Loi Climat : un bond en arrière pour la rénovation énergétique 

Un collectif d’acteurs du monde économique, de l’environnement et de la précarité tirent la sonnette d’alarme : la loi Climat et Résilience, telle qu’amendée en commission spéciale de l’Assemblée nationale, risque de marquer un profond recul par rapport à l’existant sur la rénovation énergétique des logements. 

Communiqué de presse du jeudi 25 mars

En cause ?  Un amendement passé inaperçu, soutenu par le Gouvernement, qui inscrit une définition au rabais de ce qu’est une “rénovation performante”, permettant de l’attribuer à des bâtiments étiquetés C voire D du Diagnostic de performance énergétique (DPE). Cette définition climaticide, incompatible avec le respect de la stratégie nationale bas carbone (SNBC), doit disparaître en séance plénière, au profit de la définition formulée par l’ADEME (1) en cohérence avec les propositions de la Convention citoyenne pour le Climat et de la mission d’Olivier Sichel.

Quelles conséquences avec la nouvelle définition introduite par l’amendement 5 360 ? 

Si jusqu’à présent les rénovations performantes étaient associées au niveau “BBC rénovation”(2) (consommation moyenne de 80 kWhep/m²/an équivalent à une étiquette A ou B du DPE), l’amendement 5360 propose désormais de les abaisser à l’étiquette C voire D, soit des seuils de consommation jusqu’à 3 fois plus élevés (respectivement 180 et 250 kWhep/m²/an). La consommation du parc bâti en 2050 serait 2 à 3 fois plus élevée que l’objectif national fixé par le Code de l’Énergie et la SNBC, comme le révèle une note interne à l’ADEME obtenue par Contexte.

Cette nouvelle définition rend ainsi peu compréhensible la notion de performance en rénovation par rapport au DPE : la loi définirait comme “performante” une rénovation permettant au bâtiment d’atteindre la classe C voire D du DPE, quand l’objectif de performance moyenne du parc fixé dans la SNBC, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et le Code de l’Énergie se réfère au niveau “BBC rénovation”, équivalent aux classes A ou B.

Par ailleurs, les conséquences de l’adoption d’une telle définition seraient désastreuses :

 

  • non-respect de la trajectoire d’atteinte de la neutralité climatique en 2050 ;
  • gaspillage des fonds publics sur des travaux menant à des impasses de rénovation ;
  • maintien à un niveau élevé des factures énergétiques pour les ménages, à l’encontre des objectifs de résorption de la précarité énergétique et des risques sanitaires, économiques et sociaux associés ; 
  • risque d’apparition massive de pathologies dans les logements rénovés partiellement et sans garantie de cohérence et de qualité après travaux ;
  • absence de signal incitant les maîtres d’ouvrage et les acteurs du bâtiment à augmenter le nombre de rénovations réellement performantes.

 

C’est pourquoi nous appelons les Parlementaires à proposer en séance publique l’adoption d’une définition, s’inspirant de l’amendement 4904 soutenue par la quasi-totalité des groupes parlementaires, reposant sur l’atteinte des étiquettes A et B du DPE ou niveau BBC rénovation ou équivalent. Cette définition est en phase avec les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, la définition de référence de l’ADEME, le rapport d’Olivier Sichel et la trajectoire fixée par la SNBC.

 

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1. “La rénovation performante d’un bâtiment est un ensemble de travaux qui permettent au parc bâti d’atteindre a minima le niveau BBC rénovation ou équivalent, en moyenne nationale et à l’horizon 2050, sans mettre en danger la santé des occupants, en préservant le bâti de toute pathologie liée à ces travaux et en assurant le confort thermique et acoustique été comme hiver”. Source : Rapport “La rénovation énergétique par étapes”, ADEME, janvier 2021.

2. Arrêté du 29 septembre 2009 relatif au contenu et aux conditions d’attribution du label « haute performance énergétique rénovation » dont le contenu sera révisé en 2021.

Pour Etienne Charbit, Responsable de projets Efficacité énergétique au CLER – Réseau pour la transition énergétique 

“Loin de la promesse du « sans-filtre », le projet de loi Climat fait l’impasse sur la mesure d’obligation de rénovation globale portée par la Convention citoyenne pour le climat, pourtant indispensable pour parvenir aux objectifs climatiques que la France s’est fixés. Plus grave, il part à contre-sens, intégrant une définition de la « rénovation performante » au rabais, lourde de conséquences, notamment climatiques et économiques. La séance publique doit rectifier le tir ! ”

Pour Adeline Mathien, coordinatrice Énergie à France Nature Environnement 

« L’enjeu de la rénovation énergétique performante n’est pas compris, c’est le triste constat que nous tirons de l’examen en commission spéciale. Le secteur du bâtiment est pourtant une pierre angulaire de la réussite de la transition énergétique, le plus gros gisement d’économie d’énergie. Il ne faut pas que le bâtiment reste un angle mort de la transition énergétique. Pour FNE, la définition de la rénovation performante doit être correctement posée en séance publique et ne peut être autre que l’atteinte du niveau “BBC rénovation”, définition qui fait consensus.”

Pour Vincent Legrand, directeur général de Dorémi 

“Si cette définition est maintenue, la consommation énergétique du parc bâti à 2050 sera 2 à 3 fois plus élevée que nos objectifs, et les émissions de GES dériveront davantage encore. Ce n’est pas en trafiquant le thermomètre que l’on guérira la fièvre. Les rénovations de classe A ou B, en partant de passoires énergétiques, ne sont pas des rénovations exceptionnelles et inaccessibles : ce sont les rénovations réalisées quotidiennement par Dorémi et d’autres acteurs de terrain aujourd’hui, et ce sont ces rénovations que nous devons généraliser pour respecter nos engagements nationaux”.

Pour Olivier Sidler, porte-parole de l’association négaWatt

“La crise sanitaire du Covid n’est rien en comparaison des bouleversements à venir du changement climatique. La classe politique dans son ensemble doit désormais faire preuve de courage et ne pas fuir ses responsabilités. Les Français veulent des mesures fortes et efficaces. Ils commencent à perdre confiance dans l’avenir. Dégrader lourdement la performance attendue des logements rénovés est une décision dont les générations futures risquent de payer cher l’inconséquence.”

Pour Benoit Dulac, président chez Les ECO-Isolateurs

Pour Benoit Dulac, président chez Les ECO-Isolateurs : “Ce n’est qu’en assignant à la rénovation énergétique du logement des objectifs de performance élevés et un contrôle des travaux rigoureux que le Bâtiment constituera un véritable levier dans la politique de lutte contre le dérèglement climatique. Sur ces deux points, je ne peux malheureusement que regretter l’absence d’ambition du projet de loi et cela au détriment immédiat des ménages en situation de précarité énergétique.”

Publication

Alerte : définition de la rénovation performante

Note de décryptage – Dorémi et NégaWatt

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