Comment la commune de Tramayes en Bourgogne a fait sa mue énergétique
Installation d’une chaufferie bois, rénovation performante de bâtiments municipaux, fourniture en électricité 100 % renouvelable… Cette petite commune de Saône-et-Loire multiplie, depuis vingt ans, les actions exemplaires en faveur de la transition énergétique. Le maire Michel Maya (administrateur du CLER) raconte les étapes franchies pas à pas par la municipalité.
Tramayes est une petite commune de 1045 habitants, située en Saône-et-Loire, à mi-chemin entre Lyon et Dijon. C’est un territoire agricole, d’élevage, qui possède un centre-bourg actif avec des commerces, une zone artisanale, mais aussi un hôpital et un Ehpad. « Au début des années 2000, nous devions transformer notre Plan d’occupation des sols en Plan local d’urbanisme. Pour cela, il fallait y intégrer un Projet d’aménagement et de développement durable, ce qui nous a naturellement amenés, via les services de l’État, à réfléchir sur les actions environnementales qu’il serait possible de mettre en place », se souvient Michel Maya, maire depuis vingt-cinq ans, réélu cette année.
La municipalité lance alors une étude d’opportunité pour une potentielle chaufferie bois. Elle est à cette époque dotée de plusieurs petites chaudières fioul qui alimentent les bâtiments municipaux. Deux scénarios se distinguent. D’un côté, le remplacement par des chaudières plus performantes, mais toujours au fioul, pour un budget de 58 000 euros ; de l’autre, la construction d’une chaufferie bois, pour un total d’un million d’euros. « Nous avons opté pour la chaufferie bois, sourit Michel Maya. Mise en service en 2006, elle a été financée à hauteur de 50 % par diverses subventions (Ademe, Région, Département) et pour le reste, nous avons emprunté sur vingt ans, sans augmenter les impôts, puisque l’emprunt est directement financé par les usagers. »
Chaufferie bois de 1,2 MW
Les réactions des habitants, à ce moment-là, ne sont pas toutes très positives… « Certains disaient que ça allait polluer, d’autres qu’on n’aurait plus de forêts ou bien encore que l’on verrait défiler les camions d’approvisionnement dans le centre », se rappelle le maire. Des réunions sont organisées – avec l’ONF et les coopératives forestières – pour rassurer les habitants et une visite de chaufferie bois dans les alentours leur est proposée. Au final, la chaufferie, qui s’approvisionne en bois dans un rayon très court (4 kilomètres), dispose d’une puissance maximale de 1,2 MW et alimente les bâtiments municipaux (mairie, école, bibliothèque, salle des fêtes), une soixantaine de logements et l’hôpital, client le plus important. Celui-ci a vu sa facture annuelle passer de 80 000 euros par an avec une chaufferie fioul à 60 000 euros. « C’est un lourd investissement, mais qui s’amortit très bien. Nous aurons bientôt fini de rembourser et allons pouvoir provisionner pour changer la chaudière, puisque sa durée de vie est estimée à trente ans. »
Extinction des feux
Peu de temps après, la petite commune fait un choix alors singulier : celui d’éteindre l’éclairage public. « Cela a nécessité beaucoup de réflexions, puisqu’il y avait alors peu de retours d’expérience sur ce sujet. Les syndicats d’énergie nous mettaient en garde contre le risque d’incivilités, de dégradations, de cambriolages… Nous avons été aidés par l’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes, puis avons mis cela à notre programme pour les élections de 2008 », poursuit Michel Maya. L’équipe réélue a donc appliqué cette promesse de campagne, qui a permis de diviser par quatre la consommation d’électricité : elle est passée entre 2007 et 2017 de 100 000 kWh à 25 000 kWh – avec également en parallèle des remplacements de lampadaires. « Et nous n’avons finalement pas constaté, depuis dix ans, d’augmentation des incivilités. »
Bataille et rénovations
Dans les années 2010, c’est sur la rénovation énergétique des bâtiments municipaux que la commune se penche. « Nous avons débuté par des actions modestes – isolation par l’extérieur et changement des menuiseries – dans la salle des fêtes, puis sommes passés à une rénovation plus lourde sur les écoles, grâce notamment à une nouvelle convention TEPCV (Territoire à énergie positive pour la croissance verte, ndlr) signée avec l’État, qui a permis de structurer le financement », détaille Michel Maya. Les écoles maternelle et élémentaire ont été rassemblées dans un même ensemble : une partie a été rénovée et une extension a été réalisée. « Pour la partie neuve, nous avons utilisé des matériaux biosourcés et, en général, beaucoup travaillé sur les aspects thermiques. » Les nouvelles classes sont opérationnelles depuis le printemps 2019 et la consommation énergétique devrait être divisée par quatre, alors même que la surface a doublé.
Si sur le papier, toutes ces actions paraissent s’enchaîner plutôt logiquement, Michel Maya indique avoir encore souvent à batailler pour faire accepter des choix – celui des matériaux biosourcés, par exemple – auprès de certains bureaux d’études et maîtrises d’œuvre. « Le combat a aussi été très long pour la rénovation de la gendarmerie en collectif de logements. C’est un bâtiment du XIXe siècle, donc il a fallu faire comprendre aux Bâtiments de France qu’il était bel et bien possible de réaliser une rénovation avec isolation extérieure sur un monument ancien de ce type. Nous n’avons pas abandonné et avons réussi à rester motivés notamment grâce à l’appui de réseaux comme le CLER », précise-t-il.
100 % renouvelable
Dernier projet en date de Tramayes, qui lui a valu de nombreux articles dans la presse nationale, l’atteinte de l’objectif énergie 100% renouvelable pour les bâtiments municipaux et l’éclairage public. Résultat obtenu grâce au réseau de chaleur biomasse et à l’approvisionnement en électricité verte via Enercoop. Une première du genre pour une commune française. « Les prix ont légèrement augmenté, +7 %, par rapport au fournisseur historique, mais les tarifs sont bloqués sur six ans, alors que par ailleurs, on peut penser que les prix de l’électricité vont augmenter chez les acteurs du secteur », développe le maire.
Quitte à consommer de l’électricité renouvelable, pourquoi ne pas en produire ? Si des panneaux solaires ont déjà été installés sur la salle des fêtes (pour une puissance de 18 kWc), d’autres sont en réalisation (36 kWc) sous forme d’ombrières sur le parking de l’ancienne gendarmerie, mais aussi à l’étude sur un hangar qui devrait être construit à côté de la chaufferie (36 kWc), ainsi que sur l’hôpital (36 kWc en autoconconsommation).
Si Michel Maya, désormais jeune retraité, est fier de tout ce que sa municipalité a pu accomplir, il s’emploie désormais à transmettre son intérêt et ses compétences en matière de transition énergétique à la nouvelle génération d’élus pour pouvoir passer le flambeau.
Par Claire Baudiffier, journaliste.
Michel Maya
Administrateur du CLER – Réseau pour la transition énergétique
michel.maya[arobase]ensam.eu