité et à défendre avec force des mesures favorisant les acteurs des territoires comme les tarifs d’achat plutôt que les appels d’offres. La situation actuelle nous montre à quel point ces combats ne sont pas gagnés et restent vivaces.
La massification des projets génère aussi des appréhensions, craintes et tensions au sein des territoires. Pour y répondre de manière objective et factuelle, le CLER publie en collaboration avec le Réseau Action Climat (RAC) un guide pour déconstruire les idées reçues, toujours d’actualité. Au contact des TEPOS, de nouveaux enjeux émergent avec force : comment renforcer la solidarité ville-campagne grâce à la transition énergétique ? Comment faire que cette dernière devienne une source de revenus et d’emplois pour les territoires ? Comment préparer les réseaux d’énergie à ce changement majeur, mais aussi les acteurs encore peu au fait de cet enjeu ? Comment porter cette vision à l’échelle européenne ?
Accéder à toutes nos publicationsEt aujourd’hui, en 2019
En 2019, le CLER a 35 ans. Il a convaincu largement, rassemble aujourd’hui une riche mosaïque d’acteurs, différents mais défendant une vision d’un développement des énergies renouvelables harmonieux et au service de l’intérêt général. Pour que cette vision s’ancre définitivement, les combats à mener sont nombreux, les vents contraires restent forts. Le CLER aura besoin de toute cette diversité du réseau et de sa capacité à coopérer, à tisser des ponts entre les différents mondes de l’énergie.
Au bout de ce texte, cette histoire d’amour passionnelle, conflictuelle parfois, entre le CLER et les EnR est forcément synthétisée et simplifiée. Le mot de la fin ne peut être que celui de la cohérence. Il est rassurant et amusant de constater que l’histoire du CLER avec les renouvelables a démarré autour de l’idée du développement local. Et que l’année 2019 est marquée au sein du réseau par un travail centré autour de la capacité de la transition énergétique à créer de la valeur dans les territoires. Comme quoi, les dissidents de 1984 n’ont finalement pas pris une ride !