Loi Climat : Tribune sur la politique de rénovation énergétique

Dans une Tribune parue dans le Monde le 23 mars, le CLER-Réseau pour la transition énergétique et ses partenaires associatifs alertent sur le manque d'ambition en matière de politique de rénovation énergétique dans le projet de loi Climat et Résilience. Ensemble, ils proposent un plan, indispensable à la réussite de la transition écologique.

Tribune – Loi Climat et Résilience

« Si l’État n’organise pas activement la rénovation énergétique, elle ne se fera pas »

La rénovation énergétique de l’ensemble du parc immobilier est l’un des sujets les plus matures mis au débat à l’occasion de la loi Climat et résilience. Une large majorité de Françaises et de Français (71 % selon l’ADEME) sont en effet favorables à l’instauration d’une obligation de rénover et d’isoler lors de l’achat ou de la mise en location d’un bien immobilier. Cette proposition, ardemment portée par la convention citoyenne pour le climat, était donc toute destinée à contribuer à l’efficacité de cette loi tant attendue.
Las, le projet de loi Climat et résilience ne comportait, à son arrivée à l’Assemblée nationale, qu’un apport marginal à la politique de rénovation énergétique. Plus inquiétant encore, le gouvernement fait désormais barrage à toute initiative structurante, y compris de sa majorité, visant à insuffler une ambition nouvelle à la politique de rénovation énergétique. Il est même prêt à utiliser la loi pour dégrader la politique publique en la matière. Le gouvernement compte sur les incitations économiques et le bon vouloir des acteurs pour relancer le chantier de la rénovation énergétique à la hauteur des objectifs fixés. C’est une stratégie illusoire et inefficace, comme le montre la stagnation de ces dix dernières années. Si l’Etat n’organise pas activement la transformation de ce secteur en fixant un cap, une marche à suivre avec des règles, prévisibles et irréversibles, et des moyens, cette transformation ne se fera pas.


Proposition climaticide

D’abord, le cap. Il doit porter sur des rénovations dites « performantes », celles faisant entrer le logement dans les classes énergétiques A ou B et permettant les gains les plus significatifs sur la facture d’énergie. Il s’agit d’opérer un virage par rapport à la politique actuelle, qui, elle, concentre les aides sur des gestes isolés de rénovation (changement de chaudière, isolation partielle des combles ou des murs), alors qu’ils ne créent pas d’amélioration sensible du confort du logement, n’allègent que peu la facture, témoignant d’une utilisation inefficace de l’argent public. Le gouvernement s’y oppose, et propose que les étiquettes C voire D soient éligibles à ce qu’on appelle une rénovation « performante ». Cette proposition climaticide saboterait la politique de rénovation énergétique.
Ensuite, la marche à suivre. Il s’agit de rendre obligatoire dès 2024 et à chaque achat de maison, ou ravalement de façade d’immeuble, la réalisation de travaux de rénovation performante. Sans une telle obligation, la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France ne peut être respectée. Tout l’enjeu est d’organiser la transformation dès aujourd’hui pour ne pas mettre les citoyennes et citoyens face à un mur dans quelques années. Cette nouvelle norme est aussi un signal politique essentiel pour structurer l’offre de travaux et l’offre de financement, encore faibles. Le président de la République et la ministre déléguée au logement ont exprimé leur opposition à cette mesure pourtant indispensable, conduisant la France vers l’échec climatique et la hausse des factures.

Un cap, des normes et des moyens

Enfin, les moyens publics. Pour que le dispositif soit juste, c’est à la puissance publique qu’il revient d’accompagner techniquement et financièrement tous les ménages, à la hauteur de leurs besoins. Un accompagnement simple – une « assistance à maîtrise d’ouvrage » – doit être déclenché automatiquement lors de l’achat d’une maison, proposant à l’acquéreur une offre de travaux adaptée, des aides et prêts bonifiés en fonction du revenu du ménage et pouvant aller jusqu’à une couverture totale du coût des travaux. Pour les propriétaires modestes et très modestes, un financement public intégral doit être systématisé. Loin d’être punitive, l’obligation de travaux dotée de moyens à la hauteur devient ainsi une opportunité incontournable pour améliorer le confort et le pouvoir de vivre. Nous proposons d’ailleurs que, dans la phase de montée en puissance, la rénovation ne soit obligatoire que pour les ménages pour lesquels il est établi qu’ils en sortiront gagnants.
Un cap, des normes et des moyens pour la rénovation thermique : trois piliers indispensables à la réussite de la transition écologique. En les bâtissant, l’État retrouverait un rôle de stratège, qui assure progressivité et justice sociale. Au contraire, s’il ignore certains de ces piliers, la France continuera d’échouer à remplir ses objectifs climatiques et sociaux. La justice, le Haut Conseil pour le climat, une récente mission d’information parlementaire, tous tirent la sonnette d’alarme : le net décrochage entre les objectifs fixés et les chantiers de rénovation réalisés compromet le respect de l’accord de Paris par la France. L’échec n’étant pas une option, le gouvernement et les parlementaires qui voteront la loi « climat » doivent prendre leurs responsabilités.

Les signataires

Sandrine Buresi, coprésidente du CLER-Réseau pour la transition énergétique ; Vincent Destival, délégué général du Secours catholique-Caritas France ; Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France ; Alain Grandjean, président de la Fondation Nicolas Hulot ; Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France ; Philippe Quirion, président de Réseau Action Climat France ; Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre ; Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement.

Retrouvez la Tribune sur le Monde