Rénovation énergétique : « un travail quotidien » pour les copropriétaires

A Montreuil, un immeuble des années 70 est parmi les premiers à avoir connu une rénovation énergétique globale en copropriété. Le projet a démarré en 2011. Les travaux se sont achevés en avril dernier. Entre temps, le conseil syndical a travaillé sans relâche.

Les volets roulants à demi baissés, Comtesse et Jacques Moysé ont fait de leur salon un refuge contre la canicule. « Un an plus tôt, rester dans cette pièce aurait été intenable », commente la propriétaire de ce T3 niché au coeur de Montreuil (Seine-Saint-Denis). En cette matinée d’août, le thermomètre posé au soleil sur sa terrasse indique 51 °C. La température intérieure, elle, plafonne à 26°C. « Avant les travaux, nous aurions déjà dépassé de loin les 30°C, reprend-elle. A l’inverse, l’hiver nous atteignions difficilement 17 °C ». Conscient de vivre dans une passoire thermique, ce couple de retraités s’était livré à une petite expérience : « En traversant la pièce dans sa largeur, de la baie vitrée au mur de la cuisine, le thermomètre gagnait 2°C », s’étonne encore Jacques Moysé.

Audit énergétique

Cette époque, celle où le mouvement continu des rideaux derrière les fenêtres fermées témoignait des courants d’air, appartient désormais au passé. En un an, les murs de cet immeuble construit en 1973 ont gagné 12 centimètres d’épaisseur avec une isolation en polystyrène par l’extérieur. Le plancher bas qui sépare les sous-sols des premiers appartements a été isolé avec 11 centimètres de laine minérale. Toutes les fenêtres antérieures à 2004 ont été changées, les menuiseries et volets roulants remplacés. Dans la foulée, l’immeuble a été équipé d’une nouvelle VMC. Ajoutée à l’installation de deux chaudières thermiques en 2008, cette rénovation globale doit permettre aux 53 copropriétaires de réduire d’au moins 50 % leur consommation de chauffage. Jacques Moysé, à l’époque président du conseil syndical, et son épouse ont été les chevilles ouvrières du projet.

« L’audit architectural et thermique a permis aux résidents de prendre conscience que leurs radiateurs chauffaient l’extérieur. »

« Tout a commencé en 2011. Les derniers travaux sur la façade remontaient à 1987, le ravalement était urgent », se souvient-il. Une nouvelle obligation légale transforme cette contrainte en opportunité. « On était juste après le Grenelle de l’environnement, un décret imposant aux copropriétés de plus de 50 lots un audit énergétique avant 2017 venait d’être publié », embraie son épouse. « Puisque l’audit comme les travaux étaient incontournables, c’était l’occasion ! » Epaulés par l’Association des responsables de copropriétés (ARC), le couple se tourne aussi vers MVE (Maitrisez votre énergie), l’agence locale de l’énergie. Sur les conseils de ces structures, un architecte, un technicien et un ingénieur financier réalisent en 2013 un audit architectural et thermique, version pointue de l’audit énergétique. « C’était une bonne chose, estime Comtesse Moysé. Les résidents ont pris conscience que leurs radiateurs chauffaient l’extérieur. »

Aides financières

Pour y remédier, un ambitieux « bouquet de travaux » est envisagé. Reste à convaincre les 52 autres copropriétaires de partager une facture de 1,1 millions  d’euros. Ramené à un appartement, le coût moyen s’élève à 18 555 euros, oscillant entre 10 000 pour les studios et 36 000 pour les T4. « Le plus délicat, c’était avec les primo-accédants, les jeunes qui se sont serrés la ceinture pour acheter et à qui les vendeurs s’étaient bien gardés de parler des travaux », se souvient-elle.

Commence alors la chasse aux aides financières. La TVA à 5,5 % est un premier argument. Et, avec une baisse de plus de 25 % de la consommation en ligne de mire, les propriétaires occupants aux revenus modestes peuvent prétendre aux aides de l’Agence nationale pour l’habitat (Anah). « Sauf qu’il faut avancer l’argent », précise Comtesse Moysé. Certains sont contraints d’emprunter. Auprès des banques, ils font valoir leur droit à l’éco-prêt à taux zéro.

« La plupart des copropriétés s’engagent dans des travaux partiels, moins onéreux. »

A ce stade du projet, le devis est provisoire, l’obtention des aides encore hypothétique. « On devait faire adhérer les gens à partir d’une simple estimation, il fallait surtout établir un climat de confiance », se souvient-elle. Des dizaines de compte-rendus et trois réunions d’informations plus tard, le projet est voté à l’unanimité lors d’une AG extraordinaire en janvier 2015. « L’unanimité, c’est du jamais vu ! », souligne Pascal Brunon, chargé de mission copropriétés au sein du MEV.

Appels d’offre

Sur les 300 projets qu’il suit, deux seulement sont d’une ampleur équivalente au chantier de la rue Gaston Lauriau. « La plupart des copropriétés s’engagent dans des travaux partiels, moins onéreux », constate-t-il. La franche adhésion qui fait la singularité du projet montreuillois s’explique, entre autres, par le nombre d’occupants propriétaires : 37 contre 16 appartements en location. « Les arguments de confort et d’économies ont pesé, souligne Comtesse Moysé. Même si l’augmentation de la valeur du bien reste la première motivation. »

Une fois le vote remporté, vient le moment des appels d’offre. Des contrats sont passés avec des entreprises labellisées RGE (reconnu garant de l’environnement). Pionnière, la copropriété candidate à un appel à projets lancé par l’Ademe. En visant un passage de 200kWh ep. m2/an à 94 kWh ep. m2/an, soit une ascension de E à C sur l’échelle multicolore des bâtiments énergivores, le projet remporte le titre de Lauréat du concours « Copro durable » avec à la clé 150 000 euros de la Région Ile-de-France et 37 000 euros de l’Ademe. La part des aides et subventions grimpe à 33,3 % de l’investissement total.

Sans compter le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). Sur les 28 000 déboursés par le foyer Moysé, le CITE couvre 1200 euros. « Ce qui laisse une somme importante à notre charge », note Comtesse Moysé. Leur principal investissement n’est cependant pas financier : « Heureusement que nous étions à la retraite, précise-t-elle, c’est un travail quotidien ». Et de longue haleine. L’Ademe estime que pour un tel projet le « délais moyen est plutôt de 4 à 5 ans ». Son aboutissement requiert plusieurs conditions : « un bon audit, un bon syndic, des propriétaires bons payeurs et un conseil syndical moteur », énumère Pascal Brunon. En plus d’être moteurs, les protagonistes de Montreuil étaient bien armés. « Mon mari était ingénieur, je travaillais au ministère des Finances, reconnaît Comtesse Moysé. Nos compétences étaient complémentaires, sans ça je ne sais pas si on y serait arrivé. »

L’auteur de cet article est Amélie Mougey, journaliste.

Publication

Cet article est extrait du CLER Infos n°112 (Septembre 2016)

Chaque jour, ils éteint sa lumière, baisse son radiateur, délaisse sa voiture ou paie sa facture énergétique. Qui ? Le « consommateur ». Lui, c’est nous, nous tous qui dépensons ou économisons l’énergie au quotidien. Cadre technique et financements adaptés, informations et prestations de qualité… pour nous permettre d’agir en « consomm’acteurs » avertis, de quoi avons-nous besoin ? Un dossier à retrouver dans le CLER Infos n°112.

Consulter la publication
Commandez ce numéro ou abonnez-vous