Pour le Conseil d’Etat, une passoire énergétique restera un logement décent
Le 20 décembre 2018, le Conseil d’Etat a tranché : le recours porté par plusieurs associations (dont le CLER) pour annuler le décret « décence » a été rejeté. Ce décret qui décrit les conditions de décence d’un logement mis en location n’impose aucun niveau minimum de performance énergétique. Mal isolée, froide, impossible à chauffer… une passoire énergétique est à ce jour « décente » au regard de la loi. Et c’est tant pis pour les locataires !
Après avoir adressé au Premier ministre, en mai 2017, un recours gracieux resté sans réponse, le CLER – Réseau pour la transition énergétique, la Fondation Abbé Pierre, France Nature Environnement et l’UFC Que Choisir ont déposé une requête en annulation du décret relatif aux caractéristiques d’un logement décent au Conseil d’Etat en octobre 2017.
Pris en application de l’article 12 de la loi du 17 août 2015 dite « de transition énergétique », afin de protéger les locataires les plus défavorisés, ce décret n°2017-312 de mars 2017 devait définir « le critère de performance énergétique minimale à respecter » pour qu’un logement mis en location soit considéré comme décent. De même, il devait fixer un calendrier de mise en œuvre échelonnée, garantissant une amélioration graduelle des logements visés.
« Il est urgent de ré-écrire le décret décence afin qu’il permette enfin d’améliorer la situation des locataires qui sont les premiers à souffrir de précarité énergétique. »
Or, détournant l’esprit et l’ambition de la loi, le décret se contente d’énumérer une série de caractéristiques floue portant sur les infiltrations d’air parasites ou la ventilation du logement, sans cibler et encore moins imposer un niveau de performance énergétique minimal – à l’instar des 330 kWh/m2.an prévus, par exemple, par le décret du 26 décembre 2014 relatif aux logements sociaux mis en vente. De même, le calendrier tel qu’il est fixé n’apporte aucune garantie d’amélioration dans le temps, ce que semblait reconnaître le rapporteur du Conseil d’Etat lors de l’audience publique du 3 décembre.
Protéger les plus défavorisés
Le décret de mars 2017 restera donc encore longtemps impuissant à mettre les logements mis en location sur la voie de la performance énergétique – les propriétaires n’étant pas incités à réaliser des travaux. En effet, il leur est impossible de déterminer si ces travaux seront de nature à rendre leur bien conforme à la loi. Le décret « décence » ne protègera pas non plus les locataires les plus défavorisés contre les factures exorbitantes et les risques importants qu’un logement mal isolé et mal chauffé fait peser sur leur santé.
A l’heure où la rénovation des passoires énergétiques semble être une solution présentée par l’Etat pour répondre à la grogne sociale et au défi des changements climatiques, cette décision du Conseil d’Etat est illogique et montre une fois de plus le fossé entre les efforts de communication du gouvernement et la réalité réglementaire. Pour Sandrine Buresi, co-présidente du CLER – Réseau pour la transition énergétique : « Cette décision est une déception. Il est urgent de ré-écrire le décret décence afin qu’il permette enfin d’améliorer la situation des locataires qui sont les premiers à souffrir de précarité énergétique, et ne disposent d’aucun levier d’action pour améliorer leur situation. En 2019, ne pas prendre en compte la performance énergétique des logements dans leur décence est incompréhensible et ne va pas dans le sens de l’histoire. »