Le SLIME : un premier pas dans les foyers

En France, une personne sur six peine à satisfaire ses besoins élémentaires en énergie. Pour repérer et agir contre ces situations de précarité énergétique un dispositif, le SLIME, a vu le jour en 2012. A Villeneuve-Saint-Georges, un ménage fait le bilan. Reportage.

Entre les étages du meuble télé, une petite lumière rouge attire l’œil attentif de Quentin Hoffer. « C’est en veille Madame Andrée », note cet ingénieur énergéticien d’un ton complice. Petit rire gêné « j’ai oublié », répond la résidente au coordinateur de la plateforme pour « la Rénovation énergétique pour tous » du Conseil départemental du Val-de-Marne. Autour de la table basse trônant dans le salon sobrement meublé de ce logement social de Villeneuve-Saint-Georges, l’heure est au bilan. Ce samedi de novembre Shamarie François est également présente. Dix mois plus tôt cette jeune ambassadrice de l’énergie rendait à Marie-Souffrance Andrée sa première visite, celle du diagnostique. « A ce stade, on fait le tour des installations : chauffage, eau, éclairage… On s’intéresse aussi à l’électroménager et on interroge les résidents sur leurs pratiques, résume-t-elle. L’idée, c’est d’estimer les marges de manœuvre pour ensuite établir des préconisations. »

8 litres d’eau par minute

A l’échelle du Val-de Marne, trois communes retenues après une étude sur la vulnérabilité des territoires ont mis en place ce genre de visites. A Villeneuve-Saint-Georges, Vitry-sur-Seine et Champigny, 600 ménages ont été identifiés comme pouvant bénéficier d’un SLIME, un Service local d’intervention pour la maîtrise de l’énergie (voir page précédente). Pour 300 d’entre eux le processus est enclenché. Le foyer de Marie-Souffrance Andrée en fait partie. « Avant j’essayais de faire des économies mais je n’avais pas les bons réflexes : je faisais toutes mes machines à 90°C, je laissais mon chargeur en permanence branché… », raconte-t-elle.

« J’essayais de faire des économies mais je n’avais pas les bons réflexes »

Le principal point noir est ailleurs : du côté de la robinetterie. « Le débit était très fort, ça giclait dans tous les sens », se souvient la locataire installée depuis 2011 dans ce 67 mètres carré qu’elle partage avec son compagnon et son fils de huit ans. « Grâce aux mousseurs, ces embouts que l’on place au niveau de la sortie d’eau, nous avons réduit le débit de la douche de 9 litres à 5 litres par minute, celui des robinets de 18 à 8 litres par minutes », se félicite Shamarie François, relatant la seconde étape du programme, la visite de restitution. « Cette fois, on a passé en revue les éco-gestes, conseillé d’abaisser la température et d’installer des ampoules à LED », énumère celle qui a pris l’habitude de passer la porte de chaque foyer munie d’un kit. A l’intérieur : un thermomètre, une douchette économe, les fameux mousseurs, une lampe à basse consommation, une multi-prise.

La jeune fille, employée pour trois ans via un contrat d’avenir au sein du Conseil départemental, connaît son rôle sur le bout des doigts. « Je n’ai pas de diplôme spécifique mais j’ai suivi une formation initiale de quatre mois, puis une autre sur la qualité de l’air et une habilitation électricité. » Un an et demi après le début de son contrat, en avril 2015, Shamarie François suit 65 foyers. « Je ne les ai pas encore tous rencontrés, la tâche la plus délicate consiste à les convaincre de nous recevoir. » Marie-Souffrance André est l’une des rares à s’être spontanément tournée vers la plateforme. « Un ami m’a dit ‘ça pourrait t’intéresser’, j’ai suivi son conseil », se souvient-elle. Le plus souvent Quentin Hoffer, Shamarie François et leurs dix collègues prennent les devants. « Soit par l’intermédiaire des travailleurs sociaux et des associations qui nous orientent vers les ménages, soit en faisant du porte à porte ou en tenant des permanences de sensibilisation », explique la salariée.

Jusqu’à 350 euros d’économies par an

Pour cette troisième visite, elle a lâché son débit-mètre, cet outil mesurant le gaspillage au robinet, pour plonger dans les factures. Verdict ? Sur la seule eau chaude, le ménage a gagné trente euros sur l’année. L’eau froide, elle, est comprise dans les charges. Quant à l’électricité, « il est trop tôt pour estimer, mais ça ne devrait pas beaucoup chuter », reconnaît Quentin Hoffer. Comparé aux situations qu’il a coutume de rencontrer, le foyer de Marie-Souffrance André est un dossier facile, « en location dans un logement récent avec du chauffage collectif et de l’électroménager assez neuf, nous n’avons pas énormément de leviers », concède-t-il. Toutes dépenses confondues, les économies pourraient osciller entre cinquante et cent euros par an. Un résultat modeste.

Pour d’autres foyers du Val-de-Marne, les économies liées au SLIME dépassent 350 euros par an. « Même cinquante euros, ce n’est pas négligeable », corrige la principale intéressée. Marie-Souffrance Andrée est auxiliaire de vie, son compagnon gagne des revenus irréguliers, le couple surveille donc ses dépenses de près. « Parmi les douze millions de personnes en précarité énergétique, beaucoup vivent dans des logements corrects mais ont du mal à s’acquitter de leurs factures, commente Quentin Hoffer. C’est le cas ici où l’on est clairement au dessus des 10 % ». Par ce chiffre, il désigne la part du budget consacré à l’énergie. Ce seuil est l’un des critères qui définit la précarité énergétique. Le fait de renoncer à se chauffer en est un autre. « La plupart des ménages suivis, je dirais les 3/4, ont des chauffages individuels – pour moitié au gaz, pour l’autre à électricité. Pour eux, ce coût pèse trop lourd », précise le coordinateur. Résultat ? Beaucoup « éteignent les chauffages et portent des doudounes ». Shamarie François garnit alors son kit de boudins anti-courants d’air, conseille des chauffages à bain d’huile et d’autres « petites solutions de confort ». Mais à ce stade le SLIME ne suffit plus. « On cherche des solutions avec les services sociaux, on envisage des travaux, on aide à la rédaction de courriers aux bailleurs », précise Quentin Hoffer. A ses yeux, « le SLIME est avant tout un excellent outil de prise de contact ».

L’auteur de cet article est Amélie Mougey, journaliste.

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Cet article est extrait du CLER Infos n°113

Confrontés à l’humidité des murs, au froid, ou aux moisissures, aujourd’hui près de 12 millions de Français vivent dans un logement « passoire », qu’ils peinent ou renoncent à chauffer correctement faute de moyens. Les aider à améliorer leur habitat, à l’isoler et le rendre plus économe, est la première étape d’un vaste chantier : celui de la rénovation du bâti en France. Comment remédier à la précarité énergétique ? Qui sont les acteurs mobilisés pour lutter contre ce mal grandissant ? Quels sont leurs outils ? Un dossier à retrouver dans le CLER Infos n°113.

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