Les citoyens plébiscitent des logements plus performants

Si la France inscrit dans son prochain projet de Loi sur le climat la rénovation obligatoire des bâtiments, elle répondra à l'appel de la Convention citoyenne pour le climat en faveur de meilleurs logements et contribuera ainsi de manière significative à l'objectif de réduction de 55 % des émissions de l'UE d'ici 2030.

Par Etienne Charbit, responsable de projets efficacité énergétique

« Les politiques ne doivent pas leur barrer le chemin ! »

Le secteur du bâtiment est le plus grand consommateur d’énergie en Europe : notre parc immobilier représente 36 % des émissions de carbone de l’Union européenne. Dans l’état actuel des choses, il parait impossible que l’économie européenne parvienne à la neutralité climatique et que nous réduisions nos émissions d’au moins 55 % à l’horizon 2030. Pour atteindre ces objectifs, nous devrons entreprendre une rénovation des bâtiments massive sur tout le continent.

Aujourd’hui, la plupart des rénovations permettent d’économiser entre 9 et 17 % de la consommation d’énergie d’un bâtiment. Nous devons plutôt viser des rénovations performantes (« en profondeur »), c’est-à-dire des travaux d’amélioration permettant d’économiser 60 % ou plus de la consommation d’énergie, ce qui accélérerait le processus de réduction des émissions de carbone.

Quel est le problème ? Les mesures en place peinent à encourager ou à financer correctement des projets de rénovation performants. Une mosaïque de réglementations inefficaces pour la construction et de mesures de soutien inadaptées aux citoyens, rend les rénovations complexes et onéreuses, et ralentit dangereusement tout progrès.

Toutefois, l’Europe pourrait être sur le point de faire une percée dans la rénovation des bâtiments. La « vague de rénovation » lancée par l’Union européenne en octobre dernier, propose d’introduire une série de normes minimales en matière de performance énergétique pour les bâtiments au niveau européen. En fixant un délai pour obtenir un niveau de performance énergétique, elles pourraient accélérer considérablement la rénovation des bâtiments et le cheminement de l’Europe vers des bâtiments à zéro émission. Ce mécanisme est déjà utilisé avec succès au Royaume-Uni, en Belgique et aux Pays-Bas.

Si on a longtemps supposé que les citoyens résisteraient à l’obligation de rénover leur maison, certains signes en France indiquent que nous avons largement sous-estimé le soutien réel du public. Après les manifestations des « Gilets jaunes », une expérience démocratique regroupant un panel de citoyens appelée « Convention citoyenne pour le climat » a été mise en place. Son mandat était d’identifier une série de politiques qui permettraient de réduire drastiquement les émissions carbone en France.

L’une des principales recommandations du rapport final de la Convention Citoyenne pour le Climat porte sur la rénovation  globale obligatoire des bâtiments d’ici 2040. Lors du vote final, les citoyens ont évalué cette mesure comme une priorité absolue pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre : 87,3 % des 150 citoyens ont approuvé cet objectif, qui incluait de plus des propositions globales sur la décarbonation des bâtiments et des mesures d’accompagnement de l’obligation avec des aides financières et un soutien technique des ménages.

Cela n’est pas surprenant ! Il va sans dire que les citoyens reconnaissent les avantages de maisons confortables et économes en énergie sur leur santé et leur budget. Quiconque a déjà essayé d’améliorer son logement a vite compris l’intérêt de le faire correctement et qu’une emplâtre sur une jambe de bois ne dure qu’un temps. La Convention citoyenne a reconnu que les incitations financières et les mesures prises jusqu’à présent par le gouvernement français n’ont tout simplement pas été efficaces.

Sur la base des recommandations de la Convention citoyenne, le gouvernement français travaille actuellement sur une loi environnementale qui sera présentée au Conseil des ministres en février et passera devant le Parlement dès le mois de mars. L’obligation de rénovation globale est susceptible d’améliorer la performance énergétique des bâtiments et de réduire significativement les émissions du bâti français. Pour qu’elle atteigne ses objectifs climatiques et contribue au nouvel objectif de réduction des émissions de l’Union européenne de 55 % d’ici 2030, la France n’a d’autre choix que d’inscrire dans la loi l’obligation de rénover en profondeur ses bâtiments. Accompagnée d’aides financières, en particulier pour les ménages à faibles revenus, et d’un dispositif d’accompagnement technique, l’inscription dans la loi d’une échéance pour la rénovation, fixée au cours de la prochaine décennie, peut fournir une orientation claire aux propriétaires de logements dans la planification et la budgétisation des travaux à entreprendre.

Si la proposition des citoyens est édulcorée, la France  empêchera également  l’accès de ses citoyens à des logements confortables, sains et à des prix raisonnables. Nous sommes un continent dont les habitants passent 90 % de leur temps à l’intérieur. Partout en Europe, celles et ceux  qui éprouvent des difficultés à gérer le budget de leur ménage sont confronté.e.s à la précarité énergétique. La qualité des bâtiments dans lesquels nous vivons n’est pas un caprice : elle affecte notre santé, notre budget et notre productivité. D’après les études, la rénovation des bâtiments améliore la qualité de l’air, le contrôle de l’humidité et des courants d’air, et la protection contre le bruit excessif. Faute d’une action appropriée pour stimuler la rénovation des bâtiments, les décideurs politiques rateront ce rendez-vous crucial pour notre santé.

Les avantages économiques sont également nombreux. Alors que les gouvernements mettent en place des plans de relance en réponse à la crise du COVID, la rénovation des bâtiments devrait être envisagée. Des travaux montrent que, pour chaque million d’euros investis dans la rénovation énergétique d’un bâtiment, 18 emplois locaux et durables sont créés en moyenne. On estime à 243 milliards d’euros par an le montant total des investissements possibles dans la rénovation en globale des bâtiments européens. Alors que s’annoncent de fortes turbulences économiques, de récentes études montrent clairement qu’une performance énergétique décente aide un bâtiment à conserver sa valeur. L’amélioration de la performance énergétique des habitations pourrait contribuer à stabiliser un marché dont on connaît l’importance.

Lorsqu’il s’agit de bâtiments confortables et efficaces sur le plan énergétique, les citoyens se tournent naturellement vers les politiciens et s’étonnent du temps qui passe sans que rien ne se fasse. Les ménages attendent des normes réglementaires pour la rénovation de leur logement, ainsi qu’un ensemble complet d’initiatives pour les aider à franchir ce cap, notamment des aides financières et des guichets uniques de conseils et d’informations pratiques. La France a l’occasion de répondre aux demandes de ses citoyens pour de meilleurs logements, tout en faisant preuve de leadership au niveau européen sur les bénéfices environnementaux de la rénovation des bâtiments.

 

L’article original est paru en anglais sur le site d’informations européen EurActiv.

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Etienne Charbit

Responsable des projets efficacité énergétique

etienne.charbit[arobase]cler.org