Sobriété et IA sont-elles compatibles ?

À l’heure du boom de l’intelligence artificielle, la réduction de son impact écologique constitue un défi majeur. Pour Vincent Courboulay, maître de conférences en informatique à la Rochelle Université et co-créateur de l’Institut du Numérique Responsable, il faut penser un modèle de société qui intègre l’IA et imaginer des modèles moins énergivores.

Quels sont les impacts environnementaux liés à l’essor de l’IA ?

Vincent Courboulay : Comme toute technologie déployée à l’échelle mondiale qui s’appuie sur des ressources matérielles, l’IA menace le concept de sobriété. Un data center se construit et se peuple de tout un écosystème de milliers d’ordinateurs, de serveurs qu’il faut fabriquer. En amont, on va faire de l’extraction de ressources minières, du transport. Tout cela représente beaucoup de matériels, d’eau, d’émission de gaz à effet de serre. Pour faire tourner toute cette puissance de calcul, il faut de l’énergie. Pour utiliser la quintessence pendant 10 secondes, il faut des heures d’entrainement sur des téraoctets, sur des clusters de machines. C’est une empreinte carbone lourde pour une espérance de vie courte car dans quelques années, il faudra renouveler le parc de machines des data centers.

Il faut aussi beaucoup d’eau pour refroidir ces machines…

VC : Certains fonctionnements nécessitent très peu d’eau parce qu’ils sont basés sur de l’électricité. D’autres data centers sont basés sur des technologies qui utilisent de l’eau pulvérisée sous forme de fines gouttelettes qui vont emporter des calories. On voit aussi se déployer des technologies d’utilisation de l’eau en cycle fermé. Mais pour générer de l’électricité, il faut prendre de l’eau, et cette captation a des limites. La ressource doit aussi être répartie pour différents usages (agriculture, process industriels existants, usages quotidiens des citoyens).

Que représente l’empreinte environnementale de l’IA ? Son empreinte carbone ?

VC : La demande électrique liée à l’IA dans le monde devrait doubler d’ici à 2030. Les chiffres changent tous les six mois car chaque semaine, de nouveaux opérateurs arrivent sur le marché, des data centers ouvrent, de nouveaux modèles d’IA et usages apparaissent. Cela signifie bien sûr une augmentation de l’empreinte carbone de l’IA. Selon l’Agence internationale de l’énergie, en 2026, l’IA pourrait représenter environ 0,9% des émissions mondiales et les centres de données environ 2% contre 0,6% en 2020. Beaucoup de personnes travaillent sur des modèles moins gourmands. Il y a un vrai enjeu à diminuer la quantité de matériels et l’énergie utilisés.

Des applications de l’IA peuvent-elles être mises au service de la transition énergétique et de la sobriété ?

VC : Bien sûr. L’IA est un docteur qui peut soigner énormément de secteurs d’activité, y compris celui de la transition énergétique. L’IA peut accompagner les usages, le déploiement de l’énergie, définir de nouvelles formes d’éoliennes et nouveaux process de fabrication. Son travers est qu’elle est vorace en énergie, gourmande en matériaux, émettrice de gaz à effet de serre, assoiffée d’eau. C’est cette double face qui rend le sujet si problématique. Aujourd’hui, on aura du mal à se passer de l’IA mais il faut inventer un modèle de société et d’usage qui va avec. Est-ce qu’on est capable de quantifier le bénéfice / risque d’une IA pour notre société ? Pour l’instant personne ne le sait. On ne va pas pouvoir faire une IA à partir de bois renouvelable, en revanche l’usage qu’on en fait peut être rallongé, apaisé, limité et il peut y avoir des choix de construction responsables.

«Beaucoup de personnes travaillent sur des modèles moins gourmands. Il y a un vrai enjeu à diminuer la quantité de matériels et l’énergie utilisés.»

Vincent Courboulayco-créateur de l’Institut du Numérique Responsable

Retrouvez le replay du webinaire du Réseau Sobriété