En Pays de la Loire, moins de « moi » et plus de « nous » pour la transition

Le programme partenarial d’action recherche « Transition énergétique et sociétale » (TES), porté par une trentaine d'organisations en Pays de la Loire (associations, collectivités, entreprises, Etat) a été lancé en mai 2015. Son objectif : favoriser sur le territoire la mobilisation de la société civile pour la transition énergétique. En associant les compétences d’acteurs du territoire et de chercheurs, la démarche vise à explorer les conditions d’émergence et de développement des projets collectifs (des entreprises, des agriculteurs ou des habitants). Avec l’hypothèse qu’ils s’articulent aux politiques publiques territoriales, dans l’optique de faire évoluer nos modes de vie.

Rencontre avec Samuel Aubin, coordinateur du programme.

Comment ce programme a-t-il été constitué ?

En 2012 et 2013, le Conseil régional et l’Etat ont mené « les états régionaux de l’énergie », déclinaison du débat national sur la transition énergétique en Pays de la Loire. Dans ce cadre, l’Ecole des Mines de Nantes (désormais IMT Atlantique) a coordonné, avec environ 30 partenaires, une première recherche-action sur les questions sociales de la transition énergétique. En tout 90 débats ont eu lieu, auxquels environ 2700 personnes ont participé, donnant lieu à des préconisations citoyennes.

Au cours de ces échanges, les citoyens ont énoncé que, pour eux, la transition énergétique n’était pas seulement une question technique et financière mais représentait un véritable projet de société auquel ils devaient être associés. Ils ont ainsi posé la question cruciale de la gouvernance. Beaucoup de participants ont aussi exprimé leur préoccupation de passer des discours à l’action, mais sans vraiment savoir comment. C’est ainsi que le programme TES a été mis sur pied par un collectif d’acteurs régionaux : pour mettre en actes ce nécessaire « faire ensemble ».

Comment cela fonctionne-t-il ?

Au fond, il s’agit d’un projet politique, c’est-à-dire « d’une mise en commun du projet de transition énergétique ». Face au climat actuel de désenchantement et de déstabilisation démocratique et alors que le changement climatique – pour ne parler que de cela – s’emballe, l’engagement des acteurs dans le programme signale leur refus de se résigner à l’impuissance. Ce programme correspond au choix collectif d’une trajectoire d’approfondissement démocratique, mais il y a urgence.

« On essaie de comprendre comment les collectifs se constituent à un moment donné autour d’un projet »

La question de la coopération est ici cruciale. Concrètement, le collectif des acteurs mène depuis trois ans un travail d’enquête sur des projets collectifs portés par des entreprises en zones d’activités, des agriculteurs sur la méthanisation ou des habitants en matière d’énergie renouvelable. Au-delà des spécificités, un certain nombre d’invariants émergent et permettent de comprendre comment les collectifs, les « nous » se constituent à un moment donné autour des projets. Ainsi, l’engagement progressif des acteurs conjugue, avec des étapes, une logique d’intérêt et une logique d’interconnaissance, de proximité relationnelle.

Le rôle du leadership est également important. Et puis, ce sont aussi toujours des projets de territoire. Nous engageons la deuxième phase du programme avec plusieurs communautés de communes partenaires qui sont volontaires pour expérimenter, bouger les lignes. Nous souhaitons pousser ensemble des innovations sur l’articulation entre les dynamiques collectives des projets portés par des acteurs de terrain et les politiques publiques.

Quelle est votre hypothèse de départ ?

En point de départ, il nous a semblé qu’il fallait envisager la transition et les changements de pratiques de façon systémique en prenant en compte le « mode de vie ». Notre hypothèse est alors qu’il faut territorialiser les transitions à engager et construire des alliances nouvelles entre acteurs publics, acteurs privés et acteurs du monde associatif. Il faut tester le co-portage des projets, en ré-imaginant le rôle des uns et des autres.

« Des changements de posture sont nécessaires de la part des uns et des autres »

En juillet, trois journées de rencontre internationale francophone organisées à Nantes ont rassemblé une centaine d’acteurs locaux ainsi que des chercheurs belges, français, québécois et suisses. Des propositions très intéressantes, et qui sont à expérimenter, sont ressorties. Elles constituent me semble-t-il des briques pour des stratégies territoriales concrètes. Comme travailler à partir des initiatives existantes sur le territoire et organiser le repérage des porteurs de projets, leur proposer des parcours de formation, constituer des lieux-tiers sur les territoires, faire évoluer les conditions d’attribution et les critères d’évaluation des aides financières. Vous voyez, tout cela participe d’une même logique de montée en capacité collective des acteurs.

Alors selon vous, cette « implication citoyenne », est-elle à portée de mains ?

Il faut toujours rester humble, mais nos premières expériences nous montrent déjà que oui, c’est possible ! Si des citoyens sont à l’origine d’un projet dès son démarrage, ils resteront plus impliqués durant son développement. Néanmoins, il y a un changement culturel très important à opérer. Des changements de posture, sont nécessaires de la part des uns et des autres : du côté des acteurs publics, les élus sont parfois jaloux de leurs prérogatives. Ils pensent être les seuls porteurs de l’intérêt général face à des citoyens porteurs d’intérêts particuliers. Du côté des citoyens, on se construit souvent contre l’acteur public – ou avec le sentiment qu’on ne peut pas compter sur lui. En somme, il faut un peu moins de « moi-je » et un peu plus de « nous »… Nous avons trois ans pour continuer à expérimenter cette coopération réelle, qui doit s’intégrer à une stratégie plus globale de territoire. La dynamique est enclenchée !

Comment fonctionne le programme du point de vue des partenaires ?

Le collectif des acteurs est justement un espace « tiers », à une certaine distance des fonctionnements institutionnels. On peut y apprendre à changer de casquettes, à s’essayer à des paroles plus personnelles, avoir moins peur des autres, et arriver à articuler nos positions d’acteurs porteurs d’une mission dans une organisation, avec qui nous sommes, nos affects. Nous avons tous à trouver les ressources individuelles et collectives pour continuer à avancer malgré les menaces qui s’amoncellent…

Concrètement, chaque participant donne du temps pour suivre les projets des territoires expérimentaux. L’’engagement est également financier pour certains mais il n’y a pas, comme classiquement, un commanditaire qui dirige et attend les résultats… La transition énergétique et sociétale est notre affaire à tous et ce programme sera ce que nous en ferons collectivement.

En savoir plus sur www.imt-atlantique.fr

Publication

Cet article est extrait du CLER Infos n°120

Pendant longtemps, l’énergie était le pré-carré des ingénieurs, et de débats, il n’y en avait point. Finie, cette confiscation des enjeux énergétiques ! Face aux menaces des changements climatiques sur notre environnement, nous sommes tous des acteurs de la transition. Pour diminuer nos consommations d’énergie et produire des énergies renouvelables, il faut « agir », le faire vite, mais surtout ensemble. En un mot : coopérer. Mais sensibiliser et mobiliser sont des missions qui relèvent d’une délicate science humaine et requièrent du travail sur soi et de l’humilité. Comment ça marche ? C’est LA question que nous nous posons tous ! Voici quelques pistes et expérimentations venues des territoires.

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