Les nouveaux récits de la sobriété
Comment rendre la sobriété désirable ? Dans le cadre du réseau Sobriété, co-animé par Virage Énergie et le réseau Cler avec le soutien de l’ADEME, Alexis Nicolas explore les cheminements vers une sobriété inclusive et émancipatrice à travers un travail de recherche articulant mise en images et réflexions critiques.
Pourquoi avez-vous entrepris ce travail de recherche sur la sobriété ?
Alexis Nicolas : Tout est parti d’un constat : les représentations graphiques actuelles de la sobriété manquent de nuance et sont souvent négatives. On les réduit trop souvent à des images simplistes qui n’ont rien d’inspirant. Lors de mon master en stratégie et design pour l’anthropocène, une commande de Virage Énergie et du réseau Cler m’a offert l’opportunité d’explorer la question de la désirabilité de la sobriété. Cette recherche, menée en binôme avec Ingrid de Saint-Aubin, étudiante à l’École de design CY, a débuté en novembre 2023 et s’est achevée en août 2024 avec la publication de mon rapport et la réalisation d’un ensemble de neuf cartes postales qui donnent à voir et à penser la sobriété. Notre volonté était de proposer un support à un nouvel imaginaire tout en invitant nos concitoyens à exercer un regard critique et introspectif sur la société qui les entoure et sur leur rapport au monde.
Comment définissez-vous la sobriété ?
Alexis Nicolas : La sobriété n’est pas un concept facile à cerner. Elle dépasse largement les clichés de restrictions ou d’austérité. Dans ce travail, elle est envisagée comme une démarche collective et volontaire, située entre limitation et émancipation. Loin de se limiter à une réduction des excès, elle interroge nos attachements et vise à garantir une vie décente et équitable pour tous, dans le respect des limites planétaires. Opposée à l’ébriété – cette surconsommation démesurée – autant qu’à la misère, la sobriété s’inscrit comme un chemin, un processus choisi, où inclusion et co-bénéfices sociaux occupent une place centrale.
Vous avez mentionné une tension entre limitation et émancipation. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Alexis Nicolas : La sobriété se situe entre la nécessité de limiter nos consommations pour respecter les limites planétaires et l’opportunité d’émancipation qu’elle offre. Limiter, ce n’est pas restreindre arbitrairement, mais remettre en question nos excès pour mieux répondre à ce à quoi nous tenons vraiment. L’émancipation, dans ce cadre, passe par des pratiques désirables et inclusives, où la sobriété devient un moyen de renforcer le lien social et la qualité de vie.
Comment la sobriété peut-elle s’incarner dans notre société ?
Alexis Nicolas : Pour que la sobriété trouve sa place dans notre société, il y a de nombreux moyens à mobiliser. Plusieurs pistes sont à privilégier : fixer des limites hautes en décrivant ce qui constitue la richesse ou une consommation indécente, favoriser le recours à l’enquête comme outil d’exploration et de réflexion sur ce que peut signifier la sobriété pour chacun d’entre nous et, enfin, passer moins de temps à tenter de trouver la définition parfaite du concept, mais plus de temps à l’intégrer dans les politiques publiques et les pratiques quotidiennes.
Quelles sont vos prochaines étapes ?
Alexis Nicolas : Ces recherches sur la sobriété désirable ne sont, bien sûr, qu’une étape dans le cheminement collectif que nous avons à engager. Pour ma part, je poursuis mes explorations à travers un podcast intitulé Enquêtes de sobriété, pour lequel je chemine aux côtés d’experts ou de témoins afin d’aborder des sujets comme l’art de la débrouille, l’éducation populaire, la joie dans le renoncement ou la redirection écologique.