Investissements pour le climat : où en est la France ?
I4CE, l’institut de l’économie pour le climat, vient de publier son panorama annuel des investissements climat ainsi qu’une étude qui évalue spécifiquement les besoins financier des collectivités pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Le point avec Hadrien Hainaut et Aurore Colin co-auteurs respectifs de ces études.
Les investissements climat de la France sont-ils cohérents avec nos objectifs ?
Hadrien Hainaut : En 2021 les investissements des ménages, des entreprises et des administrations pour l’atteinte de nos objectifs climatiques dans les secteurs du bâtiment, du transport et de l’énergie ont atteint 84 milliards d’euros, soit 18 milliards de plus qu’en 2020. Il s’agit du plus haut niveau observé en 10 ans. Les différents travaux prospectifs, les scénarios « Transition(s) 2050 » de l’ADEME ou la Stratégie nationale bas-carbone 2020 (SNBC), estiment cependant qu’il faudrait entre 13 et 30 milliards d’euros d’investissements supplémentaires pour s’engager sérieusement sur le chemin de la neutralité carbone. Notre pays souffre encore d’un manque chronique d’investissement dans la décarbonation de l’économie, et continue à payer le prix de sa dépendance aux énergies fossiles.
À quelle hauteur continuons-nous à investir dans ces énergies fossiles ?
H.H. : Les investissements fossiles commencent à diminuer et s’élèvent à 62 milliards d’euros en 2021 (contre 86 en 2019). Pour atteindre les objectifs nationaux, ils doivent être divisés par deux d’ici 2030 et ramenés à zéro à l’horizon 2040. Il faut s’assurer que la baisse soit durable et que la crise énergétique ne serve pas de prétexte au maintien de ces investissements.
Comment financer les investissements climat ?
H.H. : Augmenter les investissements climat ne signifie pas que la transition soit coûteuse. L’étude examine l’ensemble des investissements dans les bâtiments, les transports et la branche énergie. On observe qu’en moyenne de 2021 à 2050, les investissements annuels totaux sont proches ou inférieurs aux niveaux de 2019. Dans une certaine mesure, la hausse indispensable des investissements climats est compensée par la baisse des investissements fossiles et de la construction. Dans les scénarios de sobriété de l’ADEME, les investissements totaux diminuent nettement alors que les investissements climats augmentent.
Quelle part doivent prendre les collectivités locales ?
Aurore Colin : Frappées par la crise sanitaire, la crise climatique puis par la crise énergétique, les collectivités locales doivent doubler leur investissement pour le climat. Celui-ci s’élevait en 2021 à 5,5 milliards d’euros alors qu’il leur faudrait investir chaque année 12 milliards jusqu’en 2030 pour atteindre les objectifs de la SNBC.
Sur quoi doivent porter ces investissements ?
A.C. : Les besoins d’investissements climat des collectivités varient selon les scénarios considérés mais portent essentiellement sur la mobilité, la rénovation et l’efficacité énergétique. Des efforts très conséquents concernent par exemple les aménagements cyclables où les investissements doivent être multipliés par 5 ou l’installation de bornes de recharges électriques où c’est un facteur 9. Les collectivités, et en particulier le bloc communal, sont le premier investisseur public de France. Elles ne parviendront à accélérer leurs efforts que si elles sont accompagnées. Notre étude a évalué leurs besoins en ingénierie à 25 000 équivalents temps plein, ce qui représente une masse salariale annuelle de 1,5 milliards d’euros, qui viennent s’ajouter aux 12 milliards d’investissement.
Chiffre clés
12 milliards d’euros doivent être investis chaque année par les collectivités pour atteindre les objectifs de neutralité carbone, soit 18% de leur budget d’investissement.
Voir l’étude