« L’agglo doit définir des objectifs d’évolution des réseaux énergétiques mais ne dispose pas de réels moyens pour les mettre en application »
A l'occasion du Débat public sur la Programmation pluri-annuelle de l'énergie (PPE), le CLER - Réseau pour la transition énergétique appelle le gouvernement à entendre et soutenir les acteurs locaux - collectivités, associations, entreprises mais aussi citoyens - qui font la transition énergétique dans les territoires. Le point de vue de Lionel Brard, maire adjoint de Valence, délégué à la transition énergétique de la Communauté d'agglomération Valence Romans.
Valence Romans Agglo s’est engagée dans l’élaboration de son Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) dès juin 2015. Au cours de ce travail, le dimensionnement des réseaux basse tension, notamment en milieu rural, s’est révélé être une contrainte majeur au développement du photovoltaïque qui représente le plus fort gisement d’énergie renouvelable sur ce territoire. Pour répondre aux enjeux de la transition énergétique, la collectivité est ainsi en attente d’évolutions majeures, aussi bien techniques qu’organisationnelles.
Comment avez-vous abordé la question du réseau électrique dans vos travaux de planification énergétique ?
Afin de disposer de l’ensemble des enjeux permettant de définir une stratégie énergétique locale cohérente, nous avons souhaité établir un état des lieux des réseaux de distribution d’énergie, bien avant que la réglementation ne l’impose aux PCAET. En effet, avec la montée en charge des énergies renouvelables, les réseaux, dimensionnés pour les besoins en consommation actuels, ne peuvent qu’accepter une arrivée en production décentralisée en adéquation avec la consommation locale.
Avec l’appui de l’association Hespul, notre approche a donc consisté dans un premier temps à élaborer un cadastre solaire photovoltaïque en deux dimensions permettant d’identifier, à l’échelle du territoire, les toitures pouvant accueillir des installations photovoltaïques et d’estimer leur puissance unitaire. Ce travail s’est focalisé sur l’énergie photovoltaïque puisque c’est la plus rencontrée sur les réseaux de distribution d’électricité.
Dans un second temps, la carte des réseaux basse tension a pu y être superposée, afin d’étudier la part raccordable à coûts raisonnables de ce gisement sur le réseau publique de distribution d’électricité. Cette seconde étape a été réalisée en collaboration avec Enedis qui nous a permis d’obtenir la carte à moyenne échelle des réseaux électriques.
Quels ont été les résultats de ce travail de modélisation ?
Les résultats montrent bien que le réseau actuel ne peut accepter une augmentation significative des moyens de production. Il apparaît qu’en moyenne, sur les 56 communes composant l’agglomération, seulement 17 % du potentiel photovoltaïque serait raccordable à des coûts acceptables pour les producteurs, 33 % sur une commune urbaine comme Valence et à peine 8 % sur la commune rurale de Montrigaud. L’écrêtement des onduleurs permettrait d’optimiser le gisement raccordable de quelques pourcents. Ce travail de modélisation, réalisé entièrement sous logiciel libre, n’ayant pas vocation à se substituer aux études de raccordement d’Enedis, un partenariat étroit avec le gestionnaire de réseau, sous forme de convention d’expérimentation, a permis de le reproduire avec les outils d’Enedis et d’obtenir des résultats s’en rapprochant.
A partir de ces connaissances, comment pensez-vous pouvoir lever ces freins ?
Outre la contrainte technique, de nombreux autres freins sont apparus tout au long de notre démarche. La première étant la dissociation des compétences d’élaboration du PCAET et d’autorité organisatrice de la distribution d’énergie. D’un côté, l’agglomération doit définir des objectifs d’évolution des réseaux énergétiques mais ne dispose pas de l’autre côté de réels moyens pour les mettre en application.
« L’accès aux informations relatives aux réseaux peut être une problématique »
L’accès aux informations relatives aux réseaux peut être une problématique également, ces données étant détenues par Enedis et par le Syndicat d’énergie. Fort heureusement, des bonnes relations avec Enedis nous ont permis d’obtenir de précieuses informations. Hespul a pu poursuivre le travail engagé et solliciter la mise en place d’un cadre dérogatoire plus large au niveau national afin d’expérimenter certaines actions visant à optimiser le raccordement des producteurs d’énergie (voir encadré ci-joint). Une convention de partenariat est en projet avec le Syndicat d’énergie afin de faciliter l’échange d’informations et d’intégrer l’enjeu « raccordement des énergies renouvelables » lors de la planification pluri-annuelle des travaux sur les réseaux de distribution des communes rurales.
Avez-vous des demandes vis à vis du gestionnaire de réseaux pour assurer le déploiement de vos projets ou les accélérer ?
L’étape suivante consistera à mettre en œuvre les leviers d’optimisation identifiés, comme par exemple la mutualisation de travaux et d’ouvrage entre plusieurs producteurs et consommateurs, l’écrêtement des onduleurs, la modification de la position des prises à vide dans les postes de transformation HTA/BT lorsque cela sera possible ou bien encore la mise à disposition d’informations au grand public. Le compteur communicant Linky, permettra aussi, en modernisant et rendant actif le réseau basse tension, d’intégrer de façon plus importante les énergies renouvelables décentralisées sur un réseau basse tension non prévu à cet effet lors de sa construction. Mais la pierre angulaire de toute cette démarche reste bien l’ouverture d’un espace pérenne de dialogue entre l’intercommunalité en charge du PCAET, son syndicat d’énergie et le gestionnaire de réseau Enedis.
Réseaux : l’association Hespul en quête de solutions au niveau local
Comme le montrent tous les exercices de planification énergétique obligatoires (type PCAET) ou volontaires (type TEPOS) menés pas les collectivités locales, grandes et petites, le recours massif au photovoltaïque (PV) est un incontournable de la transition énergétique vue des territoires. Les principaux éléments qui freinent aujourd’hui le développement du PV par les acteurs des territoires se trouvent du côté de la structure des systèmes de soutien dont la filière aura encore besoin pendant quelques années : seuil discriminatoire des appels d’offre (100 kW pour le seul PV contre 500 pour les autres filières, et jusqu’à 3 MW pour l’éolien !) et absence de régionalisation qui met Lille en concurrence avec Perpignan et conduit in fine à un renchérissement global du coût pour la collectivité.
Généralement ignorée au moment de la définition des objectifs, la question cruciale des coûts de raccordement peut aussi être un frein très puissant aux ambitions initiales, notamment dans les zones rurales qui se caractérisent par un potentiel solaire important au regard des capacités limitées d’accueil du réseau basse tension auquel se raccordent tous les systèmes dont la puissance est inférieure à 250kVA (200-300 m2 de panneaux). L’association Hespul qui a développé une expertise conséquente sur le sujet, est preneuse de retours d’expérience afin d’améliorer sa compréhension des difficultés rencontrées sur le terrain, optimiser sa recherche de solutions au niveau local et alimenter son plaidoyer auprès des autorités compétentes : n’hésitez pas à la contacter à l’adresse : marine.joos@hespul.org
Cet article est extrait du CLER Infos n°118
Partout en France, les acteurs de terrain racontent leurs difficultés à réaliser concrètement des projets d’énergie renouvelable. Montages financiers, réseaux électriques, dynamique partenariale… pour les aider, de nombreuses barrières doivent être baissées. Un cadre réglementaire qui encourage (et non qui freine) cette multitude de petits projets doit être bâti pour permettre aux collectivités, associations ou entreprises, de passer de l’envie à la réalité, de la parole aux actes. Et dans un même élan, accélérer la transition énergétique en France, dans tous les territoires.
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