Mobilité : pour le Réseau Action Climat, c’est « l’heure des choix »
Le quinquennat d’Emmanuel Macron sera-t-il celui du véritable virage vers une mobilité plus écologique ? La parution d'un projet de loi consacré à la mobilité début 2018 permettra de le vérifier. Le point de vue de Lorelei Limousin, chargée des politiques des transports au Réseau Action Climat.
« Ces Assises de la mobilité sont l’occasion de mettre le secteur des transports sur la trajectoire de la transition énergétique et de la lutte contre les changements climatiques. Les associations font de nombreuses propositions et seront vigilantes au cours de cette concertation, et dans l’attente de la parution du projet de Loi d’orientation sur les mobilités début 2018. Nous mettra-t-il sur la voie de la « neutralité carbone » et de la sortie des énergies fossiles ? Dans ce secteur particulièrement, il y a du pain sur la planche : à lui seul, il est le premier émetteur de gaz à effet de serre (30 % des émissions). Et ces émissions continuent d’augmenter.
Le levier fiscal
Alors que le prix du pétrole continue de diminuer, il faut réagir en utilisant le levier de la fiscalité. C’est le chantier prioritaire et un thème déterminant du projet de Loi de finances 2018 (qui a été présenté le 27 septembre 2017). L’objectif est d’abord d’augmenter le prix du carbone. La contribution « climat-énergie » doit permettre d’orienter les comportements vers des modes de déplacement plus sobres et moins polluants. Le gouvernement a déjà annoncé le rattrapage fiscal entre le diesel et l’essence (un alignement prévu sous quatre ans) et la prime à la casse « pour tous ». Cette prime devrait être modulée en fonction du niveau de ressources des ménages pour aider en priorité les plus précaires. Si ces mesures vont dans le sens d’une transition plus juste, elles ne représentent cependant qu’une partie de la solution.
« Les recettes de la fiscalité écologique doivent permettre d’accompagner les ménages les plus dépendants du diesel et financer des solutions pérennes de transports alternatifs et actifs comme la marche ou le vélo »
Fonds national mobilité active
La moitié des déplacements automobiles font moins de trois kilomètres en France. Ces déplacements pourraient être effectués à pied, en vélo, en transport en commun… Les recettes de la fiscalité écologique doivent donc permettre d’accompagner les ménages les plus dépendants du diesel, et financer des solutions pérennes de transports alternatifs comme les transports en commun, et soutenir les modes de transports « actifs » (marche, vélo). Il est possible par exemple d’aider les collectivités locales, par le biais d’appels à projets, à développer des infrastructures et de services pour devenir des territoires « cyclables ». L’Ecosse, le Danemark ou encore les Pays-Bas disposent déjà d’un fonds national pour les mobilités actives. Avec la disparition pure et simple de la prime pour l’achat d’un vélo à assistance électrique du projet de Loi de finances 2018, le gouvernement n’est vraiment pas dans l’air du temps.
Des camions moins polluants et moins nombreux
Pour remplir les objectifs réglementaires de la loi de transition énergétique, nous devons mener une réflexion globale sur le transport de marchandises en France. Aux Assises, la concertation pourrait par exemple permettre de négocier un péage kilométrique pour les poids-lourds, c’est-à-dire une contribution santé-climat calculée selon le nombre de kilomètres parcourus et les externalités. Nous savons que le transport de marchandise est très polluant. En France, il est pourtant favorisé : les modes ferroviaires et fluviaux paient les infrastructures qu’ils utilisent, contrairement aux camions. Ce prélèvement permettrait de rétablir une situation plus égalitaire, et d’encourager le report modal de la route vers le rail et les fleuves.
Règle d’or climatique
La loi de programmation pour les transports décidera des grands projets d’infrastructures financés sur les cinq années du quinquennat. C’est l’heure des choix : il faut abandonner des projets qui ne sont pas cohérents avec la transition énergétique et établir une « règle d’or climatique » pour exclure les projets qui induiraient une croissance des émissions de gaz à effet de serre, comme Notre-Dame-des-Landes ou l’A45… Investir dans les trains et les transports du quotidien pour la sécurité et le confort des passagers serait plus judicieux, tout comme maîtriser la demande en mobilité par l’urbanisme : afin d’encourager une mobilité « de proximité », nous souhaitons par exemple lutter contre l’étalement urbain et interdire l’extension des surfaces commerciales en périphérie. Aucune loi n’a jamais traité la question de « sobriété » dans les transports. Pourtant, limiter les vitesses autorisées sur les routes permet une diminution directe de la consommation de carburant. Il est grand temps d’y remédier. »
Cet article est extrait du CLER Infos n°116
Moteurs d’une société en mouvement, les transports sont responsables d’un tiers de nos consommations d’énergie et polluent l’air que nous respirons. Pourtant, aucune législation structurante n’a permis jusqu’à aujourd’hui d’aborder le thème de la mobilité en cohérence avec l’urgence de la transition énergétique. Qu’attendre du nouveau mandat présidentiel sur ce sujet ? Comment réduire le trafic routier et diminuer les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports ? Comment convaincre les territoires d’agir pour favoriser la mobilité autrement ? Un dossier à retrouver dans le CLER Infos n°116.
Consulter la publication