Climat, énergie, solidarité : les enjeux de l’élection européenne
Du 6 au 9 juin 2024, l’élection par les européens de leurs représentants au Parlement européen va influer sur la mise en œuvre d’une politique pour le climat et l'énergie équitable et solidaire dans l’Union européenne. Le point sur ces enjeux avec Camille Defard, responsable du Centre Énergie de l'Institut Jacques Delors et Anna Bajomi, spécialiste de la précarité énergétique à la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abris (FEANTSA).
Quelles sont les grandes orientations stratégiques de la politique européenne pour la période 2024-2029 ?
Camille Defard : Les enjeux de sécurité et de compétitivité étant aujourd’hui les sujets principaux, les enjeux climatiques sont désormais examinés sous cet angle. La perspective d’une éventuelle réélection de Donald Trump impose à l’Europe de se doter des moyens d’assurer sa défense. Les sujets de climat et d’énergie sont moins débattus, aussi parce que nous sommes à la fin du cycle législatif du paquet « Fit for 55 » (une série de propositions visant à réviser et à actualiser la législation de l’Union Européenne et à mettre en place de nouvelles initiatives pour veiller à ce que les politiques de l’Union Européenne soient conformes aux objectifs climatiques arrêtés par le Conseil et le Parlement européen). Des directives ambitieuses ont été votées. Il faut désormais veiller à leur mise en œuvre.
Anna Bajomi : L’agenda pour les 5 prochaines années va largement dépendre du résultat du scrutin. Les priorités seront définies par le Conseil européen, la Commission européenne et le Parlement après les élections. Il est donc difficile d’anticiper. On peut, si on regarde les tendances et orientations politiques au sein des différents États membres, s’attendre à un virage à droite, avec davantage des parlementaires anti-européens et climatosceptiques. La dynamique du Pacte vert, cet ensemble de 75 lois qui doit permettre à l’Europe de devenir le premier continent neutre en carbone au plus tard en 2050, peut ralentir. La période à venir est cruciale pour s’assurer que les actions soient à la hauteur des ambitions.
Comment s’assurer que la transition énergétique soit juste et solidaire ?
AB : Le Pacte vert demande aux États membres de veiller à protéger les ménages les plus modestes ou en situation de précarité énergétique. Cibler prioritairement aux groupes les plus vulnérables et aux habitats les plus dégradés est la meilleure stratégie possible. C’est là que le retour sur investissement est le plus net : les bénéfices d’une rénovation énergétique pour un ménage à faible revenu sont supérieurs à ceux d’une rénovation au profit d’un ménage plus aisé, en raison des effets positifs sur la santé, le travail, l’éducation, le reste à vivre… C’est aussi là que les gisements d’économie d’énergie sont les plus importants. Une transition juste et solidaire est aussi une transition plus efficace. Les politiques énergétiques, les programmes de rénovation, doivent être conçus d’abord pour les plus vulnérables.
CD : Si elles ne sont pas accompagnées, des mesures comme la fin de la vente des véhicules thermiques en 2035 ou l’accélération de la rénovation énergétique dans les bâtiments peuvent déboucher sur des mouvements sociaux. La question qui se pose est celle de la faisabilité des mesures votées. Quels moyens nous donnons-nous financièrement, humainement, techniquement pour les mettre en œuvre ? En France, les aides à la rénovation sont calibrées en fonction du revenu, mais cette pratique progressiste, assez unique en Europe, peut être améliorée. Une note récente de La Fabrique de la Cité , montre qu’avec l’accompagnement adéquat on peut multiplier par 3 à 4 le rythme de rénovations performantes des maisons dans les villes moyennes, sans peser sur le budget des ménages occupants. La société civile doit rester mobilisée sur ces questions, et faire connaître ses attentes, mais aussi ses solutions. Elle est toujours en avance sur la politique.