En replay : villes 100% EnR – 5 ans après l’Accord de Paris, promesse tenue ?

5 ans après l’Accord de Paris, où en est-on sur le chemin vers 100% d’énergies renouvelables ? Quels progrès ont été réalisés et quels obstacles sont encore à lever ? Quelles réussites peut-on mettre en avant, par exemple sur les nouvelles solidarités énergétiques urbain-rural ou le développement des énergies renouvelables citoyennes ? A travers les témoignages de Genève, Lorient, Paris et Strasbourg, ce webinaire permettra de dresser un point d'étape et d’identifier des clés de réussite sur ce chemin ambitieux.

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Organisée avec le soutien de l’ADEME – Agence de la transition écologique, cette table-ronde à distance s’est tenue le jeudi 1er avril 2021 et a réuni 4 collectivités :

  • Albane FERRARIS, Géographe-urbaniste en charge de la planification – stratégie climat de la Ville de Genève
  • Bruno PARIS, Adjoint au Maire de Lorient en charge de l’environnement et de la transition énergétique et Vice-Président de Lorient Agglomération en charge de la transition écologique
  • Marc HOFFSESS, Adjoint à la Maire de Strasbourg et conseiller à l’Eurométropole de Strasbourg
  • Célia BLAUEL Adjointe à la Maire de Paris en charge de la Seine, de la Prospective Paris 2030 et de la Résilience.
Visionner le web-séminaire en replay

Séquençage :

8’40 – 1ère partie > quelle vision prospective pour 2050 ?

29’55 – 2ème partie > quelle coopération au sein de la collectivité et avec les territoires alentour ?

53’20 – 3ème partie > comment mobiliser les citoyens sur la production d’énergie renouvelable, et plus largement mobiliser à 360° ?

1h02’40 – échanges avec la salle.

Introduction

En décembre 2015, quelques jours avant l’adoption de l’Accord de Paris lors de la COP21, plus de 700 maires du monde entier ont pris l’engagement d’aller vers 100% d’énergies renouvelables en 2050. Si de nombreux territoires ruraux se sont engagés dans des démarches 100% énergies renouvelables de type “Territoires à Énergie Positive” (TEPOS) en France comme en Europe, le phénomène est plus récent au niveau des villes. En montrant l’exemple, en démontrant le champ des possibles, les villes et métropoles françaises peuvent entraîner un mouvement plus global, en France et au niveau européen, pour une transition énergétique ambitieuse et solidaire.

Dans une publication commune “vers des villes 100% énergies renouvelables en maîtrisant leur consommation” en 2016, le Réseau Action Climat, Energy Cities et le CLER montrent qu’il n’y a pas deux villes ou métropoles identiques, et que le chemin emprunté pour aller vers 100% d’énergies renouvelables sera différent en fonction des ressources naturelles disponibles à proximité, du potentiel du territoire mais aussi selon les priorités données à l’efficacité énergétique, à certains vecteurs énergétiques (électricité, gaz, chaleur), à certains usages (bâtiment, mobilité…), à certains acteurs (grandes entreprises de l’énergie, du numérique, coopératives citoyennes, etc.).

Pour autant 5 grandes lignes de recommandations issus d’analyses de villes françaises et européennes sont formulées :

  1. Prospective – Construire une vision d’avenir en intégrant le 100% renouvelables parmi des enjeux plus vastes
  2. Liens urbain-rural : Mettre en oeuvre la coopération avec les territoires ruraux alentours
  3. Financement – Investissement :Montrer des réussites avec des projets concrets
  4. Participation: Inventer de nouveaux modèles d’implication des acteurs du territoire
  5. Villes intelligentes : Se donner les moyens humains de réussir.
Célia Blauel : « Le 100% EnR est un objectif de notre plan climat qui vise la neutralité carbone en 2050, un objectif pour respecter l’Accord de Paris, mais aussi un objectif opérationnel à la croisée de nombreux enjeux ».

Quelle vision prospective pour 2050 ?

Célia Blauel fait du 100% EnR un marqueur symbolique de transformation écologique des territoires. « Il s’agit d’un objectif de notre plan climat qui vise la neutralité carbone en 2050, un objectif pour respecter l’Accord de Paris, mais aussi un objectif opérationnel à la croisée de nombreux enjeux ». Paris ne peut pas réaliser cet objectif seul : il doit être à la fois accompagné de politiques publiques de sobriété et ne peut être réalisé qu’avec l’appui des territoires. En 2015 il s’agissait de « secouer le cocotier » pour emmener les autres capitales et villes européennes dans cet objectif et le traduire en actes. A 21% d’énergies renouvelables dans la consommation à Paris et 7% d’énergie renouvelable produite localement, le chemin reste à parcourir. L’échelle du 100% EnR (électricité, gaz et chaleur) dépasse largement le périmètre des villes, que ce soit sur leur patrimoine ou même leur périmètre administratif. Il est nécessaire d’utiliser tous les outils à disposition et inscrire tous les projets dans cet objectif. Il s’agit par ailleurs d’embarquer tous les acteurs du territoire, pour que chacun fasse sa part.

Bruno Paris rappelle que l’autonomie énergétique de Lorient agglomération en 2050 est « un engagement de campagne » : il s’agit de rééquilibrer la balance entre production et consommation d’énergie sur le territoire ». Sur le patrimoine public, le mix énergétique est aujourd’hui à 33% EnR et 44% en 2022 et la baisse des consommations est de 20% depuis 2010.

La stratégie de l’Eurométropole de Strasbourg est présentée par Marc Hofssess à travers l’autonomie, la résilience du territoire et la centralité : « tout est énergie et c’est à travers le prisme de l’énergie que l’ensemble des politiques et des projets sont repensés ». Même si le potentiel de production d’énergie renouvelable est important (hydroélectricité, solaire, biomasse, récupération de chaleur fatale, …), la maîtrise des consommations est prioritaire.

Genève regroupe 200 000 habibant·es et est inséré au sein du Grand Genève qui en compte un million. Albane Ferraris précise que la stratégie genevoise est notamment déployée sur le patrimoine communal, gros propriétaire de bâtiments : maîtrise des consommations par la sobriété et l’efficacité, et diminution des émissions de GES. Toutes les communes ont un plan directeur communal qui s’inscrit au sein du concept énergétique territorial (nb : stratégie territoriale énergie-climat-air que l’on rapprocher du plan climat air énergie territorial en France). La loi suisse a fixé des objectifs EnR à travers la Stratégie Énergétique 2050. Le lac Léman représente un fort potentiel de production d’énergie renouvelable pour Genève mais se pose la question de la planification technico-économique des réseaux, en cours de travail.

Albane Ferraris : « Toutes les communes ont un plan directeur communal qui s’inscrit au sein du concept énergétique territorial ».

Quelle coopération au sein de la collectivité et avec les territoires alentour ?

Marc Hoffsess évoque pour l’Eurométropôle de Strasbourg un paradoxe : « un schéma directeur énergie intéressant mais un service énergie sous-dimensionné ». De fait, il importe de renforcer les moyens humains du service énergie, mais également de construire une culture partagée de l’énergie qui se traduise dans le management transversal de l’organisation. Enfin il s’agit de massifier les actions réalisées et de les rendre visibles. Pour ce qui concerne les autres acteurs du territoire, chaque problématique nécessite de trouver la bonne échelle d’intervention (la question des mobilités dépasse dépasser l’échelle de l’Eurométropôle par exemple). Néanmoins l’Eurométropôle doit être la « rotule, l’ensemblier ou encore le nœud pour que toutes les forces vives du territoire agissent dans la même direction ».

Sur Lorient agglomération, Bruno Paris évoque « la création de structures satellites pour contourner les restrictions sur les dépenses de fonctionnement et construire cette coopération » : 1) une société publique locale (SPL) qui regroupe Quimperlé Communauté et Lorient  agglomération, et intervention comme maître d’ouvrage sur des projets de chaufferies et de réseaux de chaleur 2) une SEM actionnaire de projets de production d’énergie renouvelable 3) une régie autonome d’énergie qui vend de l’énergie renouvelable, investit dans de nouveaux projets et permet la mutualisation / gestion des certificats d’économie d’énergie 4) une agence locale de l’énergie et du climat pour porter des projets avec les acteurs du territoire et essaimer.

En Suisse, le cadre légal est ambitieux à l’échelle de la Confédération et du Canton, et rend la coopération nécessaire, par exemple au sein du Service industriel genevois qui regroupe acteurs publics et privés. La coopération doit aussi porter sur le partage de la ressource que représente le Léman et sur le développement du solaire, compte-tenu des limitations rencontrées qui doivent être dépassées.

Célia Blauel insiste sur la nécessité de construire une culture partagée avec le paradoxe de devoir prendre le temps, car il faut écouter et embarquer les services ; par exemple embarquer le service du patrimoine est essentiel vers le 100% EnR. La plus belle réalisation de Paris en ce sens est celle réalisée avec la régie Eau de Paris, avec l’objectif de coupler rénovation et production d’énergie renouvelable. Le besoin d’agilité, de souplesse, et le nécessaire partenariat avec d’autres acteurs implique de faire émerger un outil au-delà du territoire parisien. Des exemples sur l’agriculture et l’alimentation sont intéressants. Même s’il est encore difficile de trouver des partenaires urbain-rural, il faut pouvoir accélérer l’émergence des projets locaux.

Marc Hoffssess abonde sur la nécessité pour les collectivités de construire des opérateurs dans l’objectif mentionné par Bruno Paris du contrôle du modèle économique. A noter sur la région strasbourgeoise une SEM opératrice sur Strasbourg mais également une SEM transfrontalière sur sollicitation d’une aciérie allemande soumise à des quotas CO2 pour valoriser sa chaleur fatale sur le réseau de chaleur de Strasbourg. La puissance publique doit jouer son rôle et « il n’est pas possible de déléguer les missions [de production d’énergie renouvelable] uniquement aux opérateurs privés ». De la même manière, sur le photovoltaïque, les opérateurs publics sont nécessaires pour massifier et démultiplier les projets, notamment ceux moins rentables ». Enfin avec le Parc naturel des Vosges du Nord, l’Eurométropôle à développé un partenariat de « rééquilibrage ». Les territoires ruraux sont vitaux et imaginer et construire avec eux est tout à fait pertinent.

Bruno Paris : « SPL, SEM, régie, agence locale de l’énergie et du climat : nous avons créé des structures satellites pour contourner les restrictions sur les dépenses de fonctionnement et construire cette coopération ».

Comment mobiliser les citoyens sur la production d’énergie renouvelable, et plus largement mobiliser à 360° ?

Sur Lorient, l’opération « Mes voisins sont formidables » a été lancée et est portée portée par ALOEN, précise Bruno Paris. L’acceptabilité de plusieurs projets EnR notamment hydro est un vrai enjeu. « A travers cette opération « Mes voisins sont formidables », il s’agit de mettre en récit et en images ce qu’il se fait déjà de bien sur le territoire : récolter des témoignages sur des personnalités, des actions ou des lieux qui vont dans le sens des transitions« . L’objectif est d’embarquer les citoyens dans une démarche collective, la moins institutionnelle possible.

Célia Blauel évoque la nécessité et le besoin d’une transition sociétale autour d’enjeux transversaux : décarboner, relocaliser et partager. Il est difficile de trouver des espaces pour des projets d’agriculture urbaine ou des installations solaires. Les contraintes patrimoniales peuvent être des obstacles règlementaires importants. L’appui des réseaux « comme Énergie Partagée est crucial pour faire émerger les initiatives, tout en sachant s’effacer. Les premiers projets solaires citoyens sont lents au démarrage, et nous espérons accélérer avec les suivants ».

Albane Ferraris donne un exemple d’une action menée à Genève pour embarquer les habitant·es dans ce changement de mode de vie et de consommation. Sur le patrimoine locatif, la température de chauffage dans les logements a été baissée de 1°C : il s’agit d’« une mesure d’urgence climatique », avec un accompagnement des locataires dans cette démarche. Par ailleurs, on peut citer le Plan lumière qui comprend un événement “Une belle nuit”, où tout l’éclairage est éteint.

Marc Hoffssess évoque pour conclure les soucis rencontrés avec la géothermie profonde en Alsace, qui a causé des dégâts et un certain émoi. Cela témoigne de la nécessité de partager les enjeux et les contraintes associés à une stratégie et un objectif de production d’énergie renouvelable, a fortiori ambitieux, car la géothermie profonde avait une place importante dans le mix énergétique. « Le partage avec le plus grand nombre doit être fait pour augmenter l’acceptabilité de certains aspects négatifs. Si les élus et les opérateurs font cette démarche seuls, c’est voué à l’échec au final. » On doit réviser notre stratégie énergétique et ceci doit être fait de manière extrêmement ouverte. Pour la mission d’information et d’évaluation de la géothermie profonde, il y a eu tirage au sort de 6 citoyens mais il y avait eu 300 candidats citoyens. « Nous parions sur l’appétence des citoyens pour construire notre stratégie ». Il est aussi important de s’appuyer sur les communes, et ne pas tout centraliser à la métropole. Pour atteindre l’autonomie énergétique, il faut trouver dans chaque commune les meilleures solutions.

Marc Hoffssess : « Nous parions sur l’appétence des citoyens pour construire notre stratégie ».

Ressources complémentaires

Contact

Alexis Monteil-Gutel

Responsable de projets Énergies renouvelables

alexis.monteil[arobase]cler.org