A Freiburg en Allemagne, une autre mobilité est possible
La ville située au sud-ouest de l’Allemagne a fait de la mobilité durable un principe dès les années 60. Forte d’une politique volontariste alliant contraintes et incitations depuis un demi-siècle, elle peut aujourd’hui se targuer d’avoir la plus faible densité automobile d’Allemagne.
Freiburg n’a pas attendu que la question environnementale occupe une bonne place des débats pour agir en faveur d’une mobilité plus durable. A contre-courant du boom de l’automobile, la ville allemande a choisi de favoriser des modes alternatifs depuis les années 60. Une démarche qui lui permet aujourd’hui d’être régulièrement citée au palmarès des villes exemplaires en matière de déplacements écologiques.
Conserver le tramway
Au milieu des années de 60, alors que les villes occidentales misent sur le développement de l’espace dévolu à la voiture, Freiburg décide de ne pas remiser son tramway au placard. Visionnaire diront certains, alors que les villes françaises ont fini par s’en doter à nouveau dans les années 2000 (au prix d’investissements parfois massifs) après l’avoir abandonné à la fin des années 50 à l’issue de plus d’un demi-siècle de service. La tendance est semblable en Allemagne. Mais Freiburg ne cède pas à cette mode qui pousse à tracer de grands axes routiers au coeur des villes entièrement dévolues à la voiture. Non seulement la ville conserve son tramway, mais en outre, elle choisit de l’étendre, pour répondre à la congestion croissante.
En 1971, elle passe un nouveau cap et vote un plan en faveur des modes doux. En 1973, elle inaugure sa zone piétonne. Nouvelle étape dans les années 80, Freiburg limite la circulation de son centre aux seuls piétons, vélos, bus et tramways. A la même période, elle instaure une limitation de la vitesse à 30 km/h dans les quartiers résidentiels. Dans les années 90, 90 % des rues de ces zones sont concernées. En 2013, la ville limite enfin la circulation en son sein aux seuls véhicules disposant d’une vignette verte (les moins polluants).
Faciliter les trajets sans voiture
Freiburg a donc progressivement déployé tout un arsenal de contraintes pour favoriser une mobilité durable. Mais dans le même temps, elle a veillé à offrir des solutions alternatives. Le réseau de tramway (4 lignes structurantes) et de bus (26 lignes) dessert finement le territoire (65 % des résidents sont à moins de 500 mètres d’un arrêt de tramway), avec des fréquences élevées. La vitesse commerciale est également bonne puisque les tramways ont systématiquement la priorité aux intersections. Résultat, alors que la ville compte 220 000 habitants, 200 000 utilisent les transports publics chaque jour.
« D’ici 2020, Freiburg se fixe pour objectifs : 28 % des déplacements en voiture, 28 % en vélo, 24 % à pied… et 20 % via les transports publics »
Côté vélo, la ville a développé un réseau de pistes cyclables conséquent. Limité à 30 kilomètres dans les années 70, il affiche aujourd’hui 420 kilomètres, dont des liaisons rapides, sans coupures ni stop pour les cyclistes. 9000 espaces de stationnement pour vélo ont également été construits. La ville n’a pas oublié les piétons et fait en sorte de faciliter leurs déplacements pour inciter à la marche. L’attente maximale pour un piéton à un croisement est par exemple fixée à 30 secondes. Enfin, la ville a mis en place des parkings relais gratuits à ses portes afin que chacun puisse laisser sa voiture. Le coût du stationnement dans le centre est en revanche très élevé.
Moins d’un tiers des déplacements en voiture
Les résultats sont clairs. Ces dix dernières années, l’utilisation des transports publics a doublé. Tout comme celle du vélo depuis les années 80. Dans les années 80, la voiture représentait 38 % des déplacements, le vélo 15 %, les transports publics 11 %. Au début des années 2000, la voiture avait déjà reculé à 32 %, tandis que le vélo gagnait 27 % des déplacements et les transports publics 18 %. Aujourd’hui, un tiers des résidents de Freiburg ne possède pas de voiture et la ville affiche la densité automobile la plus faible d’Allemagne.
D’ici 2020, Freiburg se fixe pour objectif 28 % des déplacements en voiture, 28 % en vélo, 24 % à pied, et 20 % via les transports publics. Pour y parvenir, elle continue d’étendre son réseau de transports urbains, développe le double-sens cyclable et les stationnements pour vélo et a prévu d’accroître encore sa zone piétonne qui couvre déjà 50 hectares, soit l’une des plus vastes d’Europe.
Rôle de l’urbanisme
Mais si la ville affiche des résultats aussi impressionnants, c’est aussi parce qu’elle a joué sur un autre levier que celui des transports : l’urbanisme. Et elle a renversé le système. A Freiburg, les transports publics ne s’étendent pas au fur et à mesure vers les nouveaux quartiers. Le développement urbain y est mené en fonction des lignes structurantes de transports publics déjà en place. Une philosophie unique. Dans sa démarche en faveur d’une mobilité propre, la ville peut aussi compter sur le soutien de sa population, très sensible aux questions écologiques. Freiburg est d’ailleurs le bastion des Verts allemands, qui occupent la mairie avec Dieter Salomon depuis 2002.
Par Camille Selosse, journaliste
Cet article est extrait du CLER Infos n°116
Moteurs d’une société en mouvement, les transports sont responsables d’un tiers de nos consommations d’énergie et polluent l’air que nous respirons. Pourtant, aucune législation structurante n’a permis jusqu’à aujourd’hui d’aborder le thème de la mobilité en cohérence avec l’urgence de la transition énergétique. Qu’attendre du nouveau mandat présidentiel sur ce sujet ? Comment réduire le trafic routier et diminuer les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports ? Comment convaincre les territoires d’agir pour favoriser la mobilité autrement ? Un dossier à retrouver dans le CLER Infos n°116.
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