Mieux partager la valeur des projets d’énergie renouvelable avec les territoires

En partenariat avec la Fondation des Verts européens et la Fondation Heinrich-Böll à Bruxelles, le réseau Cler publie une note de position sur le partage de la valeur des projets d'énergie renouvelable au niveau européen. Alors que la Commission européenne prépare de nouvelles mesures pour renforcer la participation citoyenne dans le domaine de l’énergie, la question du partage des bénéfices économiques reste encore peu abordée. Pour le réseau Cler, c’est pourtant un levier essentiel de désirabilité des projets d’énergie renouvelable pour les territoires qui les accueillent. Entretient avec Etienne Charbit, responsables des projets Europe au réseau Cler.

Découvrez la note en partenariat avec la Fondation des Verts européens et la Fondation Heinrich-Böll à Bruxelles 

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Comment le partage de la valeur d’un projet d’énergie renouvelable se fait-il aujourd’hui au niveau européen ?

Etienne Charbit : La notion de partage de la valeur, ou autrement dit de richesses partagées, n’est pas encore harmonisé au niveau européen : l’essentiel des pratiques repose sur des initiatives locales, concentrées dans des régions pionnières sur le sujet et sans cadre ni principes communs. La Commission prépare un train de mesures sur l’énergie citoyenne pour 2026, mais la question du partage de la valeur n’y apparaît qu’à la marge. C’est précisément pour cela que nous avons voulu remettre ce sujet au centre : si l’Europe veut renforcer l’implication citoyenne, elle doit aussi clarifier comment les bénéfices générés par les projets reviennent aux territoires qui les accueillent.

Quels sont les enjeux autour du partage de la valeur ?

E. C : Dans de nombreux pays, la désirabilité des projets d’énergie renouvelable est loin d’être acquise, même si la majorité des Européennes et Européens soutiennent la transition énergétique. Une partie des oppositions reposent sur un sentiment simple et légitime : lorsqu’une installation arrive, la population locale vit avec ses impacts (visuels, sonores…) sans toujours percevoir de bénéfices. Partager les richesses matérielles et immatérielles générées à chaque étape du projet permet un rééquilibrage. Ce n’est pas uniquement une question d’argent et de retombées économiques locales : cela peut passer par une place dans la gouvernance, un soutien ciblé aux ménages modestes ou une meilleure prise en compte de la biodiversité. Pour les développeurs aussi, c’est un levier utile : quand un projet crée des bénéfices visibles, les oppositions et les recours diminuent et son déploiement est accéléré. Le problème, aujourd’hui, c’est que rien n’incite vraiment à mettre ces mécanismes en place.

Comment les citoyennes et citoyens peuvent-ils s’approprier les enjeux énergétiques et quelle est leur place ?

E. C. : Pour que ces mécanismes soient crédibles, ils doivent s’appuyer sur plusieurs principes : transparence sur les engagements, adaptation aux besoins du territoire, proportionnalité entre impacts et bénéfices, et répartition réellement équitable, notamment envers les ménages les plus vulnérables. L’appropriation passe ensuite par des dispositifs concrets, par exemple la possibilité de détenir une part du projet, de participer à la gouvernance ou de rejoindre une communauté énergétique. Ces formes d’implication créent un lien direct entre l’installation et le territoire. Elles permettent aux habitantes et habitants de comprendre comment la production d’énergie s’inscrit dans leur quotidien et ce qu’elle peut leur apporter. À condition que les bénéfices proposés soient adaptés aux réalités locales, ces mécanismes transforment un projet perçu comme extérieur en un projet d’intérêt local.

« Nous plaidons pour que le partage de la valeur, c’est-à-dire des richesses (qu’elles soient matérielles ou immatérielles), soit intégré dans chaque projet d’énergie renouvelable. »

Etienne Charbitresponsables des projets Europe au réseau Cler

Quelles sont les recommandations du réseau Cler pour améliorer le partage de la valeur ?

E. C. : Nous plaidons pour que le partage de la valeur, c’est-à-dire des richesses (qu’elles soient matérielles ou immatérielles), soit intégré dans chaque projet d’énergie renouvelable. Les futurs mesures européennes sont une occasion d’aller dans ce sens en demandant aux États membres d’intégrer ces mécanismes dans leurs législations et aux développeurs de proposer systématiquement une participation financière ou citoyenne aux collectivités, citoyen·nes, acteurs économiques et organisations de la société civiles locaux. Il faut aussi un cadre commun : des critères simples, utilisables partout, mais suffisamment souples pour tenir compte des situations locales. Et si l’on veut vraiment que cela compte, le partage de la valeur doit peser dans les appels d’offres. C’est ce qui permettrait, très concrètement, de valoriser les projets qui apportent des bénéfices clairs aux territoires.  

Au niveau national, le réseau Cler est engagé au sein de l’Alliance pour l’énergie locale afin de défendre le développement de ce type de projets d’énergie renouvelable portés localement. 

L’Alliance pour l’énergie locale

Cette coalition, à laquelle le réseau Cler appartient, réunit 12 organisations incontournables sur les questions écologiques, énergétiques et territoriales afin qu’énergies renouvelables et intérêt local soient enfin indissociables. Ensemble, elles portent l’objectif de multiplier par trois la part des projets d’énergies renouvelables aux mains des collectivités et des citoyens et citoyennes.

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