L’énergie citoyenne comme porte d’entrée vers la sobriété
Au sein de l’ASEC, Association Suisse pour l’Énergie Citoyenne Noé Tallon a mené une étude intitulée “sobriété et énergie citoyenne.” L’objectif ? Explorer les moyens d’actions des structures de l’énergie citoyenne pour favoriser plus de sobriété. Entretien.
Pourquoi avoir mené cette étude ? Quels enseignements en tirer ?
Noé Tallon : Cela fait une dizaine d’années que je travaille sur le sujet de l’énergie et je constate que la question de la sobriété est partout pourtant ce terme est aujourd’hui trop peu exploré.
J’ai commencé par faire un état de l’art sur le sujet et réalisé la synthèse d’une quarantaine de rapports. Après cette première étape, nous sommes allés chercher des exemples concrets de sobriété énergétique et nous avons mené une quinzaine d’entretiens. Ça m’a permis de constater que la sobriété s’inscrit dans une réflexion de fond, humaine, sociétale et philosophique… Quand on parle de sobriété, ce n’est pas uniquement d’écogestes dont il s’agit, mais c’est se poser la question : quelle vision de la vie voulons-nous avoir ? Il est nécessaire de repenser tout notre système politique et économique pour atteindre des objectifs de sobriété forts.
La démarche de l’association négawatt est la plus pertinente. On regarde d’abord ce que l’on consomme et comment on peut la réduire par nos choix, notre organisation. Ensuite seulement, on s’attaque à l’efficacité énergétique, puis à la production d’énergies renouvelables pour répondre aux besoins d’énergies incompressibles. Les coopératives citoyennes ont un rôle important à jouer pour impliquer le plus grand nombre.
Quels liens pouvons-nous faire entre le développement de projets d’énergie citoyenne et la sobriété énergétique ?
N.T : L’énergie citoyenne est une porte d’entrée vers le sujet de la sobriété. L’expérience d’Energies citoyennes en Pays de Vilaine que j’ai étudiée est une belle illustration. Un travail phénoménal a été mené pour expliquer ce qu’est l’énergie, pourquoi on s’en sert, l’importance de produire sa propre énergie de manière renouvelable, et ainsi permettre aux gens de s’approprier le projet, d’en devenir des acteurs.
Un kWh n’est pas palpable. L’association organise pour ses membres toutes sortes d’ateliers ou de visites pour rendre les quantités d’énergie appréciables. Une fois que l’attention des gens est captée, on peut leur dire : “il n’y a pas que la production !” et les sensibiliser à d’autres thèmes liés, comme celui de la sobriété énergétique.
Vous avez mené cette étude avant l’essor médiatique du terme sobriété énergétique, l’imaginaire de la sobriété énergétique a-t-il évolué depuis ?
N.T : Un terme évolue avec les personnes qui l’utilisent. De plus en plus de personnes parlent de sobriété mais le terme reste connoté négativement. Elle est perçue comme une logique imposée. Le concept n’est pas toujours bien explicité dans les médias. Les gens ressentent quelque chose de subi, alors que la sobriété est avant tout une démarche consciente et choisie, tant individuellement que collectivement. L’enjeu est donc d’ignorer les injonctions, les formules négatives, d’insuffler d’autres récits positifs pour rendre la sobriété désirable.
Le plus fédérateur, c’est l’action, et agir ensemble rend heureux. Ce qui est important c’est de créer une histoire commune, c’est comme cela qu’on fait société.