Régulation du marché de l’électricité : qui sont les gagnants ?

Le 14 novembre 2023, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, présentait un accord conclu entre l’État et EDF sur la nouvelle régulation du marché français de l’électricité. Décryptage avec Hélène Gassin, directrice générale de GP conseil, consultante en stratégies territoriales dans le secteur de l’énergie, adhérent du CLER-Réseau pour la transition énergétique.

Sur quoi porte l’accord conclu entre le Gouvernement et EDF ?

Héléne Gassin : Il s’agit d’un accord sur le prix de vente moyen de l’électricité d’origine nucléaire produite par EDF, désormais fixé « autour de 70 € par mégawattheure (MWh) ». Cet accord est présenté comme prenant le relai du mécanisme d’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) qui prend fin en 2025 et obligeait EDF a vendre une partie de sa production (100 TWh/an, soit environ un tiers de la production) à un prix de 42€/MWh. L’accord prévoit que si le prix moyen dépasse 78 à 80 €/MWh, l’État taxe les revenus d’EDF à 50% et jusqu’à 90% en cas de vente à un prix supérieur à 110€/MWh.

Quelles sont les implications pour les consommateurs, particuliers ou entreprises ?

H.G. : Bruno Le Maire a présenté cet accord comme offrant une « protection permanente du consommateur sur les prix de l’électricité » et «de la visibilité aux entreprises ». Cette communication est en décalage avec l’accord présenté. Rien dans cet accord ne protège les consommateurs ou ne rassure les entreprises. Il y a davantage de flou que de visibilité. Cet accord n’est profitable qu’à ses deux signataires : l’État et EDF. Le premier, parce que si le prix de l’électricité baisse, il ne doit pas compenser le producteur, mais le taxe quand le prix augmente. Le second, parce que sa liberté est totale : c’est à EDF de faire la moyenne de ses ventes (à qui, sur quel marché ?) et de déterminer ainsi son niveau de taxation. L’État indique qu’en cas de trop perçu, les taxes seront redistribuées aux consommateurs mais il n’indique pas comment. Tout ce que l’on sait c’est que cette redistribution se fera après coup. D’abord on facture, ensuite on compte, puis éventuellement on rembourse. On n’est pas vraiment dans une logique de protection… Les associations de consommateurs, les professionnels, les collectivités ne sont pas dupes et demandent des éclaircissements. Aujourd’hui, personne ne sait combien il paiera son électricité en 2026.

Quels sont les impacts sur la transition énergétique ?

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H.G: Là aussi c’est difficile à dire. Avec un niveau de prix autour de 78-80 € (le niveau à partir duquel on commence à taxer), le prix de l’électricité nucléaire se retrouve au niveau du prix de vente de l’éolien ou des grandes centrales photovoltaïques. Mais il est difficile de savoir si cela va encourager les industriels à diversifier leurs approvisionnements. Ce que l’on sait, c’est qu’alors même que l’électrification des usages va augmenter, avec cet accord, les prix de l’électricité ne vont pas diminuer. On ignore cependant totalement de combien ils vont augmenter. Cet accord ressemble plus à un arrangement entre l’État et son entreprise qu’à la structuration du système électrique français. C’est loin d’être terminé : le Gouvernement a annoncé vouloir consulter largement, et les parlementaires devront se prononcer puisque ce mécanisme figurera dans la loi de Programmation Energie-climat.