La sobriété énergétique doit être une politique publique structurante

L’hiver dernier, les Français ont réduit leur consommation électrique sous la pression des prix élevés et du plan de sobriété du Gouvernement. Cette dynamique peut-elle perdurer sans la mise en place d’une véritable politique de sobriété à long terme ? Le point de vue de Caroline Lejeune, docteure en sociologie politique environnementale et directrice de la Fondation Zoein.

Vous appelez à différentier sobriété énergétique et économies d’énergie. Que voulez-vous dire ?

La sobriété énergétique est en effet souvent confondue avec les économies d’énergies que permettrait un meilleur usage des systèmes techniques. C’est le cas du plan de sobriété énergétique, qui mise essentiellement sur les écogestes et la sensibilisation à des pratiques moins énergivores : éclairage des bâtiments, diagnostic de performance énergétique, réduction de la température du chauffage dans les bâtiments et les logements, etc. Ces recommandations sont essentielles, mais ne permettent pas d’aborder la sobriété énergétique comme une politique publique structurante en matière d’énergie. Elles risquent aussi d’initier de la confusion auprès des acteurs publics et privés sur les efforts à réaliser. La sobriété repose sur de nouvelles formes d’organisations sociales et économiques, de nouveaux modes de production et d’économie soutenables à l’échelle des territoires.

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Face à l’urgence de mettre en place des mesures de sobriété, peut-on demander les mêmes efforts à tout le monde ?

L’empreinte carbone est corrélée au niveau de revenus. Les personnes à haut revenu ont une empreinte carbone supérieure. Inversement, les personnes en situation de précarité sont les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre et les plus modérées dans la consommation des ressources. Ces dernières supportent aussi davantage le poids que représentent les efforts à réaliser pour maintenir des conditions d’existence digne et le coût de la transition. Ainsi, le cumul d’inégalités sociales, économiques, écologiques et territoriales accroît la vulnérabilité des plus précaires et d’autant plus dans un contexte d’urgence écologique. Les liens entre la justice sociale et la sobriété réclament donc un questionnement sur les efforts de répartition dans la réduction de la consommation en énergie.

Quelles sont les pistes explorées par la Fondation Zoein pour mettre en œuvre une véritable équité dans une politique de sobriété à long terme ?

Le dernier rapport du club de Rome intitulé la « Terre pour tous » indique la nécessité de tendre vers un scénario « Pas de géant » pour tendre vers une économie du « bien-être ». L’un des messages est que le recul des inégalités est un levier prioritaire pour l’atténuation du dérèglement climatique et l’adaptation à ses conséquences.

La Fondation Zoein en Suisse et l’Association Zoein en France , y concourent pleinement.

Les expérimentations de Revenu de Transition Écologique (conceptualisé par Sophie Swaton, économiste et philosophe) dans lesquelles nous sommes engagées avec des collectifs d’acteurs de la société civile, des acteurs publics et des chercheurs embarqués visent à inventer des modèles socio-économiques, démocratiques et de territoires sobres, justes et résilients.