Communautés énergétiques : un cadre juridique consolidé

Publié fin 2023, le décret d’application relatif aux communautés énergétiques précise les formes juridiques que peuvent prendre ces entités. Décryptage avec Eugénie Bardin, responsable des affaires publiques chez Enercoop et Marion Richard, responsable du pôle animation nationale d’Energie Partagée, deux structures membres du Collectif pour l’énergie citoyenne animé par le CLER-Réseau pour la transition énergétique.

Quels sont les apports de ce décret ?

Eugénie Bardin : Ce décret apporte une définition finalisée des communautés énergétiques. Une communauté énergétique doit viser un principe de retombées économiques, sociales et environnementales pour le territoire avant de rechercher le profit. Deux notions centrales n’étaient pas vraiment précisées jusqu’à présent : l’autonomie et la proximité. Pour être éligibles au contrôle effectif, les membres doivent être à proximité du projet de production d’énergie renouvelable.

Ce décret était attendu des acteurs locaux. Pourquoi ?

Marion Richard : Cette définition va permettre à l’Etat français de déployer et définir des mesures facilitatrices pour les communautés énergétiques. Par exemple, des dispositifs de soutien économique plus favorables (appel d’offres, tarif d’achat). L’objectif c’est de permettre à ces entités de jouer à armes égales face aux acteurs plus traditionnels du secteur de l’énergie.

E.B : Les directives européennes de 2018 et 2019 définissent les communautés d’énergie renouvelable et les communautés énergétiques citoyennes. Elles ont été transposées au niveau national par la loi Énergie Climat et la loi d’accélération des énergies renouvelables. Le CLER-Réseau pour la transition énergétique , Énergie Partagée et Enercoop ont travaillé avec la Direction générale de l’énergie et du climat sur le contenu du décret. L’enjeu ? Rendre la définition opérante, qu’elle corresponde à la fois aux valeurs posées par les directives et aux réalités des projets citoyens sur le terrain.

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Quelles conséquences directes sur l’énergie citoyenne en France ?

E.B : C’est un peu tôt pour le dire car nous n’avons pas le cadre facilitateur. Malgré cette consécration législative, les communautés énergétiques existent depuis des années en France et dans d’autres pays européens, sans être nommées comme telles. Avec ce décret, nous sommes face à une définition hyper restrictive. Beaucoup de communautés n’y rentrent pas. Aujourd’hui, quelques mesures sont mises en place pour faciliter les projets autour de l’énergie citoyenne, comme le guichet ouvert pour l’éolien de la Commission de régulation de l’énergie. Le problème, c’est que les porteurs de projets se retrouvent en concurrence avec des acteurs plus professionnels et industriels. L’enjeu va être de trouver les moyens de permettre à des projets citoyens de prétendre aux aides, en les rendant le plus inclusives possible.

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Comment s’assurer que ce texte soit un véritable accélérateur des projets locaux à gouvernance partagée ?

M.R : Nous sommes encore dans le décryptage en finesse du texte, dans le sens où le décret publié a été lourdement remanié et simplifié. Un des enjeux majeurs touche à l’autonomie. La définition retenue correspond à celle des petites et moyennes entreprises. Or, une communauté d’énergie renouvelable n’est pas nécessairement une entreprise, et ne répond pas aux mêmes objectifs. Pour dimensionner des dispositifs qui soient favorables aux communautés énergétiques ou à l’énergie citoyenne, il faut trouver des dispositifs qui collent avec l’écosystème existant.

E.B : Enercoop promeut les contrats en dehors de tout soutien public, comme les Power Purchase Agreement (Vente directe d’électricité). Ils sont conclus à prix fixe, entre consommateur et producteur, avec parfois un fournisseur. Il y a un vrai enjeu à développer ce mécanisme pour permettre aux acteurs de l’énergie citoyenne d’y accéder. Il reste encore beaucoup à construire.