Précarité énergétique : un décret «décence» totalement indécent
En renforçant les critères de décence d’un logement du point de vue de sa performance thermique, la loi de transition énergétique promettait d’améliorer la vie de milliers de locataires, notamment les plus modestes particulièrement exposés à la précarité énergétique. Le décret paru le 6 juin est une immense déception. Ce texte d’une grande vacuité n’empêchera en rien la location de passoires énergétiques à l’avenir.
Dossier de presse sur le décret « décence »
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Une des principales avancées de la loi de transition énergétique, adoptée l’an dernier, est menacée de détricotage. Son article 12 prévoyait en effet d’instaurer « un critère de performance thermique minimale » pour tout logement en location : enfin, les bailleurs ne pourraient plus louer des passoires thermiques et seraient, d’ici quelques années, amenés à engager des travaux d’économie d’énergie. C’est la vie quotidienne de centaines de milliers de locataires, notamment les plus modestes particulièrement exposés à la précarité énergétique, qui pourrait changer. C’est dire si le décret d’application était attendu depuis près d’un an !
Hélas, le décret d’une grande vacuité présenté par le gouvernement hier devant le Conseil national de l’habitat, sans la moindre concertation préalable, est en totale contradiction avec cette ambition. Au lieu de définir une performance minimale progressant dans le temps, il s’en remet à six critères qualitatifs, relatifs à l’état des moyens de chauffage, des murs, portes et fenêtres et de la ventilation. Trois sont à respecter à partir de 2020, six après 2025. Ces critères sont passablement flous (vitrages « en bon état », « étanchéité à l’air correcte », « pas d’excès d’humidité »…) et en tout état de cause bien peu ambitieux (étanchéité des murs, fenêtres sans trous, présence d’un appareil de chauffage « en bon état de fonctionnement » …).
L’article de loi était pourtant limpide : ce « décret » devait définir « le critère de performance énergétique à respecter » pour qu’un logement loué soit considéré comme décent. Le législateur avait donc souhaité un décret d’application sans équivoque, avec un niveau de performance énergétique chiffré, simple et explicite, exprimé en kWh / m2 / an, à la manière des diagnostics de performance énergétique (DPE) obligatoires pour toute mise en location.
C’est la vie quotidienne de centaines de milliers de locataires, notamment les plus modestes particulièrement exposés à la précarité énergétique, qui pourrait changer.
La vertu attendue de ce texte, pour les professionnels, les particuliers et les collectivités, est avant tout pédagogique : l’idée n’est pas de créer du contentieux, mais bien de donner un cap clair aux bailleurs afin qu’ils puissent programmer les travaux nécessaires pour fournir un logement confortable et donc chauffable, à un coût abordable à leurs locataires. Or, avec un tel décret flou et imprécis, chacun des six critères pourra être contesté en cas de procédure juridique.
Nous alertons donc les parlementaires sur le détournement de l’esprit de la loi de transition énergétique qu’ils ont adoptée et demandons aux ministères concernés la réécriture complète du texte.
Marie Moisan
Responsable de projets Précarité énergétique
marie.moisan@cler.org