« Valoriser l’arbre à la ferme pour être plus autonome dans son système agricole »

Adhérent du CLER – Réseau pour la transition énergétique depuis 2012, l'Association d'initiatives locales pour l'énergie et l'environnement (Aile) est spécialiste de la valorisation énergétique et environnementale de la biomasse, matière organique issue des êtres vivants et de leur décomposition (bois, effluents, résidus végétaux...) Elle intervient aussi bien au sein d'une exploitation agricole ou d'une collectivité qu'à l'échelle régionale. Entretien avec Jacques Bernard, chargé d’étude.

Quand votre association a-t-elle été fondée et pourquoi ?

Aile est spécialisée dans la maîtrise de l’énergie et les énergies renouvelables en milieu agricole et rural. L’association a vu le jour en 1995 à l’initiative du réseau des Coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma) de l’Ouest et de l’ADEME Bretagne. Notre première activité, « le banc d’essai », a été mis en place dès l’origine pour mesurer la puissance et la consommation des tracteurs équipés d’une prise de force et ainsi favoriser la sensibilisation de la profession agricole aux économies de carburant. Ensuite, nous avons développé une activité de prospective et de vulgarisation de l’information sur la valorisation énergétique et environnementale de la biomasse, l’objectif étant d’inciter à re-considérer la biomasse pour produire une énergie locale renouvelable en substitution des énergies fossiles classiquement utilisées (fuel, gaz, électricité…).

Aile agit en traduisant des problématiques de territoire ou institutionnelles, ou issues de groupe d’acteurs locaux, et sous différentes formes : des programmes expérimentaux de recherche et développement dont l’objet est d’acquérir des références d’applicabilité et de mise en œuvre de techniques innovantes, ou encore l’animation de filière régionale et de relais locaux pour assurer la mise en œuvre et le déploiement des pratiques et leur intégration dans les territoires. L’animation du Plan Bois Energie Bretagne permet d’associer et de porter d’une même voix les valeurs de l’Ademe, du Conseil régional de Bretagne et des Départements du Finistère et d’Ille-et-Vilaine en matière d’énergie renouvelable et de transition énergétique de la profession agricole, d’autant plus que cette dernière intègre des enjeux environnementaux (qualité de l’eau et de l’air, trame verte et bleue, biodiversité…).

Quels sont les potentiels de la filière bois agricole pour la transition énergétique sur votre territoire ?

En Bretagne, moins de 5 % des éleveurs hors-sol sont équipés d’une chaudière bois déchiqueté ce qui laisse entrevoir un fort développement potentiel à court terme. Hors-mi la hausse du prix des énergies fossiles (électricité, fuel, gaz), le principal facteur déclenchant concerne l’évolution structurelle de l’exploitation agricole : agrandissement, regroupement et plus largement toute forme d’évolution du système dans une recherche d’autonomie (aliment, fertilisant, énergie) de l’exploitation, et plus largement à l’échelle du territoire.

Comment impliquez-vous les agriculteurs dans votre démarche ?

De différentes façons : Aile accompagne les agriculteurs dans l’installation de chaudière bois et les aide à développer des réseaux de chaleur à la ferme. Nous animons également des formations auprès des agriculteurs qui sont déjà équipés, en lien notamment avec les installateurs d’une marque de chaudière et si possible localement à l’échelle d’un territoire. Nous souhaitons ainsi favoriser l’inter-connaissance et initier une filière locale de production de bois déchiqueté à destination des chaufferies bois des collectivités et des industriels. L’objectif est donc également d’accompagner l’émergence de structures constituées de collectifs d’agriculteurs pour commercialiser du bois énergie. Pour cela, nous co-animons avec la fédération régionale Cuma Ouest les filières locales de l’Ouest pour accompagner la montée en compétences de la filière.

En parallèle, nous coordonnons le Réseau rural agroforestier français en Bretagne. Il sert là aussi à orienter les agriculteurs bretons ayant installé une chaudière à bois déchiqueté vers les structures de conseil adaptées : plans de gestions du bocage sur les plantations existantes, plantations nouvelles ou intra-parcellaires (taillis courte ou très courte rotation, agroforesterie, bandes boisées) et formations sur la taille des arbres existants.

Quels obstacles les agriculteurs rencontrent-ils au quotidien dans l’acquisition et le déploiement de nouvelles pratiques ?

Les élevages laitiers qui ont le moins de besoins de chaleur sont aussi ceux qui ont le plus de ressources, notamment bocagère. A contrario, les besoins de chaleur des élevages hors sol (porc, volaille, veau de boucherie) sont très importants et permettent de rentabiliser les projets bois énergie rapidement mais ces éleveurs ont rarement la ressource ou le temps de l’entretenir. Ils font donc appel à des fournisseurs extérieurs bien répartis en Bretagne. Nous cherchons des solutions pour répondre au mieux aux besoins des uns et des autres. Par exemple, nous faisons la promotion de la pratique du séchage qui est une opportunité pour augmenter les besoins de chaleur en polyculture élevage et ainsi mieux rentabiliser la chaudière bois.

Les agriculteurs doivent également faire davantage de maintenance sur leur chaudière bois quand ils en sont équipés. Mais certains outils comme un meilleur pilotage de l’installation via la pose de compteurs calorifiques lors du passage au bois, peuvent les aider. En outre, de nombreux conseillers et interlocuteurs qui gravitent autour de l’exploitation sont disponibles : des installateurs présents en Bretagne et des relais locaux compétents qui apparaissent dans certains territoires (à l’échelle du pays, d’une communauté de communes ou d’une agglomération). Animer tous ces chaînons est essentiel pour constituer une culture du bois énergie et une filière dans la région.

Publication

Cet article est extrait du CLER Infos n°119

Sur le terrain, les agriculteurs observent et subissent le dérèglement climatique. En modifiant leurs pratiques agricoles, en réduisant leur consommation d’énergie ou en produisant des énergies renouvelables, ils peuvent aussi agir pour en réduire les effets. Alors que le système agricole et alimentaire français est responsable d’un tiers de nos émissions de gaz à effet de serre, les pouvoirs publics tardent pourtant à prendre des mesures à la hauteur des enjeux. Comment encourager les pratiques agro-écologiques ? Quels projets d’énergie renouvelable favoriser ? Comment les légumineuses agissent-elles en faveur du climat ? Comment activer le levier de l’alimentation durable, main dans la main avec les collectivités locales ?

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