Mon accompagnateur Rénov’ : des inquiétudes persistent

Depuis le début d'année, certains ménages doivent faire appel à un « accompagnateur Rénov’ » pour être suivis dans leur parcours de rénovation énergétique. Le CLER-Réseau pour la transition énergétique s’interroge sur la neutralité et la formation des nouveaux accompagnateurs. Explications avec Isabelle Gasquet, responsable de projets efficacité énergétique.

Pour bénéficier de certaines subventions de MaPrimeRénov’, un accompagnement est désormais obligatoire. Qui est concerné ?

Isabelle Gasquet : Conformément à la loi Climat et résilience, le recours à un « Accompagnateur Rénov’ » devient obligatoire pour solliciter certaines aides à la rénovation énergétique. En l’occurrence, ce sont les ménages modestes et très modestes éligibles à MaPrimeRénov’ Sérénité – une aide de l’Anah conditionnée à une amélioration de la performance énergétique globale du logement (au moins -35 % d’économies d’énergies) – qui sont concernés. Puis, à partir de septembre 2023, le dispositif sera élargi aux foyers réalisant un bouquet de travaux (à partir de deux gestes) et sollicitant des aides supérieures à 10 000 euros.

Quel sera le rôle de l’accompagnateur ?

I.G : Il assistera le ménage dans son projet de rénovation énergétique. Concrètement, cela signifie : l’aider dans le choix du scénario de rénovation et définir avec lui le programme de travaux le plus pertinent, l’appuyer dans l’analyse des devis et les démarches administratives et financières, notamment pour le montage du plan de financement et la mobilisation des aides, ou encore le conseiller dans le suivi des travaux. On sait que l’accompagnement est capital dans le passage à l’acte, particulièrement pour des projets de rénovation complète et performante, qui peuvent être longs et complexes. Les ménages ne pensent pas forcément à réaliser une rénovation globale. C’est le rôle de l’accompagnateur que de les sensibiliser et leur expliquer quels choix seront les plus adaptés pour faire durablement des économies d’énergie et réduire les factures. Il ne suffit pas, par exemple, de faire un audit énergétique, il faut aussi pouvoir le décrypter.

Ces accompagnateurs existent déjà, mais il n’était auparavant pas obligatoire de les mobiliser. Vont-ils être plus nombreux ?

I.G. : L’écosystème est déjà présent sur le territoire. Il s’agit des anciens conseillers info énergie et les opérateurs de l’Anah, rassemblés depuis début 2022 au sein du réseau France Rénov. Ce qui change, c’est que l’accompagnement est désormais ouvert à davantage d’acteurs : les auditeurs énergétiques, les architectes, les titulaires de la qualification RGE rénovation globale et les sociétés de tiers financement. L’objectif étant de suivre davantage de ménages, il faut plus d’accompagnateurs.

Cela ne pose-t-il pas un problème que des professionnels du privé soient accompagnateurs ?

I.G : C’est un point d’alerte que nous avons au CLER-Réseau pour la transition énergétique. Nous avions publié en février 2022 une position commune avec les autres têtes de réseaux de l’ingénierie territoriale sur la question de l’indépendance et de la neutralité des accompagnateurs. Dans le décret traçant les contours du dispositif, paru en juillet 2022, on lit qu’”ils ne pourront pas réaliser eux-mêmes les travaux”. C’est impératif, mais nous considérons que cela n’est pas suffisant, puisque rien n’est indiqué sur les liens fonctionnels et financiers entre les accompagnateurs et les entreprises de travaux. Une filiale d’une entreprise réalisant des travaux pourrait donc être créée pour faire de l’accompagnement. Il y a un risque de perte de neutralité, de favoriser certains gestes ou solutions plutôt que d’autres… On nous répond que l’Anah réalisera des contrôles pour vérifier cela. Encore faudra-t-il qu’elle en ait le temps et les moyens. En outre, nous nous interrogeons sur la qualité de l’accompagnement, puisqu’il n’y a pas de référentiel quant à la formation, alors que nous avions suggéré d’intégrer des prérequis, notamment sur la rénovation performante.

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Cet accompagnement sera-t-il gratuit ?

C’est ce que nous demandions pour les ménages modestes et très modestes, mais à l’heure actuelle, les modalités de financement n’ont pas été précisées. Nous avons eu l’écho que cela ne sera pas forcément complètement gratuit pour ces ménages, ce qui nous inquiète. Il ne faudrait pas que cela freine des foyers prêts à se lancer.