Nos propositions pour lever les freins au développement des énergies renouvelables

Le CLER - Réseau pour la transition énergétique s'est appuyé sur ses 300 membres afin d’identifier les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de projets d’énergie renouvelable et de proposer des mesures concrètes pour lever ces freins et libérer ainsi un potentiel considérable au bénéfice notamment des territoires et des acteurs locaux. Voici nos propositions.

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Lever les freins au développement des énergies renouvelable

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Propositions générales

1 – Stabiliser le cadre réglementaire et favoriser les projets territoriaux

Les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables ont évolué ces dernières années, le recours aux appels d’offres s’est banalisé. Or la complexité des procédures et l’absence de mutualisation du risque entre plusieurs projets augmente les coûts de développement et pénalise les acteurs locaux (citoyens, collectivités, PME, agriculteurs) au profit de grands groupes. Cette distorsion de concurrence défavorise de fait les projets les mieux intégrés dans une démarche territoriale et concertée, par nature plus lents et plus consommateurs de temps, avec pour conséquence une dégradation de l’image des énergies renouvelables en général. A ces difficultés s’ajoute la possible remise en cause au niveau européen de la priorité d’injection des énergies renouvelables sur le réseau électrique qui serait une véritable catastrophe.

Propositions :

  • Aligner le seuil minimal des appels d’offres sur le plafond européen de 500 kW pour toutes les filières et maintenir au-dessous des tarifs d‘achat calculés pour garantir une « rémunération normale des capitaux » en tenant compte des coûts réels en fonction de la puissance et en évitant les effets de seuil.
  • Donner aux porteurs de projet des garanties en phase avec les délais et les risques de développement, notamment en termes de durée d’accès à un niveau de tarif d’achat donné.
  • Défendre clairement au niveau des instances européennes le maintien de la priorité d’injection des énergies renouvelables non-pilotables.

2 – Simplifier, accélérer et sécuriser les procédures

Les efforts engagés de simplification (permis unique) sont loin d’être suffisants et l’on constate encore aujourd’hui un grand nombre de difficultés, notamment des avis conformes des ABF négatifs dans 90% des cas qui conduisent très souvent à l’abandon des projets et dans tous les cas à un allongement des délais d’instruction, qu’il s’agisse d’espaces protégés, du périmètre des 500 mètres d’un site classé ou inscrit ou du rayon pouvant aller jusqu’à 20 km autour des sites inscrits ou candidats au Patrimoine mondial de l’UNESCO.

Mais les freins au développement des filières renouvelables ne sont pas uniquement d’ordre légal ou réglementaire : on constate par exemple une grande diversité de traitement des dossiers de demande d’autorisations au sein de l’administration, les délais d’instruction pouvant varier de un à cinq ans voire plus selon les préfectures. En outre, la multiplication des recours, aggravés par la durée anormalement longue des procédures contentieuses, demeure un obstacle majeur qui génère délais et incertitudes.

Propositions :

  • Maintenir l’obligation de consultation des ABF en rendant leur avis « simple » et non « conforme » et associer les acteurs locaux à la concertation sur le classement des sites.
  • Diffuser à tous les échelons de l’État (Administration centrale et services déconcentrés) une culture du soutien au développement des énergies renouvelables, depuis la définition des objectifs jusqu’à l’appui quotidien aux développeurs et aux collectivités.
  • Réformer la procédure contentieuse sur le modèle existant pour les énergies marines renouvelables (décret n°2016-9 du 8 janvier 2016) et renforcer les moyens de la justice administrative pour tendre vers un jugement des recours en moins d’un an.
  • Fixer par circulaire une durée maximale d’instruction des demandes d’autorisations pour chaque filière en s’alignant sur les meilleures pratiques constatées (10 mois pour le PV au sol, 18 mois pour l’éolien et la méthanisation)

3 – Faciliter l’accès au réseau des filières électriques

La très grande majorité des installations de production d’électricité renouvelable se raccordent au réseau de distribution (basse et moyenne tension), géré par Enedis sur 95 % du territoire national. La suppression de la réfaction1 fin 2010 a entraîné une explosion du montant des devis de raccordement qui laisse penser qu’Enedis fait de fait peser sur les producteurs des coûts de travaux pour lesquels la filiale d’EDF est déjà financée par ailleurs par les utilisateurs du réseau ; ces travaux auraient dû être de toutes façons réalisés. Cette augmentation a conduit à l’abandon d’un nombre important de projets (taux de chute estimé entre 30 % à 40 % dans le PV). Le ministère de la transition écologique a annoncé une prochaine réduction des coûts de raccordement pour les énergies renouvelables, mais le décret n’est toujours pas paru.

Or ces coûts pourraient être mieux maîtrisés par une modernisation des méthodes d’évaluation de la capacité d’accueil des réseaux, par la mutualisation des ouvrages et des travaux entre consommateurs et producteurs (procédures aujourd’hui totalement séparées) et surtout par l’instauration d’une véritable culture du dialogue entre Enedis et les collectivités locales, propriétaires des réseaux, qui s’engagent de plus en plus souvent dans des démarches actives de transition énergétique dans l’espoir de valoriser économiquement les potentiels de leur territoire mais risquent de se trouver empêchées de le faire.

Propositions :

  • Renforcer la transparence et faciliter l’accès des collectivités aux données de topologie des réseaux de distribution et aux informations sur les projets de travaux
  • Instaurer une obligation de dialogue visant à optimiser les capacités du réseau et à maîtriser les coûts de raccordement entre les porteurs de projets d’énergie renouvelable et les gestionnaires de réseaux préalablement à la demande de raccordement officielle
  • Revoir le mode de financement de raccordement au réseau BT : réintroduction de la réfaction, mutualisation des coûts entre producteurs (sur le modèle du S3RENR qui existe pour la HT), mutualisation des travaux entre production et consommation…

Le cas des Zones non interconnectées (ZNI)

Particulièrement conscientes des limites de leurs ressources et contraintes par leurs frontières, les îles ont largement commencé à relever des défis organisationnels et techniques qui s’imposent aujourd’hui aux territoires continentaux. Plusieurs décisions pourraient simplifier et accélérer ces travaux :

  • réviser l’ensemble des textes mentionnant le plafond de 30 % en puissance des moyens de production électrique renouvelables. La réalité des ZNI, dont plusieurs ont d’ors et déjà dépassé ce seuil (la Réunion devrait dépasser 35 % en 2018) sans que leurs réseaux se soient écroulés, démontre l’obsolescence de cette valeur : le seuil au delà duquel des contraintes spécifiques pourraient éventuellement peser sur les énergies renouvelables électriques variables doit faire l’objet d’un travail de définition sérieux.

  • s’il est concevable d’introduire des dispositions de déconnexion obligatoires à partir d’un pourcentage d’EnR électriques variables (cf. ci-avant) dans une ZNI, il apparait incontournable de les accompagner de compensations financières adaptées de manière à ne pas nuire à la viabilité économique de l’objectif 100% EnR dans les îles.

  • considérer la transition énergétique dans les ZNI comme un levier de maitrise des coûts de péréquation. Le surcoût de la production électrique fossile dans les îles est aujourd’hui supporté par l’ensemble des consommateurs via la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Les énergies renouvelables, structurellement moins chères, représentent donc des économies pour la collectivité et doivent dès lors faire l’objet d’un traitement spécifique dans les différents rapports officiels relatifs au coût de l’électricité.

Propositions spécifiques

1 – Solaire photovoltaïque (PV)

Outre un cadre règlementaire en perpétuel changement qui pénalise grandement le développement de la filière, le PV subit des contraintes spécifiques :

  • Des formules trop compliquées et des tarifs d’achat trop faibles sur certains segments, notamment entre 9 et 100 kWc, assortis d’effets de seuil qui conduisent à la fois à une guérilla stérile entre l’Administration et les porteurs de projets qui cherchent à détourner les textes et à une sous-exploitation des potentiels physiques (ensoleillement des surfaces bâties ou artificialisées) et économiques (capacité d’investissement) des territoires.
  • Conséquence de l’explosion des coûts de raccordement mentionnée plus haut, l’engouement pour l’autoconsommation, notamment collective, a conduit à la mise en place d’un cadre règlementaire d’une incroyable complexité et inapplicable en pratique.
  • Du fait de la péréquation tarifaire qui subventionne de fait la production d’électricité par des sources fossiles, les ZNI bénéficient très peu de la dynamique de baisse des coûts, alors même que la production PV y est en adéquation avec la pointe de consommation.
  • La contrainte de continuité d’urbanisation issue de la loi Littoral a été assouplie pour l’éolien mais elle est maintenue pour le PV au sol, ce qui rend inéligibles des surfaces dégradées importantes au seul motif du la localisation de la commune.

Propositions :

  • Simplifier et clarifier la structure des tarifs d’achat (suppression des seuils) et revoir les mesures de lutte contre le détournement des textes dans l’objectif d’optimiser l’exploitation des surfaces de toiture disponibles et de limiter le nombre de points de livraison.
  • Revoir le cadre règlementaire de l’autoconsommation collective dans un esprit de facilitation tout en respectant les règles européennes relatives à l’ouverture des marchés et à la protection des consommateurs, et en garantissant le financement du réseau.
  • Poursuivre les appels d’offre CRE (> 500kW) en Métropole et dans les ZNI avec 4 périodes supplémentaires dotées de volumes suffisants pour donner de la visibilité à la filière.
  • Donner plus de poids plus aux critères environnementaux (sites dégradés et reconquête de la biodiversité) en réduisant celui, plus aléatoire et moins significatif, du bilan carbone.
  • Aligner le photovoltaïque sur l’éolien en matière de dérogation à la règle de la continuité d’urbanisation instaurée par la loi Littoral.

2 – Éolien

Indépendamment de leur potentiel énergétique, c’est la disponibilité de sites exempts de contraintes règlementaires qui est le principal frein au développement de cette filière. Outre le classement évoqué plus haut, les contraintes militaires (zones VOLTAC et SETBA 2, zones de protection des radars) interdisent aujourd’hui 47% du territoire à l’éolien contre 15,7% en 2013 sans qu’il soir en outre possible d’anticiper l’évolution du zonage ; si l’on suit les demandes les plus extrêmes de l’Armée de l’Air, ce chiffre pourrait être porté à 86 % à court terme. Cette contrainte qui représente souvent le seul obstacle aux projets intervient toujours tardivement, alors que des dépenses importantes ont été engagées, même si l’Armée de l’Air a été sollicitée en amont.

Proposition :

  • Assouplir les contraintes militaires pour l’éolien et imposer la transmission très en amont des éléments réunis par les services de l’Etat et l’Armée de l’Air pour formuler leur avis

3 – Chaleur renouvelable

Tandis que le chauffage au bois énergie peine à décoller du fait que les valeurs prises dans les différents outils de calcul (RT2012, DPE, ANAH,…) le défavorisent par rapport à d’autres solutions, le solaire thermique est quant à lui une filière sinistrée alors que c’est une technologie mature. La cause principale est à chercher dans les aides publiques (CITE) qui financent à égalité les énergies fossiles et renouvelables : ainsi, une chaudière gaz à condensation bénéficie du même soutien qu’une installation solaire thermique (30 %) alors qu’avant 2014 le gaz était subventionné à hauteur de 15 % et le solaire thermique de 50 %. Associée à un prix du gaz peu élevé, cette situation aboutit à la mise en péril de filières pourtant performante au niveau environnemental.

De plus, l’ANAH ne prévoit pas le solaire comme possibilité pour le chauffage, ce qui empêche le recours à cette solution pour des ménages modestes ainsi incités à opter pour le fuel ou le gaz.

Enfin, le fonds chaleur est l’un des leviers majeurs de développement de la chaleur renouvelable en France notamment via la création ou la conversation de réseaux de chaleur au bois. Etant donné les objectifs que s’est fixé la France en la matière, le doublement du fonds chaleur doit rapidement être mis en oeuvre. Par ailleurs, la cadre administratif actuel constitue une barrière à l’entrée majeure pour les projets portés par les territoires, souvent de taille réduite : des changements doivent également intervenir sur ce sujet.

Propositions :

  • Faire évoluer les valeurs liées au chauffage au bois et au solaire thermique dans les outils de calcul règlementaire des logements afin de les rendre plus attractifs que les solutions fossiles
  • Réformer le système d’aides au chauffage individuel pour le rendre dans tous les cas plus favorable aux énergies renouvelables qu’aux énergies fossiles
  • Prendre en compte le solaire comme énergie de chauffage dans les programmes Anah.
  • Doubler le fonds chaleur, simplifier et amplifier l’utilisation des contrats d’objectifs territoriaux

4 – Méthanisation

Cette filière qui commence tout juste à se développer nécessite toujours un patient travail de terrain afin de sécuriser l’approvisionnement en matières organiques méthanisables : à ce titre toute évolution vers une généralisation des appels d’offres stopperait à coup sûr le développement des projets territoriaux de taille modeste.

Plus largement, la filière manque d’une vision stratégique et politique, avec notamment l’absence d’un objectif pour le développement du bioGNV (usage mobilité du méthane renouvelable).

Mais c’est surtout dans le domaine de la simplification administrative que des solutions doivent être apportées afin de réduire la durée de montage des projets. Il s’agit ici de multiples petits freins, souvent des points de détail qui compliquent le travail des porteurs de projets mais pourraient être levés s’il existait une instance nationale de concertation et de co-construction des solutions.

Propositions :

  • Maintenir les tarifs d’achat actuels en niveau et en structure
  • Donner de la visibilité à la filière en fixant des objectifs, notamment pour le bioGNV
  • Créer une instance nationale entre acteurs opérationnels (sur le modèle du GT injection piloté par l’ADEME et GrDF) ayant pour mission de simplifier les procédures administratives dans le domaine de la méthanisation.

 

 

1 Part des coûts de chaque raccordement prise en charge par l’ensemble des utilisateurs via le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), actuellement 40% pour les seuls consommateurs. Le décret qui devait restaurer la réfaction, pourtant validé par le CSE, n’a pas été signé par le précédent gouvernement.

2 Respectivement secteurs de « VOLs TActiques » et « Secteurs d’Entrainement à Très Basse Altitude »