Programmation énergie-climat : quelle cohérence entre objectifs et moyens ?
Le projet de loi de finances 2025 prévoit d’importantes coupes budgétaires sur le logement et les territoires, deux secteurs indispensables à la transition écologique et énergétique. Dans le même temps, le gouvernement soumet en concertation sa feuille de route énergie-climat : Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) et Stratégie nationale Bas Carbone (SNBC). Dans ce contexte, le réseau Cler souligne le besoin de cohérence entre les objectifs affichés et les moyens alloués en matière de rénovation énergétique et d’énergies renouvelables.
Rénovation énergétique des bâtiments : une ambition laissée en suspens
Des objectifs ambitieux
La France affiche dans sa nouvelle Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), sa feuille de route énergie-climat, vouloir effectuer 600 000 rénovations d’ampleur par an en moyenne d’ici à 2030, soit 400 000 maisons individuelles et 200 000 copropriétés rénovées avec un gain de deux classes énergétiques au minimum. Bien que la performance énergétique ciblée pour ces rénovations soit encore éloignée du niveau Bâtiment Basse Consommation (BBC) requis d’ici 2050, cet objectif va dans le bon sens. En effet, la rénovation énergétique des passoires thermiques est le seul levier pour baisser les consommations d’énergie, les factures de gaz et d’électricité des ménages, les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre la précarité énergétique.
Des moyens sous estimés
Dans le même temps, le projet de loi de finances 2025 du gouvernement pourrait mettre à mal les leviers de financement pour atteindre les objectifs de la feuille de route énergie-climat : baisse d’1,9 milliard du budget MaPrimeRénov’ et réduction d’1,5 milliard sur le Fonds Vert à destination des collectivités locales sont prévues par rapport à 2024. Les collectivités risquent de faire des arbitrages au détriment de la rénovation énergétique des bâtiments publics et de l’accompagnement des ménages dans le projet de rénovation énergétique de leur logement.
Ce manque de stabilité et de visibilité budgétaire s’ajoutent à l’absence d’un cadre réglementaire contraignant et une politique de stop and go rendant l’objectif de rénovation énergétique d’ampleur inatteignable. En 2024, le gouvernement avait engagé une réforme positive de MaPrimeRénov’ mais a fait marche arrière quelques semaines seulement après son entrée en vigueur. Ce rétropédalage a réintroduit le financement de mono-geste (travaux isolés) dans les passoires énergétiques alors qu’il est démontré qu’ils sont inefficaces. Aides ciblées, performance et accompagnement sont les leviers à actionner pour mettre un terme à la précarité énergétique !
Les propositions du réseau Cler
- Maintenir le budget alloué à l’Anah dans le projet de loi de finances pour 2024 – soit 4 milliards d’euros – tout en continuant à réorienter le système d’aides vers les rénovations performantes, dans la continuité de la réforme de MaPrimeRénov’ de début 2024.
- Garantir des moyens financiers et humains suffisants pour les structures de conseils et d’accompagnement déjà à l’œuvre sur le terrain afin de maintenir un service public de la rénovation de l’habitat de qualité.
- Passer d’une logique d’incitation à une logique d’obligation lors de la mutation des maisons individuelles et des bâtiments collectifs, des ravalements de façade, de la raréfaction des toitures et pour les logements sociaux.
Énergies renouvelables : à quand l’accélération ?
Un manque d’ambition affiché
Le plan énergie-climat de la France présenté mi-2024 à l’Union européenne ne traduit pas de volonté politique affirmée sur le développement des énergies renouvelables (EnR). L’objectif d’énergies renouvelables dans la consommation finale de la France en 2030 est seulement de 35% contre 44% recommandé par la Commission européenne. Cet écart illustre le manque d’ambition de la loi « d’accélération » des énergies renouvelables de 2023, qui n’en a que le nom.
De plus, l’objectif d’EnR est en réalité noyé dans un objectif global d’”énergies décarbonées” contraire à la directive sur les énergies renouvelables. La France a même retiré toute ambition en matière de communautés énergétiques en ne faisant plus mention ni de moyens ni d’objectifs. Renforcer la participation des citoyens dans les projets d’énergie renouvelable est pourtant un levier incontournable de leur bon développement !
Les énergies renouvelables : une chance pour les territoires
Les associations d’élus estiment à 10 milliards la perte engendrée par le projet de loi de finances 2025 pour les collectivités locales. Avec la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, elles sont en première ligne pour définir des zones d’accélération des énergies renouvelables et développer des projets sur leur territoire. Mais sans moyen humain et financier, cette accélération risque de ne pas voir le jour.
Pourtant, les énergies renouvelables sont un levier indispensable pour générer des retombées économiques sur les territoires et gommer la fracture territoriale, bâtir notre indépendance énergétique, sortir des énergies fossiles et réduire les gaz à effet de serre. Au sein du réseau des Territoires à énergie positive, des collectivités utilisent l’argent généré par les projets d’énergies renouvelables pour financer la rénovation énergétique des bâtiments publics et des actions de lutte contre la précarité énergétique.
Les propositions du réseau Cler
- Réhausser fortement l’objectif français de consommation d’énergies renouvelables à 2030, en cohérence avec la recommandation de la Commission européenne.
- Garantir la stabilité du Fonds Chaleur, alors que des coupes de 35% sont envisagées en 2025, pour ne pas stopper la dynamique de développement des projets de chaleur renouvelable par les collectivités territoriales.
- Soutenir financièrement le développement des projets d’énergies renouvelables à gouvernance locale (communautés énergétiques, projets citoyens…), afin d’atteindre 1 nouveau projet porté par une communauté énergétique par EPCI de plus de 10 000 habitants d’ici 2030.