Zoom sur la réforme du marché européen de l’électricité

En août 2022, face à la flambée des prix de l’électricité, Ursula von der Leyen, présidente de la commission européenne a annoncé une réforme structurelle du marché européen de l’électricité. Les explications et l’analyse d’Andréas Rüdinger, spécialiste des politiques publiques énergétiques et chercheur associé à l’IDDRI.

Pourquoi une réforme du marché européen de l’électricité ?

La crise énergétique a provoqué une hausse du prix du gaz. Une situation qui a abouti à une explosion de prix de gros de l’électricité sur le marché européen, les deux mécanismes étant liés (voir encadré). Plusieurs pays, dont l’Espagne, l’Italie et la France, ont alors souhaité une refonte du marché européen de l’électricité pour répondre à cette crise. Si l’on ne peut que constater les symptômes, on doit néanmoins s’interroger sur leur cause. Est-on certain que la crise soit liée à l’architecture du marché ? En août 2022, le prix de l’électricité en France dépassait les 1000 € du MWh. Une flambée deux fois supérieure à celle du MWh allemand ! Ce qui explique ce niveau de prix c’est surtout la mise à l’arrêt de la moitié des réacteurs nucléaires du parc français ! Le marché européen de l’électricité sert souvent de bouc émissaire. Sa réforme ne doit pas uniquement protéger les consommateurs d’une volatilité excessive des prix. Elle doit aussi s’attacher à relever les défis du Pacte Vert et du plan REpowerEU. Et déterminer les règles pour 2030, lorsque le mix électrique sera composé à 70% d’électricité renouvelable.

Sur quoi va-t-elle porter ?

Le 14 mars prochain, la commission présentera sa proposition de réforme. Celle-ci répondra aux attentes politiques, en confirmant les mesures déjà prises pour gérer et amortir la crise. Le plafonnement de la rente infra-marginale, c’est à dire les « superprofits » réalisés par les producteurs d’énergie lorsque le prix de marché est supérieur à leur coût de production de court terme, va être maintenu. Et le recours à des contrats de long terme sera encouragé. Ces contrats entre producteurs et acheteurs existent déjà. Ce sont les Power Purchase Agreement (PPA) et les Contrats pour différence (CFD). La nouveauté est que ces mécanismes vont désormais être intégrés au marché. L’objectif est de limiter la volatilité des prix. Les questions de fond sur l’évolution du marché pour répondre à la transition énergétique seront vraisemblablement traitées dans un second temps. Elles impliquent de passer d’un système qui valorise le kWh produit à un système qui valorise la flexibilité du côté de l’offre et de la demande. Aujourd’hui, notre problème c’est le prix trop élevé. Demain cela sera probablement l’inverse : des prix souvent très bas (corrélés aux coûts marginaux très faibles des énergies renouvelables et du nucléaire) et beaucoup plus volatils. L’enjeu sera donc de créer un système capable d’associer stabilité et flexibilité.

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Qui va bénéficier des mesures annoncées ?

La France, qui fait partie des États qui le critique le plus, a historiquement largement profité du marché européen de l’électricité. Celui-ci lui permet d’absorber son excédent de production en été et de passer sans black-out les pointes de consommation hivernale. La réforme proposée va aussi dans son sens : elle valide la prolongation des mesures de redistribution des superprofits liés aux prix de marché actuels.  Selon la Commission de régulation de l’énergie, la production d’électricité renouvelable va ainsi rapporter 31 milliards d’euros de recettes à l’État français entre 2022 et 2023. Les contrats à long terme, et notamment les CFD, représentent également un levier important pour financer le nouveau nucléaire et gérer le parc existant. Sur le plan politique, les positions françaises de régulation des marchés, de protection des consommateurs (via les tarifs réglementés) ou de relance du nucléaire sont confortées. Mais il ne faut pas se tromper sur les enjeux : en attendant que les nouveaux réacteurs soient opérationnels (2035 au mieux), l’accélération de la transition bas-carbone passera nécessairement par le développement massif des énergies renouvelables et des mesures d’efficacité et de sobriété énergétique.

Marché européen de l’électricité : comment ça marche ?

Comme l’électricité se stocke difficilement, des marchés de gros équilibrent l’offre et la demande entre les États européens largement interconnectés. Les transactions prennent place sur des marchés à terme (plusieurs mois ou années à l’avance) ou sur le marché « spot », permettant de négocier l’électricité de la veille au lendemain ou le jour même, jusqu’aux échanges en temps réel. Le prix de gros de l’électricité est déterminé en fonction du coût marginal, soit le coût du dernier mégawattheure produit par la dernière centrale mobilisée pour répondre à la demande, qui est souvent une centrale à gaz. L’augmentation du prix du gaz est d’ailleurs amplifiée sur le marché de l’électricité, puisqu’il faut 2 MWh de gaz pour produire 1 MWh d’électricité.

L’infrographie de l’Institut Jacques Delors pour tout comprendre